La colère froide des notaires devant la réforme de leur profession

Publié le 05/09/2016 - 16:00
Mis à jour le 06/09/2016 - 11:20

C’est avec beaucoup de prudence dans le propos que Maître Philippe Achard, s’exprime. Une parole de notaire. Prudence et ton mesuré. Normal, il s’agit là de propos tenus par le président de la Chambre des Notaires de Franche-Comté : « Nous ne cherchons pas la polémique, nous ne cherchons pas le conflit. Mais nous sommes édifiés de ce que l’État propose comme réforme de notre profession ».

Le regard d’Albert

Une réforme, partie de la Loi Macron, qui, à bien entendre le propos tenu, passerait à côté de l'essentiel. De plus elle mettrait en danger les  Offices déjà installés, mais aussi les imprudents qui, dopés par l'apparente simplicité du texte de loi à venir, y verraient une opportunité facile à saisir.

Et d'abord, la critique, polie toujours, d'un non-dialogue avec les services de la concurrence de Bercy qui, depuis le début, mèneraient la danse : "Si nos instances ont bien été reçues au Ministère, leurs remarques et souhaits semblent être restés lettres mortes. Nous sommes bien inquiets du peu de place de la Chancellerie dans les discussions préalables à la rédaction des textes de cette loi. Même si le Garde des Sceaux, Mr Urvoas, a, semble-t-il, pris le dossier en main, quand madame Taubira semblerait s'en être désintéressée." 

Car il faut être clair, les notaires, hommes de loi et de droit, ne sont d'accord en rien (ou si peu ) avec les termes de cette réforme. Qu'il s'agisse de tarification ou d'installation.

Ce texte, sous cette forme, ne passe pas. Les notaires craignent "qu'il ne soit pas pertinent au regard de leurs missions de service public". À ce titre, Maître Archard rappelle opportunément  que les notaires perçoivent gratuitement pour l'État plus de 22 milliards d'Euros de taxes…

Et surtout on est prié de ne pas y voir un quelconque conservatisme (la profession, assure maître Achard, a su épouser les nouvelles technologies). Mais plus justement, il faut comprendre là, la défense d'intérêts bien compris de la clientèle et d'une profession rompue aux habitudes du droit, donc légaliste. 

Alors petite revue de détails des points qui fâchent- tout en restant polis et selon les notaires :

La tarification : la rémunération de l'activité notariale mettrait en péril les Offices, les  anciens comme les nouveaux, et surtout ceux installés en territoire rural. Petit rappel, l'activité notariale représente 50000 emplois dans l’hexagone. 

Autre point qui fâche la profession : la préconisation de l'installation de 1650 officines notariales supplémentaires sur le territoire, en fonction de bassins d'emplois déterminés par l'autorité publique. Et selon des modalités alliant l'horodatage (premier arrivé, premier servi) et aussi le tirage au sort pour départager les candidats. Un dispositif jugé "surprenant".

Là encore, aucune concertation avec la profession. Il en résulterait la mise en concurrence, parfois, entre officines historiques et nouvelles sur des territoires trop exigus pour le maintien d'une activité constante et suffisamment rémunératrice.

En Franche-Comté par exemple, il est prévu 9 bassins d'emploi et la création de 27 offices. Une démultiplication jugée déraisonnable dans notre région qui compte aujourd'hui 68 offices pour 156 notaires.

"Les notaires entendent toujours adapter la profession pour mieux répondre à l'exigence légitime de sécurité juridique due aux citoyens, sans refuser la relation avec d'autres professions du droit (avocats, huissiers, notaires) et du chiffre (experts comptables, commissaires aux comptes), et surtout sans repli identitaire", affirme Maître Philippe Achard. "Encore une fois, nous ne sommes pas opposés par principe aux réformes, mais celle-ci, par bien des aspects, manque absolument de pertinence et risque de s'avérer dangereuse pour la profession, et ceux que nous servons, les citoyens, nos clients."