Anesthésiste soupçonné d’empoisonnements : la clinique Saint-Vincent suspend une partie des opérations

La communauté médicale de Besançon est en émoi après l’annonce de la mise en examen d’un anesthésiste de 45 ans pour suspicion de sept empoisonnements dont deux mortels survenus entre 2008 et 2017. Une grande partie du programme opératoire a été annulée ce mardi 7 mars 2017 à la clinique Saint-Vincent.

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 À la Clinique Saint-Vincent de Besançon, où le médecin anesthésiste exerçait jusqu'à sa présentation devant le juge, "une très grande partie du programme opératoire, non urgent, a été annulé aujourd'hui, car l'information a provoqué un choc émotionnel parmi les personnels qui doivent absorber le vif émoi que ça suscite", a confié la directrice de l'établissement, Valérie Fakhoury. 

La direction de la clinique a déposé plainte contre X après que les investigations ont "permis de déterminer les causes (ces) deux incidents", qui ont lieu en janvier, et dont elle n'a pas révélé l'origine.  Plusieurs infirmières travaillant avec le praticien et souhaitant garder l'anonymat ont estimé que "c'est un bon anesthésiste, quelqu'un de bien, avec qui on aimait travailler". Mais certains infirmiers étaient "inquiets" de "ces incidents inexpliqués".

Du côté de la Polyclinique de Franche-Comté, où le médecin a exercé "sur une courte période en 2009", "les circonstances de ces événements graves ont donné lieu à une enquête médicale interne", a indiqué dans un communiqué la commission médicale. L'établissement avait à l'époque averti "les autorités savantes du Centre hospitalier régional universitaire de Besançon et l’Agence régionale de santé", avant de déposer plainte. Depuis les incidents de 2009, "aucun fait de cette nature n’a été à déplorer à la Polyclinique de Franche-Comté", souligne l'établissement dont "la communauté médicale, sous le choc, se tient à disposition des enquêteurs".

"Accusation ahurissante et fragile" pour l'avocat de l'anesthésiste 

"Mon client conteste fondamentalement tout empoisonnement que ce soit. Il dit passer sa vie à réanimer les gens, pas à les tuer", a dit tard dans la nuit de lundi à mardi l'avocat de l'anesthésiste, Me Randall Schwerdorffer, à l'issue de son passage devant le juge de la détention et des libertés, qui a ordonné un placement sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer sa profession et l'obligation de verser une caution de 60.000 euros.

Mais selon le parquet - qui avait demandé un placement en détention - les "indices graves et concordants" existent, et permettent de "présupposer l'administration volontaire de substances mortelles. Il s'agit de faits gravissimes", a estimé la vice-procureur de Besançon, Christine De Curraize. 

Arrêt cardiaque dû à une "injection de substances à dosage létal"

Entre 2008 et janvier 2017, sept patients, opérés à la Clinique Saint-Vincent et à la Polyclinique de Franche-Comté, ont été victimes d'un arrêt cardiaque dû à une "injection de substances à dosage létal", selon les premiers éléments distillés par Mme De Curraize, qui n'a pas précisé la nature de ces substances. Deux d'entre eux n'ont pu être réanimés: un homme de 53 ans, décédé en 2008 pendant une opération des reins, et une femme de 51 ans, décédée en 2016 au cours d'une opération pour une fracture. 

L'anesthésiste, "reconnu" par ses pairs pour ses qualités professionnelles, est soupçonné d'être à l'origine de ces intoxications, a dit Mme De Curraize. Mis en examen pour "empoisonnement avec préméditation", il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

2.000 anesthésies par an 

Depuis sa présentation au juge, le médecin "est dans l'incompréhension totale des accusations portées à son encontre", a expliqué Me Schwerdorffer. "C'est un professionnel archi reconnu, de grande qualité, qui pratique 2.000 anesthésies par an, et dont le métier est plus qu'un métier, c'est une passion", a-t-il affirmé, dénonçant une "accusation ahurissante et fragile".

Une première information judiciaire avait été ouverte pour "homicide involontaire" afin de déterminer les circonstances du premier décès en 2008, puis la Clinique Saint-Vincent et l'Agence régionale de santé ont signalé "deux incidents graves ayant entraîné des problèmes cardiaques imprévus" au bloc opératoire de la clinique les 11 et 20 janvier derniers, entraînant l'ouverture d'une nouvelle instruction début 2017.

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