Jean-François Verdier : “La musique m’a permis de m’extraire d’un système insupportable”

Depuis 2010, Jean-François Verdier dirige l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté. Avant cela, il a dû apprendre la musique bien sûr, mais le parcours de ce musicien toulousain est atypique… C’est le portrait de la semaine !

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Carte d'identité

Jean-François Verdier est né à Toulouse et vit dans un village situé à 40 km. Ses parents étaient à l'époque responsables d'un centre de rééducation pour personnes handicapées mentales. Il y a vécu avec son frère et sa sœur jusqu'à l'adolescence. "Ce centre était comme dans le film "Vol au dessus d'un nid de coucou" (réalisé par Miloš Forman en 1976)", nous raconte Jean-François Verdier, "il y avait 250 patients qui ont, du jour au lendemain, arrêté les médicaments qu'on leur donnait dans les hôpitaux et tentaient de se soigner par d'autres méthodes, je ne sais pas si vous imaginez…".

C'est dans ce cadre de vie que Jean-François a découvert la musique. Son père avait engagé un musicien pour animer des ateliers auprès des internés. "C'était un véritable passionné qui n'avait aucune barrière, il n'avait pour lui que l'envie", se rappelle Jean-François. C'est grâce à cet homme qu'il a appris la musique à 16 ans, "un âge tardif pour apprendre la musique", souligne-t-il.

Très rapidement, il se rend compte qu'il est fait pour ça. Son professeur de musique lui impose la clarinette comme instrument d'apprentissage "parce que c'était bien et pas cher". Ce sont ses parents qui lui offrent sa première clarinette, en plastique de la marque Canif, achetée par correspondance, "que j'ai toujours d'ailleurs". 

"La musique m'a permis de m'extraire d'un système insupportable" 

A l'école, Jean-François Verdier était un bon élève notamment en mathématiques. "Dans la région toulousaine, les gens qui ne sont pas mauvais en maths font tous la même chose : des études d'ingénieur pour entrer chez Airbus, chez Mitra et chez Ariane Espace. Donc j'étais pour fait ça, ce qui était pas mal", nous raconte-t-il. Jusqu'au jour où il a dit "Non, je veux faire de la musique". Le jeune artiste dit être entré dans la musique "comme dans la religion aussi parce que ça me permettait de m'extraire de ce système insupportable qu'était le centre de rééducation".

Au même âge et en même temps, les adolescents qui avaient les mêmes objectifs de carrière que Jean-François avaient déjà un instrument professionnel, des formations validées, fait des stages, des concours et avaient au moins 10 ans de travail derrière eux.

Pour le jeune musicien, il fallu rattraper tout ce temps-là en gravissant très rapidement les échelons. Il nous explique que "dès le départ, ma musique a été un ensemble, c'était comme quelqu'un qui n'a pas mangé pendant des années : on lui donne à manger, et il mange ce qu'on lui donne, il ne va pas faire le tri. Pour moi c'est pareil : jouer d'un instrument, de deux instruments (avec le saxophone), écrire de la musique, arranger, orchestrer, diriger parce que les autres ne savaient pas, etc. C'était logique pour moi." Partout où il était demandé, Jean-François y allait, sans aucune limite. Il pouvait tout faire. 

L'entrée dans le monde professionnel de la musique

Arrivé dans le courant professionnel, le musicien a dû choisir et passer des diplômes dans un certain ordre et entrer dans la "normalité". Dès qu'il a pu gagner sa vie avec la musique, Jean-François est retourné instinctivement dans l'écriture pour le jeune public, l'orchestration, la direction, l'enseignement, l'organisation d'un festival, la création de stages, etc. "Je fais donc plusieurs métiers dans la musique parce qu'en France on considère que c'est plusieurs métiers", précise-t-il, "et quelque part, ce n'est pas très différent des musiciens du 18e siècle dans le fonctionnement parce qu'ils devaient tout faire tout seuls avant que les choses soient structurer : ils jouaient de plusieurs instruments, ils vendaient leur musique, ils voyageaient, ils copiaient, ils enseignaient, etc. Il n'y avait pas de distinction." 

Conservatoires et diplômes 

C'est à 17 ans ½ , après un an de découverte de la musique, que Jean-François Verdier entre au conservatoire de Toulouse et fait de grands progrès en travaillant pour obtenir plusieurs diplômes en même temps.

