Assassinat de Narumi Kurosaki : début du procès du Chilien Nicolas Zepeda

Le procès du Chilien Nicolas Zepeda, 31 ans, accusé de l’assassinat en 2016 de son ex-petite amie japonaise Narumi Kurosaki, s’est ouvert ce mardi peu après 10h devant la cour d’assises du Doubs, à Besançon.

© Alexane Alfaro

L'accusé à la mise soignée -chemise bleu clair à col italien et cravate sombre-, a pénétré dans la salle d'audience, concentré et serein, juste avant l'ouverture de son procès, s'entretenant avec ses avocates Mes Jacqueline Laffont et Julie Benedetti.

A l'ouverture du procès, le jeune homme de 31 ans a décliné, en espagnol, d'une voix claire et posée, son identité et sa date de naissance, indiquant posséder "une maîtrise en administration en entreprises" et être "fondateur d'une petite entreprise".

L'audience a commencé par la prestation de serment des six interprètes, chargés de la traduction simultanée en japonais et en espagnol de ce procès qui "se distingue par son internationalité" sur "une amplitude horaire de douze heures", a rappelé le président de la cour Matthieu Husson. Celui-ci avait déjà officié pour un autre procès retentissant à Vesoul, celui de Jonathann Daval.

Certains témoins seront entendus en visioconférence depuis le Japon et le Chili.

En détention provisoire à Besançon depuis l'été 2020 après avoir été extradé du Chili, Nicolas Zepeda est accusé d'être venu à Besançon avec l'intention de tuer son ancienne petite amie, qu'il avait rencontrée au Japon et qui l'avait éconduit. Selon l'accusation, il l'aurait étouffée, après une journée et une nuit de retrouvailles, et se serait débarrassé de son corps dans une forêt.

Mais le corps de Narumi Kurosaki n'a jamais été retrouvé et Nicolas Zepeda, unique suspect, affirme l'avoir quittée vivante avant de poursuivre son séjour en Europe puis de rentrer au Chili.

La mère et la plus jeune soeur de Narumi Kurosaki sont venues de Tokyo pour assister au procès. Arrivée au bras de son avocate tête baissée et masquée, la mère de Narumi Kurosaki,a pris place sur le banc des parties civiles, accompagnée de la plus jeune soeur de la victime. Visiblement très émues, étouffant des sanglots, elles ont pris place en silence, tête baissée, sur le banc des parties civiles. Se tenant par la main et épaulées par Me Sylvie Galley, elles ont évité de poser leur regard sur l'accusé.

La famille de Narumi Kurozaki est accompagnée par l'avocate bisontine Sylvie Galley © Alexane Alfaro

Le père et la mère de Nicolas Zepeda ont également fait le voyage pour ce procès. Venus de Santiago du Chili, les parents sont  arrivés ensemble au tribunal, marchant d'un pas décidé devant les nombreux journalistes présents, le visage fermé.

Les parents de Nicolas Zepeda Contreras arrivent au palais de justice de Besançon © Alexane Alfaro

Détenu depuis l'été 2020 après avoir été extradé du Chili, l'accusé, qui clame son innocence, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Dans la salle d'audience, les décalages horaires avec Tokyo et Santiago du Chili ont été affichés sous un grand écran prévu pour les témoignages retransmis en visioconférence depuis l'étranger. Ce procès hors normes fera aussi l'objet d'une traduction simultanée en japonais et espagnol. Sur une table, ont été rassemblés huit cartons, huit gros dossiers et différents éléments des scellés de l'enquête.

© Alexane Alfaro

Après la journée de mardi qui visera principalement à cerner la personnalité de l'accusé, les témoins seront entendus à compter de mercredi avant que l'accusé ne soit interrogé le lendemain sur les faits proprement dits, selon le planning prévu.

"Il n'y a pas de preuve de décès, ni de lieu, ni de modalités précises, pas de scénario clair de ce qui est arrivé. (...) Ce dossier est un peu un château de cartes", a soutenu, en amont du procès, la défense de Nicolas Zepeda.

"D'autres scénarios"

Nicolas Zepeda affirme avoir passé la nuit du 4 au 5 décembre et la journée suivante avec son ex-petite amie. Il l'aurait quittée vivante le 6 décembre vers 4h30 du matin et poursuivi ensuite son périple européen comme prévu. "Ni leur relation, ni son parcours, ni sa personnalité ne donnent aucun élément qui viendrait expliquer ou annoncer un tel passage à l'acte", insiste la défense.

L'accusation propose une toute autre version: ne supportant pas d'avoir été éconduit, celui qui avait rencontré un an plus tôt Narumi Kurosaki dans une université au Japon, se serait rendu sciemment à Besançon, où elle étudiait le français, pour l'y retrouver par surprise. Il l'aurait étouffée dans sa chambre du campus universitaire avant de se débarrasser du corps dans une forêt du Jura, non loin de Dole.

Nicolas Zepeda aurait ensuite envoyé des messages aux proches de Narumi Kurosaki sur les réseaux sociaux, se faisant passer pour sa victime, le temps de regagner le Chili sans être inquiété.

Du côté des parties civiles, la famille de Narumi Kurosaki et son nouveau petit ami français, Arthur Del Piccolo, s'attendent à ce que Nicolas Zepeda propose "d'autres scénarios que celui qui l'accuse""Nous n'avons strictement aucun doute concernant l'implication de Zepeda parce que de nombreux éléments au dossier établissent cette implication", affirme Me Randall Schwerdorffer, avocat de M. Del Piccolo.

Parmi ces éléments figurent des données de téléphonie, la géolocalisation de la voiture louée par Nicolas Zepeda lors de son séjour en France, des achats par carte bancaire dont celui d'un bidon de produit inflammable et d'allumettes ou le témoignage troublant d'un cousin auquel il avait rendu visite en Espagne avant de retourner au Chili.

Aveux

Dans la nuit du 4 au 5 décembre, des "hurlements de terreur", des "cris stridents de femme", comme "dans un film d'horreur" ou comme si "quelqu'un était en train de se faire assassiner", avaient été entendus par des étudiants de la résidence universitaire de Narumi Kurosaki. Mais aucun d'entre eux n'avait alerté la police.

Puis les messages envoyés par Nicolas Zepeda aux proches de l'étudiante auraient brouillé les piste, selon l'accusation, retardant encore le signalement de sa disparition intervenu que le 13 décembre.

Fiers de leur fille et de ses brillantes études, les parents séparés de Narumi, issue d'un milieu très modeste, attendent avant tout de ce procès que Nicolas Zepeda passe aux aveux. "Ils voudraient revenir avec le corps de leur fille" pour lui offrir des funérailles et pouvoir enfin faire leur deuil, souligne Me Sylvie Galley, leur avocate.

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