Gilles Curtit : “Fragiliser le réseau des CCI, c’est attaquer la compétitivité des entreprises en France au pire moment”

Les présidents des CCI de Franche-Comté montent au créneau contre les rapports Queyranne, Demael et Jurgensen qui remettent en cause leur efficacité et qui préconisent une coupe dans leurs recettes fiscales. Gilles Curtit, président de la CCI de Franche-Comté s’insurge face à la volonté du gouvernement. Il réagit et a répondu à nos questions…

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maCommune.info : quelles seraient les conséquences pour les CCI de  l'application des mesures préconisées dans les rapports Queyranne-Demael-Jurgensen ? 

Gilles Curtit : "Dans sa version la plus sévère, la ponction envisagée par l’Etat sur les ressources fiscales affectées aux CCI représente 20% de ces dernières, et ce, deux années de suite, en 2014 et 2015. Ces chiffres viennent d’être connus, nous n’avons pas encore fait de projections budgétaires sur ces bases, mais si elles devaient être retenues, il est inévitable que nous serons contraints de redéfinir ou d’arrêter des actions bénéficiant directement aux entreprises. Actions importantes développées et portées par le réseau des CCI en Franche-Comté dont je veux citer quelques exemples : la formation de 450 jeunes et apprentis ou de 7.200 collaborateurs d’entreprise ou demandeurs d’emplois à laquelle  nous consacrons 4 millions d’euros de ressource fiscale par an ; l’accompagnement à l’international de 750 entreprises régionales chaque année ; la conduite d’opérations de diversification de grande envergure comme Filauto pour la filière automobile, Minnovarc pour les Microtechniques ou bien encore la constitution de la filière Energie ; l’accompagnement de 1200 nouveaux entrepreneurs par an, mais aussi de nombreuses entreprises en difficulté, et je pourrai multiplier les exemples très concrets. Fragiliser le réseau des CCI, c'est attaquer la compétitivité des entreprises en France au pire moment".

 mCi : Pourquoi jugez-vous ces rapports partiaux ? 

 GC : En ce qui concerne les CCI,  les rapports de la mission Queyranne-Demael-Jurgensen sur les aides aux entreprises et celui du Conseil des prélèvements obligatoires sur les taxes affectées, s’appuient sur des données erronées, des analyses tronquées et formulent des propositions incompréhensibles pour notre réseau.

 Tout d’abord, il y a des aspects de forme inacceptables : le rapport Queyranne parle dans son introduction,  juste avant d’évoquer les CCI, de la nécessité de « réduire ces dépenses injustes et inefficaces ». C’est un manque de respect total pour les 4.800 élus chefs d’entreprises bénévoles qui dirigent nos Chambres dont 120 en Franche-Comté et pour leur 28.000 collaborateurs engagés auprès des entreprises dans toute la France et notamment les 255 collaborateurs franc-comtois. Collaborateurs, dont le gouvernement ne prend pas en considération le travail accompli dans l’intérêt des entreprises et encore moins l’inquiétude que de telles coupes budgétaires peuvent légitimement générer. J’ai d’ailleurs tenu, avec mes collègues Président des CCI de Franche-Comté à exprimer notre confiance et notre fierté à tous nos collaborateurs devant leur engagement et la qualité de leur travail.

 Ensuite, ces rapports comportent de nombreuses erreurs d’analyse : approximation juridique (« Les CCI… bénéficient d’un financement accordé par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie» alors qu’elles bénéficient d’une taxe affectées payées par les entreprises de leur territoire, référence à une version obsolète du Code de commerce, …), erreurs sur le plan fiscal et comptable ( les CCI n’auraient pas de comptabilité analytique, ce qui est parfaitement inexact, affirmation erronée selon laquelle la ressource fiscale ne pourrait financer l’activité de formation, mauvaise appréhension des missions de service publique confiées par l’Etat lui-même aux CCI, ….).

 Ces rapports apparaissent clairement comme des procès à charge et servent d’appui à des mesures punitives et discriminatoires dont sont l’objet les chambres aujourd’hui sur leur ressources : une baisse de 20%, c’est deux fois plus que la trajectoire fixée par le Premier Ministre dans les lettres de cadrage aux organismes publics.

 mCi : Quelles actions comptez-vous mener pour défendre l’intérêt des CCI ?

Nous mobiliser collectivement, faire de la pédagogie et expliquer :

- Que les mesures envisagées ne constituent en rien une économie, mais un détournement de ressource fiscale : En effet l'impôt continuera à être payé par les entreprises, mais au lieu d'être affecté en totalité aux CCI (comme le stipule les avis d’imposition) pour conduire des actions bénéficiant à ces mêmes entreprises, une partie en sera détournée au profit du budget de l'Etat dans l’opacité la plus totale.

 - Que nous sommes favorables à une diminution de la dépense et de la dette publique, que nous y avons déjà contribué, 10% de baisse de ressource fiscale déjà réalisée sur la période 2010 à 2012, et que nous sommes encore prêts à le faire. Notre réseau a ainsi proposé au gouvernement de contribuer de manière exceptionnelle en 2014 à hauteur de 140 millions d'€, et de s'engager à une baisse des taux pour les années à venir, afin que les entreprises bénéficient d'une baisse de la pression fiscale.

 - Mais il est nécessaire, en contrepartie, que nous puissions retrouver l'autonomie et la responsabilité fiscale par la suppression du plafonnement dont nous sommes l’objet : cette ressource fiscale propre est un impôt payé par les entreprises, pour les entreprises et géré par elle, il garantit l’efficacité et la neutralité de nos actions ainsi que la capacité d’expression du « Parlement des Entreprises »  que sont les CCI.

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