Jonathann Daval réaffirme avoir tué seul sa femme Alexia. Passe d’armes autour d’un hypothétique viol post-mortem

« Oui »: après avoir multiplié les versions et les mensonges durant l’enquête, Jonathann Daval a maintenu ce lundi 16 novembre 2020 être l’unique auteur du meurtre en 2017 de sa femme Alexia, au premier jour de son procès devant les assises de la Haute-Saône où les parties civiles le soupçonnent d’avoir violé son épouse, thèse pourtant jamais retenue par l’instruction. Le verdict est attendu vendredi.

Vesoul, le 16 novembre 2020 © TF

Invité en fin de matinée par le président de la cour d'assises Matthieu Husson à dire s'il confirmait être "seul impliqué dans la mort de (son) épouse", l'informaticien de 36 ans, qui avait multiplié les versions durant l'enquête, a sobrement répondu "oui", les yeux rougis et au bord des larmes.

"Vous ne devez pas être jugé différemment parce que cette affaire a connu un retentissement particulier", a lancé le président Husson à l'accusé. "Oubliez la médiatisation", a-t-il encore exhorté.

En début de soirée, lors de la projection de photos du corps de son épouse prises lors de sa découverte, l'accusé est resté de longues minutes prostré dans son box, afin ne pas voir les clichés particulièrement durs du cadavre.

"Disparu dans son box"

"Il n'a pas réussi à faire face à l'horreur qu'il a lui même provoquée. Il a disparu sans son box", a relevé Stéphanie Gay, la soeur d'Alexia. Plusieurs parties civiles, dont Isabelle et Jean-Pierre Fouillot, les parents d'Alexia, ont également quitté la salle d'assises, où des croix blanches sur les bancs rappellent les contraintes sanitaires en pleine épidémie de Covid-19.

Jetant quelques regards à sa famille et aux proches d'Alexia, le trentenaire, jugé pour "meurtre sur conjoint" et qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, était apparu peu après 09h00 dans le box des accusés, visiblement amaigri. L'audience avait débuté à 9h05  par la désignation des jurés, cinq femmes et un homme, dans la petite salle lambrissée de la cour d'assises où de grandes croix blanches tracées sur les bancs rappellent les contraintes sanitaires en pleine épidémie de Covid-19.

"Jonathann était un enfant toujours calme" qui "vivait dans sa bulle", a déclaré sa mère, Martine Henry, venue témoigner à la barre en chaise roulante et qui doit être réentendue jeudi.

Elle a supplié son fils de "dire la vérité"

La première passe d'armes entre les avocats n'a guère tardé quand ceux de la partie civile, Mes Cathy Richard et Gilles-Jean Portejoie, ont évoqué une possible préméditation et un hypothétique viol de la victime, deux points qui avaient été écartés par la juge d'instruction.

"Je pense qu'il y a eu une relation sexuelle après la mort d'Alexia", a avancé Me Gilles-Jean Portejoie, rappelant notamment la présence "dans le vagin d'Alexia" ainsi que sur sa culotte et son short "du sperme de Jonathann".

"Je vais vous dire ce que je pense: il y a eu une relation sexuelle après la mort d’Alexia!".  Me Portejoie a rappelé que du sperme appartenant à Jonathann Daval avait été retrouvé dans le corps, sur la culotte et le short de la victime.

"Cette histoire de sperme est bien réelle." a indiqué la mère d'Alaexia Daval "D'entendre ces mensonges, ce n'est pas possible pour moi. Les sms d'Alexia, c'était juste pour qu'il revienne vers elle..."

Ces accusations  ont fait bondir les avocats de la défense.  "Aucune investigation supplémentaire sur un viol ante ou post mortem" non constaté par l'autopsie, n'a été demandée par la partie civile durant l'instruction, a balayé Me Randall Schwerdorffer. "On ne peut pas laisser dire n’importe quoi !"

"Epouvantails"

"On agite des épouvantails, comme la thèse de l'empoisonnement et de la préméditation !", dont Jonathann n'est pas non plus accusé, s'est agacé Me Samuel Estève.

De ce procès, les parents d'Alexia, Isabelle et Jean-Pierre Fouillot qui ont longtemps considéré l'accusé comme leur fils attendent "de nouvelles révélations". Jonathann "nous a annoncé une vérité qui est la sienne mais qui n'est pas la vérité", a estimé le père d'Alexia, Jean-Pierre Fouillot.

Selon son épouse Isabelle, la défense est dans le "déni". "Je vais lui poser des questions (mardi), lui demander le pourquoi de toute cette horreur", a-t-elle déclaré. Son mari a lui aussi l'intention de s'adresser à Jonathann.

"Comprendre"

Alexia, "violente en paroles et en actes", "l'humiliait", a soutenu durant l'instruction l'accusé, qui dit l'avoir "étranglée" et "frappée pour qu'elle se taise", mais sans vouloir la tuer.

A l'audience, l'un de ses conseils, Me Ornella Spatafora, a ainsi interrogé le directeur d'enquête, l'adjudant-chef Franck Paredes, sur les messages houleux échangés par les deux époux, Jonathann apparaissant "plus aux petits soins" qu'une Alexia plus "directe" et qui lui reprochait ses "problèmes d'érection" et l'impossibilité d'avoir des "relations (sexuelles)abouties". Mais l'image d'une Alexia dominatrice révulse les parents de la victime.

Rapport sexuel refusé

L'affaire, survenue à l'automne 2017, avait profondément marqué les esprits, en pleine vague #MeeToo.

Le 30 octobre, le corps en partie calciné d'Alexia Daval, employée de banque de 29 ans, était retrouvé sous des branchages, dans un bois à quelques kilomètres du domicile des Daval à Gray-la-Ville (Haute-Saône). C'est son mari, Jonathann, qui avait signalé deux jours plus tôt sa disparition.

Les jours suivants, le visage baigné de larmes du trentenaire s'affichait dans les médias. Mais en janvier 2018, le veuf éploré est arrêté et avoue le meurtre de sa femme, survenu selon lui lors d'une violente dispute.

S'en suivront deux années d'instruction durant lesquelles Jonathann livrera plusieurs versions, se rétractant, puis accusant son beau-frère, avant de reconnaître de nouveau le meurtre lors d'une audition bouleversante devant le juge d'instruction.

En juin 2019, il avouera enfin lors de la reconstitution avoir incendié la dépouille d'Alexia.

Le soir du meurtre, Jonathann dit avoir refusé un rapport sexuel à sa femme qui, en retour, se serait montrée violente, lui reprochant de "ne pas être un homme".

Alexia "l'humiliait", a soutenu durant l'instruction l'accusé, qui dit l'avoir "étranglée" et "frappée pour qu'elle se taise", mais sans vouloir la tuer. "Je ne veux pas que ce soit le procès d'Alexia", a prévenu Mme Fouillot.

(Avec  AFP)

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