Né en 1989 à Boujdour, dans le Sahara du sud marocain, et installé aujourd’hui à Lons-le-Saunier, Abdessamad El Montassir développe depuis 2015 un travail mêlant installations sonores, filmiques et photographiques. Ses recherches portent sur l’histoire récente et ancestrale de sa région d’origine, souvent marquée par des blessures occultées.
À travers des films tels que Galb’Echaouf (2021), l’artiste s’attache à recueillir des fragments de mémoire volontairement enfouis. ”Je ne dirai rien, je ne peux plus en parler”, confie un témoin filmé. Une femme, de son côté, évoque la fin de son enfance nomade en 1975, mais se tait sur ce qui a suivi. Dans ce silence, El Montassir se tourne vers les plantes et les paysages désertiques comme gardiens d’une mémoire invisible.
Le langage des végétaux
L’exposition met en lumière cette attention portée au monde végétal, notamment à travers la plante sahraouie daghmous, symbole de résilience. La pièce sonore Al Amakine (2020), conçue avec Matthieu Guillin, utilise les sons internes de cette plante et des poèmes en hassanya pour restituer une mémoire souterraine. D’autres installations, comme Sadra Kodia, s’appuient sur les chants d’orientation ancestraux et les images d’acacias pour proposer une immersion poétique.
Ces œuvres, explique le Frac, racontent ”la vie des anonymes ici invisibles, leur histoire, les événements qu’ils ont vécus, les violences qu’ils ont subies, mais aussi leurs croyances et leurs coutumes”.
Une carrière internationale
Diplômé de l’Institut national des beaux-arts de Tétouan et de l’École normale supérieure de Meknès, Abdessamad El Montassir a déjà exposé au Centre Pompidou-Metz, au MAXXI de Rome, à Bétonsalon à Paris et au Musée national de l’histoire de l’immigration. Pensionnaire de la Villa Médicis en 2023-2024, il a bénéficié du soutien de nombreuses institutions, en France et à l’international.
Autour de l’exposition
En parallèle, le public pourra découvrir le travail de la Franco-Colombienne Carolina Fonseca, résidente aux Ateliers Vauban de Besançon, qui présente Je rumeur, nous vacarme. Ses sculptures hybrides, souvent activées par la performance, explorent la mémoire et le lien fondamental entre humains, animaux et végétaux.
Le Frac met également à l’honneur Swarming Song (2021) d’Angelica Mesiti, artiste née en 1976 à Sydney et aujourd’hui installée à Paris. Inspirée par une partition du XVIIe siècle retrouvée dans les collections de l’université d’Édimbourg, l’œuvre transpose le Melissomelos ou Madrigal des abeilles de Charles Butler (1571-1647). Ce théoricien de la musique et apiculteur avait composé une polyphonie à quatre voix reproduisant les sonorités d’une ruche, jusqu’à l’appel spécifique émis par la reine.
Angelica Mesiti en a réalisé une nouvelle interprétation enregistrée en 2021 au Reid Concert Hall d’Édimbourg, avec une voix féminine soliste guidant un chœur à quatre voix. L’artiste utilise la voix humaine pour simuler l’appel des abeilles, une approche qui prolonge ses recherches sur les modes de communication organiques, déjà explorés dans Over the Air and Underground. Cette œuvre questionne les réseaux invisibles – qu’ils soient fongiques entre arbres ou électriques entre fleurs et abeilles – et leur puissance de connexion.
Infos pratiques
- "Une pierre sous la langue"
- Du 17 octobre 2025 au 1er mars 2026
- Frac Franche-Comté - passage des arts à Besançon
- Infos sur www.frac-franche-comte.fr