Assemblée nationale et néonicotinoïdes : discordes dans le groupe LREM…

Coup de semonce pour la majorité: l’Assemblée nationale a adopté ce mardi 6 octobre 2020 le projet de loi controversé permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles pour sauver la filière betterave, mais LREM a enregistré une contestation record dans ses rangs. Dans le Doubs, Fannette Charvier et Éric Alauzet se sont clairement opposés sur la question. La tendance écolo l’a emportée chez le député ex-EELV…

Résultats du vote à l'Assemblée Nationale © Facebook E. Alauzet ©

Cette contestation est le signe que ce "texte difficile, important", n'a pas pu réconcilier tous les tenants de l'écologie et de l'économie, y compris et surtout chez les "marcheurs", comme l'espérait pourtant Julien Denormandie, le ministre de l'Agriculture.

"Ma position n'a pas été difficile à tenir dans le groupe. Tout le monde la comprenait", a déclaré à l'AFP Sandrine Le Feur, députée LREM agricultrice de profession. Éric Alauzet, député du Doubs, a pris la même décision et à voté contre le projet. Il a réagit sur les réseaux sociaux :  

Voici le détail des votes des députés de Franche-Comté :

Doubs :

Jura

Territoire-de-Belfort

Haute-Saône

"Le groupe majoritaire "a envie d'exprimer ses convictions", S. Guerini.

Le précédent record de "fronde" avait été atteint en juillet 2019 sur un sujet également agroécologique, la ratification du traité de libre-échange entre l'UE et le Canada (Ceta): 9 députés LREM avaient voté contre et 52 s'étaient abstenus. Le groupe majoritaire aujourd'hui "s'affirme, a envie d'exprimer ses convictions", avait observé plus tôt le numéro un du parti LREM Stanislas Guerini, alors que plusieurs votes sensibles arrivent (IVG, bien-être animal...)

L'ensemble de la gauche a voté contre le projet de loi sur les néonicotinoïdes, une majorité des LR et MoDem pour, mais la plupart des groupes se sont partagés.

"Il y a des votes qui échappent à la logique partisane car ils participent à des choix éthiques", avait fait valoir l'ex-ministre de l'Environnement Delphine Batho (EDS), farouche opposante au retour des néonicotinoïdes.

La nocivité de ces substances avait cependant fait consensus, de LFI au RN, lors de l'examen du projet de loi lundi soir. Mais l'élu LREM de la Creuse Jean-Baptiste Moreau a encore fait valoir mardi que le projet de loi était une "réponse pragmatique à la situation catastrophique dans laquelle se trouve la filière de la betterave française".

"Bien embêtés"

En raison de la prolifération d'un puceron vert vecteur de la maladie qui affaiblit les plantes dans de nombreuses régions, les betteraves issues de semences non enrobées d'insecticide sont atteintes de "jaunisse".

La réintroduction de semences enrobées avec des néonicotinoïdes doit permettre de protéger les rendements sucriers. Le hic est que ce type de pesticides a été interdit en 2018. Et voilà le gouvernement obligé de rétro-pédaler, en s'appuyant sur le règlement européen sur les phytosanitaires qui permet de déroger à l'interdiction, potentiellement jusqu'en 2023.

"On est bien embêté avec votre texte", avait relevé Thierry Benoit (UDI), qui a voté contre et déplore que "la France n'a(it) pas la maturité d'organiser la transition écologique".

A l'heure où l'exécutif voulait entamer un tournant écologique dans le sillage de la Convention citoyenne pour le climat, il bute sur la sauvegarde d'une filière assurant la "souveraineté" agroalimentaire du pays, avec à la clef 46.000 emplois. Pour M. Denormandie, il n'y a pas d'"alternative" efficace. Hors de question également de "tuer une filière française pour importer des sucres polonais, allemands ou belges".

"On n'aurait jamais dû en arriver là. C'est lié au retard et aux dysfonctionnements dans le suivi de la loi 2016. (...) Je ne peux pas donner un chèque en blanc au gouvernement", a confié le "marcheur" Guillaume Gouffier-Cha, qui s'est abstenu.

Les réactions à ce vote ont été aussitôt nombreuses: la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) salue le "courage" et l'"ambition" du gouvernement. Une "décision responsable", également applaudie par le producteur de sucre Cristal Union.

A l'inverse, Greenpeace a fustigé une "régression écologique majeure". Une "insulte" à "la protection du vivant", s'alarme l'association nationale de l'apiculture française.

(Avec AFP)

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