Apéro frondeurs à l’Élysée : François Hollande veut rassembler

Durant plus de deux heures, le président de la République a symboliquement conviés autour de la table du Conseil des ministres quatorze députés PS frondeurs. Parmi eux; la député du Doubs Barbara Romagnan. Un dialogue jugé « très cash ». Une conversation bien loin des sanctions envisagées un temps, quand ces élus avaient contraint le gouvernement à passer en force pour imposer la loi Macron. Au lendemain de cet « apéro frondeurs », la presse estime que François Hollande s’est livré ce mercredi 11 mars 2015 à un exercice « surprenant ».

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Par cet entretien et au risque d'irriter les "bons élèves" de sa majorité, le président de la République a souhaité renouer le dialogue avec ces socialistes récalcitrants à l'approche d'élections départementales hautement périlleuses et en vue de 2017.

Barbara Romagnan : "Volonté de rassemblement"

"On a pu exposer nos convictions, nos raisonnements", a déclaré la députée du Doubs Barbara Romagnan, soulignant que de son côté, le président avait affirmé "sa volonté de rassemblement".

"C'était un vrai échange, pendant 2h15, autour de la table du Conseil des ministres, pas une rencontre pour se faire des reproches", a relaté de son côté  le député de la Nièvre Christian Paul.

Le message adressé au président était qu'"en l'état sa politique ne passe pas auprès de la majorité" mais "l'essentiel est qu'il y ait un dialogue", a pour sa part estimé Pouria Amirshahi. Et, selon lui, François Hollande n'était "ni dans le reproche, ni dans la justification totale" de sa politique qui souligne que cette rencontre, est la reconnaissance d'un fait politique :  "c'est nouveau et c'est quelque chose de signifiant".

Déjà à la sortie du Conseil des ministres, Manuel Valls s'était adressé à la presse pour justifier cette mansuétude, et marteler une priorité: "rassembler", dès le premier tour des départementales le 22 mars, les socialistes et la gauche pour contrer "la montée particulièrement inquiétante du Front national". 

2017 en ligne de mire ?

François Hollande veut-il également s'assurer d'une majorité à deux ans de la présidentielle? "Le président souhaite œuvrer au rassemblement à l'unité de tous les Français, c'est l'esprit du 11 janvier", répond son entourage, "il pense que c'est essentiel pour la réussite de son action". Pour autant et "quelles que soient les personnes reçues à l’Élysée, l'idée est d'avoir des discussions très directes et libres mais en aucun cas de discuter de la ligne ou de la composition du gouvernement", assure-t-on de même source. 

Du changement ? Pas vraiment pour maintenant !

François Hollande lui-même l'a affirmé dans un entretien avec Challenges: il n'y aura "pas de changement, ni de ligne ni de premier ministre" en cas de défaite du PS aux départementales.

Pour autant, le chef de l’État n'exclut pas un élargissement de la majorité au nom de l'"exigence impérieuse du combat contre le Front National". Cécile Duflot (EELV), qui a refusé d'intégrer le gouvernement de Manuel Valls en 2014, entraînant le départ des écologistes, "est intelligente, elle comprendra", assure-t-il.

En privé, il le répète à l'envi: "La porte (du gouvernement) reste ouverte" pour les Verts dont il "ne souhaitait pas le départ du gouvernement". "Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est retricoter la gauche", décrypte un proche. "Pas la peine d'essayer de rallier le parti de gauche et le PCF mais il faut ramener les écologistes et rallier les frondeurs" dans le but de "ressouder la famille socialiste avec les radicaux et d'y agréger les Verts", explique-t-il. 

Un remaniement n'est "pas du tout la préoccupation du moment", abonde l'entourage du chef de l’État, "notre préoccupation, c'est l'action, pas la réflexion sur la construction d'un mécano".

 Info + : La presse "surprise" 

Ce jeudi matin la presse parle d'un exercice "surprenant" de la part de  François Hollande qui, tout en recevant les «frondeurs» est resté «droit dans ses bottes» au niveau de sa ligne politique et de son Premier ministre pour l’après «gifle électorale» annoncée pour les départementales de fin mars. «Hollande courtise les frondeurs mais ne veut pas changer de cap», résume Le Figaro. 

Une première victoire pour les frondeurs ?

Nicolas Beytout dans l’Opinion voit pourtant dans l’invitation de mercredi une «première victoire pour les frondeurs» à qui François Hollande «donne quitus de leur importance dans le jeu politique». Mais «quelle que soit l’ampleur du désastre annoncé aux élections départementales, Manuel Valls est assuré de demeurer à Matignon», s’étrangle-t-il. «Circulez, il n’y a rien à changer...» 

«Le changement ce n’est plus maintenant», renchérit Jean Levallois (La Presse de la Manche) dans un énième détournement du slogan de campagne du candidat Hollande en 2012. «Affirmer qu’il ne saurait y avoir un fléchissement de sa politique et recevoir dans la foulée ceux pour lesquels cette politique fait problème et les conduit à faire une grosse colère, c’est tout à fait surprenant», relève-t-il, parlant d’un président «droit dans ses bottes».

 «A vingt jours d’une nouvelle gifle électorale sur laquelle chacun s’accorde, François Hollande annonce la couleur : il acte lui-même cette débâcle et annonce qu’il ne changera ni de ligne, ni de Premier ministre», analyse Jean-Marcel Bouguereau (L'Obs) . «Hier soir, il recevait les +frondeurs+. Pas pour les conforter dans leur opposition ni pour leur annoncer un tournant vers une +autre politique+, mais plutôt pour essayer d’en débaucher quelques uns». 

Mais «si certains dirigeants d’Europe Ecologie (Placé, Rugy) ou d’autres personnalités (Benhamias, Lepage) sont tentés par des ministères», souligne Bruno Dive (Sud-Ouest), «Cécile Duflot, qui tient l’appareil d’EELV, ne veut pas en entendre parler». Si bien que les «grandes manoeuvres» présidentielles «pourraient tout aussi bien ajouter la confusion aux divisions».

Pour Bernard Stéphan (La Montagne), le maître mot du jour était «rabibocher» grâce notamment à une «opération séduction sans concession sur le fond» à destination des frondeurs. «Le nouveau paysage politique français, ce tripartisme qui semble désormais s’imposer, oblige la gauche au rassemblement» pour être au second tour, ajoute-t-il. 

Selon lui «c’est le but des manoeuvres de l’exécutif pour préparer un retour au bercail de l’union de tous les socialistes, du plus grand nombre d’écologistes et des radicaux sans exception. Au risque du +suicide politique en direct+, selon l’expression de Jean-Christophe Cambadélis». 

(Avec AFP)

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