Allocation handicapés : un débat houleux démarre à l’Assemblée nationale

Sectarisme primaire », « basse politique » avant la présidentielle : l’Assemblée nationale a entamé ce jeudi 7 octobre 2021 un débat agité autour du mode de calcul de l’allocation adultes handicapés (AAH) pour les personnes en couple.

©Alexane Alfaro ©

L'opposition réclame à l'unisson une "déconjugalisation" de cette allocation, c'est-à-dire de la calculer sans tenir compte des revenus du conjoint, contrairement à ce qui est fait aujourd'hui. La majorité hurle à la "démagogie" électoraliste, à six mois de l'élection présidentielle".

Le député LR Aurélien Pradié a lancé les hostilités en attaquant un "gouvernement buté", le "sectarisme primaire" de la majorité et sa "sale méthode", pour supprimer l'ensemble des articles de sa proposition de loi. Cet élu du Lot a remis à l'ordre du jour un thème qui avait déjà suscité une séance houleuse dans l'hémicycle en juin. Il profite d'une niche parlementaire LR, ces journées réservées aux textes d'un groupe minoritaire à l'Assemblée. Le Sénat dominé par la droite a aussi mis à son ordre du jour le sujet le 12 octobre.

Poussée dans ses derniers retranchements en juin, la secrétaire d'Etat Sophie Cluzel avait privilégié une formule qu'elle juge "plus redistributive": un abattement forfaitaire de 5.000 euros sur les revenus du conjoint, soit un gain moyen estimé à 110 euros mensuels pour 120.000 couples à partir du 1er janvier.

Jeudi, elle a à nouveau loué cet "investissement supplémentaire" de "185 millions (d'euros) qui permettront à 60 % des bénéficiaires en couple de conserver l'allocation à taux plein".

Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. D'un montant maximal de 904 euros mensuels, elle est versée sur critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd'hui plus d'1,2 million de bénéficiaires, dont 270.000 en couple, pour une dépense annuelle d'environ 11 milliards d'euros.

Le fait que certains soient amenés à choisir entre vivre en couple au risque de voir leur allocation diminuer, ou la conserver mais en renonçant sur le plan légal à leur union, est au centre des polémiques. L'opposition, soutenue par quelques voix dans la majorité, s'indigne de ce "prix de l'amour" pour les handicapés. "Nous ne sommes que les messagers d'une revendication portée haut et fort par les personnes en situation de handicap", a insisté la socialiste Gisèle Biémouret.

Vingt-deux organisations et associations, dont APF France handicap, ont adressé mardi une lettre à Emmanuel Macron, l'appelant à "une réforme historique". "Il est temps", selon elles, de "considérer cette allocation avant tout comme un revenu individuel d'existence".

"Cynisme"

La déconjugalisation de l'AAH représenterait environ 600 millions d'euros selon une parlementaire de la majorité.

Le groupe LREM y est défavorable. Il souligne que "déconjugaliser" l'AAH bénéficiera sans distinction aux modestes et aux fortunés, et reviendrait à remettre en cause "l'ensemble du système de protection sociale français fondé sur la solidarité sociale et familiale", avec un effet boule de neige pour toutes les aides sociales.

Sophie Cluzel a stigmatisé dans l'hémicycle "l'impasse à laquelle conduit la seule déconjugalisation de l'AAH et ses effets de bords automatiques" pour tous les autres minima sociaux. "Portez donc ce débat pour l'ensemble de notre système fiscal", a-t-elle lancé aux LR.

En "colère", le MoDem Nicolas Turquois a reproché à LR sa "basse politique" et son "cynisme" sur ce sujet du handicap.

Les députés LREM ont appris à se méfier des "niches" parlementaires, après plusieurs épisodes délicats, notamment en janvier 2020 lorsqu'ils avaient provoqué une vague d'indignation en repoussant l'idée UDI-Agir d'un allongement du congé pour le deuil d'un enfant.

Outre l'AAH, le groupe LR défend jeudi six autres textes dont des propositions de loi de Julien Aubert pour "dire stop à la prolifération anarchique des éoliennes", d'Anne-Laure Blin réclamant "un ticket restaurant étudiant", afin de pallier les zones blanches sans restaurants universitaires ou une résolution pour faire de la "lutte contre la disparition des abeilles" une "grande cause nationale en 2022".

Le chef du groupe LR Damien Abad entend mettre en avant le visage "social" ou "environnemental" de sa famille politique, qui est "capable de parler d'autres sujets que des questions de sécurité et d'immigration, même si elles sont fondamentales".

(SOURCE AFP)

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