Les revues de morbi-mortalité (RMM), des retours d'expérience entre professionnels au sujet des incidents graves, comme les arrêts cardiaques inexpliqués, "sont obligatoires depuis 2009", a souligné lors des débats Frédéric Douchez, l'avocat de la clinique Saint-Vincent. Or, "en 12 ans, M. Péchier n'a jamais participé à une RMM", a-t-il remarqué. L'ancien anesthésiste star de la clinique Saint-Vincent est jugé depuis le 8 septembre pour 30 empoisonnements de patients âgés de 4 à 89 ans, dont 12 sont morts, entre 2008 et 2017 à la clinique Saint-Vincent et à la Polyclinique de Franche-Comté.
"Son absence est inadmissible, incompréhensible"
Frédéric Péchier ne s'est pas présenté à la réunion concernant l'arrêt cardiaque de Sylviane Baugey, une patiente de 57 ans décédée en 2015 lors d'une banale opération de l'épaule. "Vous êtes le seul médecin à ne pas y être alors qu'on sent bien que c'est un cas qui interroge", a souligné l'avocate générale Thérèse Brunisso, notant une "absence systématique" lors des réunions consacrées aux cas suspects. "Son absence est inadmissible, incompréhensible, pour quelqu'un qui a géré la réanimation de A à Z", s'était aussi ému, mercredi à la barre, un fils de cette patiente.
"J'avais beaucoup d'autres réunions"
C'est au médecin "responsable de l'anesthésie du patient" de participer à ces réunions, s'est défendu le Dr Péchier, qui n'était pas chargé de l'anesthésie de Mme Baugey, mais avait "dirigé" sa réanimation, en vain. "J'avais beaucoup d'autres réunions, d'autres temps chronophages et je n'allais pas aux RMM quand je n'étais pas en charge des anesthésies", a-t-il insisté. L'homme de 53 ans a souligné sa présence à l'une de ces réunions lorsque l'un de ses propres patients avait rencontré un "problème au bloc opératoire", en mai 2012.
"Vous ne risquiez rien à vous y rendre, comme vous l'avez dit, +un médecin ne tue jamais un de ses patients+ et ce cas, qui ne vous est pas reproché, avait une explication médicale", balaie l'avocate générale. Un assesseur lui fait remarquer son peu d'intérêt pour ces patients, alors qu'il participait "à la majorité des réanimations" et bénéficiait du "statut particulier" de chef de file des anesthésistes de la clinique Saint-Vincent.
Avocat de nombreuses parties civiles, Stéphane Giuranna a estimé lors des débats que le Dr Péchier ne se rendait pas aux RMM pour "rester très très loin des morts et ne pas avoir à se justifier sur l'injection de tel ou tel produit". "Si j'étais l'empoisonneur, j'aurais eu tout intérêt à aller voir ce qui se disait à ces réunions et pour orienter mes confrères, ça me paraît logique", a au contraire estimé l'accusé.
Son avocat, Randall Schwerdorffer, a noté pour sa part que d'autres anesthésistes ne se rendaient pas toujours aux RMM, sans qu'on "en tire de conclusions".
Frédéric Péchier comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.
(AFP)


