Alain Franzi, l’un des derniers graveurs de pierre en Franche-Comté

Le Bisontin se rend dans les cimetières de Franche-Comté depuis plus de 50 ans pour rénover, nettoyer et surtout tailler et graver des tombes. Il est parfois accompagné de son fils, Jérôme, lui aussi graveur de pierre et sa femme, Martine, qui l’aide à peindre les lettres ou encore effectuer les dorures…

© Alain Franzi

"Quand j’arrive sur place avec ma petite caisse à outils, une équerre, je nettoie un peu l’endroit. Je mets mon petit tapis et mes coussins pour mes genoux. Je prends mon équerre et mes crayons, trace mes traits, compose le nom à inscrire. Je prends ensuite ma massette et mes gravelets et je cisèle", explique Alain Franzi, 72 ans et tailleur de pierre depuis un demi-siècle à Gray en passant par Vesoul, le Russey, Pontarlier ou encore Besançon.

Des gestes qu’il a répété maintes fois depuis l’âge de 13 ans, période où il a commencé à apprendre le métier en effectuant un certificat d’aptitude professionnelle. "À l’époque, on m’a appris à rouler des pierres aussi grosses que des autos, avec des rouleaux, des leviers, du bois… Aujourd’hui, je serai donc encore capable déplacer une tombe très grosse et lourde sans appui mécanique".

© Alain Franzi

Une intervention directement sur les pierres tombales dans les cimetières qui permet d’éviter de les déplacer en atelier. "La gravure à la main peut être assez rapide par rapport à ce que l’on appelle le jet de sable, qu’il faut composer. C’est un système qui prend du temps. Mais cela peut être un moyen rapide lorsque l’on a un nombre de lettres important. Je fais des gravures à la main, mais je suis aussi équipé d’une sableuse", précise Alain.

Un métier qui lui vient de son père et grand-père

Alain n’est pas devenu tailleur de pierre sur un coup de tête. "Mes parents m’ont poussé dans ce métier et je les en remercie", nous confie-t-il.

Tout est parti de son grand-père qui a "traversé les Alpes avant le siècle dernier", explique Alain et s’est installé comme sculpteur de monuments aux morts. Passion qui a été transmise de fils en petit-fils… Dans la famille Franzi, on est donc tailleur de pierre depuis plusieurs générations. La relève semble également assurée pour Alain avec son fils Jérôme, qui le suit dans ses interventions.

"Il m’a même bluffé, car nous avons fait une plaque pour Rhin et Danube (près de Nancy). Elle avait un nombre de lettres incalculable et il a réussi à tout faire à la main. C’était impressionnant. J’étais content et fier", avoue Alain.

Martine, sa femme, c'est elle aussi lancée dans l’aventure. "Je l’appelle mon Picasso", explique avec amour Alain qui poursuit : "Elle peint des lettres à main levée sur d’anciennes plaques, teint des dorures avec du jaune. On se partage les tâches".

© Alain Franzi

De la pierre tombale à la plaque d’entrée de la maison de Victor Hugo : des demandes insolites…

Des souvenirs, Alain en a par dizaines. Tellement, qu’il est compliqué d’en choisir un plutôt qu’un autre. Les demandes ont également évolué à travers le temps : "Avant, on demandait souvent des dessins de croix et des lettres. Maintenant, cela peut aller d’un tracteur à des fleurs ou des têtes de mort. C’est un défi à relever à chaque fois", explique Alain qui se rappelle également de commandes telles qu’une "bouteille de bière" : "À Baume-les-Dames, il y a un monument assez spécial… Il y a une stèle en pierre sur laquelle il y a une main qui sort d’une porte avec une chaîne", explique-t-il en se rappelant également avoir déjà vu des "dessins de grenouilles, de souris ou encore d’os".

© Alain Franzi

Dans le temps, les tailleurs de pierre utilisaient de la peinture noire pour le nom inscrit sur le marbre blanc. Maintenant, de la couleur est utilisée et souvent, une feuille d’or est appliquée sur la lettre. "On passe un os de seiche pour élever les bavures et c’est fait", souligne Alain.

S’il effectue des tailles de pierre sur des tombes, il lui arrive aussi d’avoir des demandes de rénovation du domaine public comme sur la plaque du square Castan vers la porte noire ou encore la plaque d’entrée de la Maison Victor Hugo à Besançon. Récemment, avec son fils, il a effectué le nettoyage d’une statue Albert Pasche en marbre blanc du cimetière des Chaprais à Besançon. "Quand j’ai parfois des remarques, j’aime dire que j’ai le permis de construire une cathédrale", ironise Alain.

© Alain Franzi

Qu'il pleut ou qu’il fasse grand soleil, il est possible de retrouver Alain sous un parapluie ou un parasol, travaillant sur du granit mouillé ou bouillant.

"Plus tard, mes petits-enfants pourront voir à chaque coin de rue des choses que j’ai restaurées. Et de ça, j’en serai fier", lance-t-il avec émotion.

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