Quand un patient demande à mourir : une étude menée depuis 2014 en Bourgogne-Franche-Comté

Les états généraux de la bioéthique viennent de s’achever. Le Comité consultatif national d’éthique s’apprête à rendre en juin son rapport de synthèse pour aider l’exécutif à rédiger à l’automne un projet de loi de bioéthique. Il sera, entre autres, question de l’euthanasie. Dans la région l’étude DESA (demandes d’euthanasie et de suicide assisté) est portée par le CHRU de Besançon.

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Régis Aubry est le chef du Pôle autonomie handicap du CHU de Besançon. Il conduit avec Aline Chassagne, Florence Mathieu-Nicot et Elodie Cretin, chercheures au CHU de Besançon, l'étude DESA visant à vise à décrire, caractériser et comprendre les demandes d'euthanasie, afin d’aider les professionnels et les proches dans l’accompagnement des patients en fin de vie.  

L’étude s’est appuyée sur 86 entretiens, réalisés en 2014 et 2015, auprès des malades demandeurs, de leurs proches et des soignants qui ont recueilli leur demande. Ces entretiens ont été conduits et répétés à différents moments au cours des deux semaines suivant la demande.

Ces entretiens mettent en évidence que la demande intervient à un moment bien particulier de la maladie, lorsque le rapport au corps est bouleversé et que le malade sait sa fin proche.

"Si donner la mort à autrui est interdit en France, le désir de mort est parfois exprimé par des personnes en fin de vie. L’analyse de cette parole n’avait jusqu’alors jamais fait l’objet d’une recherche en France" indique le CHRU de Besançon. "L’étude a permis d’analyser 31 demandes d’aide à mourir sur une période d’un an. Les patients rencontrés – 76 ans en moyenne – étaient principalement atteints de maladies néoplasiques et dans la plupart des cas, conscients de la proximité de leur mort".

La demande d'euthanasie n'est "pas figée" 

Pourquoi souhaite-t-on mourir ? L'étude montre que les motivations sont davantage liées à la souffrance engendrée par la perte d’autonomie qu’à l’inconfort ressenti à ce moment-là. La mort est alors perçue comme une délivrance. "Les demandes d’euthanasie ou de suicide assisté prennent appui sur les représentations qu’ont les patients des conditions de la mort qu’ils jugent acceptables ou non" soulignent les chercheurs.  "Cependant, la demande d’euthanasie n’est pas nécessairement figée, bien au contraire : les demandes évoluent et se transforment. Parfois elles ne réclament plus l’intervention d’un tiers ou, plus rarement, elles ne sont pas répétées".

Les interactions avec l’entourage, familial et soignant, et les évènements au cours de la maladie participent souvent à ces évolutions. "Pendant que les demandes varient, les patients sont souvent en prise avec un sentiment d’ambivalence, intrinsèque au désir de mort".

Maitrise de sa vie, maitrise de la mort.

L'étude met en lumière que le désir d’euthanasie est fréquemment lié à la conception de l’autonomie. Les chercheurs émettent l’hypothèse que l’affirmation du souhait de mourir exprime aussi, pour certains patients, l’affirmation de leur autonomie et la volonté de conserver une part de maîtrise de leur vie. "Formuler une demande d’euthanasie est « une manifestation de soi », c’est aussi une manifestation de vie". 

Info + 

Ciné-débat « Choisir sa fin de vie ? » 

Ciné-débat organisé par Régis Aubry, Aline Chassagne, Florence Mathieu-Nicot et Armand Dirand autour des questions posées par la fin de vie des malades. 

Débat animé par Régis Aubry , chef du pôle « autonomie et handicap » du CHU de Besançon et membre du Comité consultatif national d’Éthique,  et Danièle Leboul , psychologue à la maison médicale Jeanne Garnier, Paris. 

Le débat sera introduit par la projection du film d’Anne Kunvari "Le moment et la manière", qui retrace les derniers mois de vie de son amie Anne atteinte d’un cancer. La discussion qui s’ensuivra – ouverte à tous et en présence de la réalisatrice – sera alimentée, outre le film, par les résultats d’une recherche portant sur les «demandes d'euthanasie et de suicide assisté » (DESA) formulées par les malades en fin de vie2, portée par le CHU de Besançon et inscrite dans un axe de recherche à la MSHE Ledoux (Université de Franche-Comté).

Régis Aubry est chef du Pôle autonomie handicap du CHU de Besançon et membre du Conseil consultatif national d’éthique ; 

Aline Chassagne est sociologue au CHU de Besançon et chercheure associée au LASA (laboratoire de sociologie et d’anthropologie) de l’UFC. 

Florence Mathieu-Nicot est psychologue au CHU de Besançon et chercheure associée au Laboratoire de psychologie de l’UFC. 

Armand Dirand est philosophe à l’Espace de réflexion éthique Bourgogne Franche-Comté.

*L’étude DESA est soutenue par le CHU de Besançon, la Fondation de France, le Défenseur des droits et la Fondation Bettencourt Schueller.


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