“Ombre” (Eurydice Parle) au CDN de Besançon

Du mythe d’Orphée et Eurydice, l’on ne connait que la version d’Orphée, qui se retourne trop tôt et condamne sa femme à rester aux Enfers. Mais Eurydice a aussi le droit à la parole. Dans cette réécriture, Orphée est une star de la chanson, Eurydice une écrivaine à l’ombre de son mari. Aux Enfers, Eurydice peut enfin exister pour elle-même, libre.

On connaît l’histoire d’Eurydice, morte deux fois : de la morsure d’un serpent puis du geste inconsidéré de son époux Orphée qui, venu la chercher aux Enfers, enfreint l’interdit et se retourne alors qu’il s’apprête à la ramener à la vie. Et si Eurydice avait exigé qu’il la laisse dans l’ombre ?

Sous la plume acérée de la dramaturge autrichienne Elfriede Jelinek, le royaume des morts devient en effet le lieu de l’émancipation féminine. Loin d’un amour aussi astreignant qu’éreintant, des concerts à succès de son sérial-rockeur d’Orphée, la parole d’Eurydice se déploie, la jeune femme entame une existence nouvelle. Après avoir exploré les blessures de l’enfance dans Le Pont du Nord, Marie Fortuit plonge en musique dans ce mythe revisité, qui inverse le topos de la femme abandonnée pour transformer sa solitude en force d’action. À Orphée, surface de fantasmes pour des fans hantés par leur vide, les feux aveuglants de la rampe ; à Eurydice l’obscurité révélatrice d’une vérité crue et sans fard. Avec Ombre (Eurydice parle), la descente aux enfers devient naissance d’une parole poétique libre et sauvage.

Quitter la version mobile