Le procès Heaulme renvoyé pour suivre une nouvelle piste

Publié le 02/04/2014 - 10:45
Mis à jour le 02/04/2014 - 16:58

Le procès du tueur en série Francis Heaulme pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz en 1986 a été renvoyé à une date inconnue mardi 1 avril 2014, après seulement deux jours d’audience, en raison de témoignages de dernière minute qui incriminent un autre homme.

 © Alexane Alfaro
© Alexane Alfaro

COUP DE THEÂTRE

Il "pourrait exister des charges contre une autre personne" que Francis Heaulme, a expliqué le président de la cour d'assises de la Moselle, Gabriel Steffanus, en annonçant cette décision.

"Des indices graves et concordants" pèsent désormais sur Henri Leclaire, un ancien manutentionnaire qui avait avoué le crime en 1986 avant de se rétracter, selon l'avocat général Jean-Marie Beney.

Aux familles d'Alexandre Beckrich et Cyril Beining, dont le ou les assassins ne sont toujours pas identifiés, "je veux faire part de mon regret de ne pas pouvoir mener les débats jusqu'à leur terme. L'entière vérité est à ce prix", a déclaré M. Steffanus.

En septembre 1986, les deux petits-garçons de huit ans, avaient été massacrés à coups de pierre au bord d'une voie ferrée à Montigny-les-Metz.

Ce report du procès de Francis Heaulme - qui devait initialement durer jusqu'au 23 avril - ouvre la voie à l'ouverture d'une information judiciaire à l'encontre de Henri Leclaire, en vue de sa mise en examen.

Un futur procès avec deux accusés ?

Le procès, qui pourrait donc être celui de Francis Heaulme et Henri Leclaire, n'aurait donc pas lieu avant fin 2015 ou 2016, près de 30 ans après les faits.

M. Leclaire, 65 ans, avait été blanchi par l'enquête mais incriminé par deux témoins de dernière minute. Mardi matin, il s'est quasiment retrouvé dans la posture d'un co-accusé, lors de quatre pénibles heures d'audition devant la cour et un Francis Heaulme somnolent.

Une femme, Marie-Christine Blindauer, est ainsi venue dire qu'elle avait recueilli ses confidences, un jour de 2012 où il lui livrait ses courses. Selon elle, le sexagénaire a raconté que, le jour du double crime, le 28 septembre 1986, il avait "attrapé" et "agrippé" les deux petits garçons, car ceux-ci "gênaient son travail" et l'"horripilaient". Mais qu'il ne les avait pas tués.

"C'est pas moi, je les ai pas tués (...). J'étais pas là", a répété M. Leclaire qui, face aux questions insistantes du président, s'est empêtré dans des déclarations confuses et contradictoires.

"Mon client raconte tout et n'importe quoi (...), il y a trop de pression", a tenté de l'excuser son avocat Me Thomas Hellenbrand, qui ne pouvait pas intervenir durant l'audience car son client comparaissait en tant que simple témoin. "Ce jeu de massacre devenait indécent".

Un autre témoin, ancien conducteur de train, a raconté à la cour qu'il avait vu un homme ensanglanté - qui ressemblerait à 90% à Henri Leclaire - courir le long des voies ferrées le jour des faits. Mais son témoignage maladroit à la barre n'a pas convaincu et exige d'être dûment vérifié.

Du jamais vu

Ce report, "personne n'a jamais vu ça dans l'histoire judiciaire. C'est une première. Une condamnation, une révision, une deuxième condamnation, un acquittement, un nouvel accusé, un quatrième procès, qui fait naufrage, et un nouveau suspect, c'est une première en France", s'est exclamé Me Stéphane Giuranna, l'un des avocats de Francis Heaulme.

L'affaire a déjà donné lieu par le passé à trois procès: un autre suspect, Patrick Dils, a été condamné en 1989 et 2001, puis définitivement acquitté en 2002, après 15 ans d'emprisonnement.

Les parties civiles ont approuvé le renvoi du procès, tout en exprimant leur amertume.

S'il est "entièrement d'accord", l'avocat du père du petit Alexandre, Me Thierry Moser, s'est dit "triste de ce dénouement".

"Moi, mon principal ennemi, c'est le temps. Les familles n'ont toujours pas de réponse légale sur l'auteur de ce crime", a déclaré Me Dominique Rondu, qui défend Ginette Beckrich, la grand-mère d'Alexandre, 88 ans.

"Je suis déçu parce que je pensais que la vérité allait surgir dans quelques semaines", a déclaré Jean-Claude Beining, le père du petit Cyril, très las. "J'espère bien connaître la vérité un jour, mais est-ce que je serai encore là pour la voir?"

La mise en cause de M. Leclaire ne devrait pas signifier l'abandon des poursuites contre Francis Heaulme, 55 ans, le "routard du crime" déjà condamné pour neuf meurtres.

De lourdes charges pèsent sur lui, qui était présent sur place le jour du crime. Mardi, l'accusé a réitéré avoir aperçu les deux petits garçons vivants, puis morts. Et deux témoins disent l'avoir vu, le visage ensanglanté, peu de temps après le meurtre, à quelques kilomètres du lieu du crime.

Les enquêteurs avaient par ailleurs conclu que cette affaire portait sa "quasi-signature criminelle"

(Source AFP)