A 19 ans, il entre au CNSM, le conservatoire de Paris, où il étudie pendant 5 ans pour plusieurs autres diplômes notamment dans l'enseignement, le travail de l'écriture et la direction d'orchestre. "Normalement, il aurait fallu 12 à 13 années d'expérience dans la musique pour en arriver là", souligne-t-il. Ensuite, la formation du musicien s'est poursuivie à travers ses différentes expériences, mais "on se forme tout le temps dans ce métier et j'espère me former encore longtemps !" 

Orchestre de l'Armée de l'air, retour à Toulouse avec Michel Plasson et entrée à l'Opéra de Paris

Après avoir obtenu tous ses diplômes, Jean-François Verdier doit gagner de l'argent. Pour cela, il est intégré au sein de l'orchestre de l'Armée de l'air à Paris pendant 3 ans.

Il revient ensuite à Toulouse pendant 6 ans pour jouer dans l'orchestre du Capitole de Toulouse dirigé par le chef d'orchestre reconnu Michel Plasson. C'est avec lui que Jean-François apprend beaucoup de la musique française mais aussi la "gérance" d'un orchestre. Il nous explique que Michel Plasson "a dirigé son orchestre pendant 35 ans, le premier orchestre moderne en France, comme une véritable entreprise, en associant des clubs d'entreprises autour de son orchestre, des mécènes, une communication internationale… Ce qu'on n'avait jamais vu avant lui. Tout cela dans le but de rendre la musique ouverte à tous, rencontrer le public, etc.", il ajoute que "c'est aussi ce que je fais ici à Besançon. Je ne compte pas rester 35 ans mais en tous cas laisser l'orchestre Victor Hugo dans un meilleur état que dans lequel je l'ai trouvé."

En 1996, Jean-François entre à l'Opéra de Paris pour y rester encore aujourd'hui comme musicien et chef d'orchestre de temps en temps.

Depuis, le musicien toulousain voyage de villes en villes et à travers le monde pour jouer, diriger et enseigner. 

La famille de Jean-François s'agrandit depuis une dizaine d'années, alors des choix lui sont imposés : à la naissance de sa fille, il a refusé de jouer dans l'orchestre de Munich, soit le plus grand opéra d'Allemagne, en même temps, il a également refusé de jouer en tant que soliste au sein du Concertgebouw (équivalent de l'orchestre philharmonique de Berlin) à Amsterdam. 

L'orchestre Victor Hugo Franche-Comté 

Après avoir refusé plusieurs offres pour rester au plus près de son enfant, Jean-François se demande ce qu'il pourrait faire "d'intéressant et d'utile" en France. "C'est à ce moment-là que j'apprends qu'il y a un orchestre à Besançon qui se casse la gueule et qu'un concours allait être lancé pour créer un projet dans le but de remonter la côte de l'orchestre au niveau musical et de la gestion", se souvient-il. Comme Jean-François avait déjà vu Michel Plasson réussir cela à Toulouse, il s'est dit "C'est ça qu'il faut que je fasse". "Pas simplement être chef d'orchestre et faire de la musique mais bâtir l'ensemble", indique-t-il. Le musicien a donc proposé un projet qui a été validé par la Ville de Besançon.

Jean-François continue de travailler à Paris en jouant et en dirigeant à l'Opéra de Paris et part de temps en temps en tournée avec l'opéra à l'étranger. Il est également invité ponctuellement à diriger des orchestres dans d'autres pays.

Les meilleurs souvenirs de Jean-François Verdier 

Depuis ses débuts et jusqu'aujourd'hui, ce musicien est marqué par de nombreux souvenirs à Besançon mais aussi et surtout ailleurs. Il cite notamment la première fois qu'il a dirigé l'Opéra de Paris en 2009, la première fois qu'il a joué à Amsterdam en 2009, la première fois qu'il a dirigé le Bolchoï en 2014, "Le sacre du printemps" avec l'orchestre Victor Hugo Franche-Comté. Jean-François en profite pour nous préciser : "il se passe quelque chose avec cet orchestre bisontin". 

Ses projets, ses envies… 

Jean-François aimerait écrire de la musique "sans histoire" et pas forcément destinée aux enfants, comme il l'a fait plusieurs fois auparavant, notamment pour la suite de Pierre et le Loup intitulée Le canard est toujours vivant !. "Mais ça prendra du temps", souligne-t-il. 

PORTRAIT CHINOIS 

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