Déconfinement : J. Grosperrin demande au Premier ministre de ne pas laisser les maires “seuls”

Lors du débat sur la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19 lundi 4 mai, le sénateur du Doubs Jacques Grosperrin s’est adressé au Premier ministre pour lui demander de « rassurer » et « protéger » les maires dans les responsabilités liées au déconfinement.

Intervention de Jacques Grosperrin, sénateur du Doubs :

Monsieur le Premier Ministre, vous avez annoncé aux Français que les écoles ouvriraient le 11 mai. L’argument est louable : celui de remettre entre autres les décrocheurs sur le chemin de l’apprentissage. Cependant il perd beaucoup de force lorsque le retour est basé sur le volontariat. Un service public qui devient facultatif. Ce ne sont pas les décrocheurs qui seront les plus volontaires mais ceux des classes à examen : Terminales, Premières, Troisièmes. Je le regrette.

Les conditions dans lesquelles se fera la réouverture des écoles est un enjeu de taille pour la santé des élèves et de leurs familles d’autant que le conseil scientifique et le conseil de l’ordre des médecins n’y sont pas favorables.

Vous avez pris vos responsabilités ou plus exactement vous avez demandez aux maires d’assumer cette responsabilité en leur laissant ce grand pouvoir de décision : ouvrir ou garder fermées leurs écoles. Vous accompagnez votre décision d’un guide de 54 pages de prescriptions claires qui pèsent désormais sur leurs épaules.

On comprend le désarroi de nombreux maires à qui échoit cette responsabilité : protocole difficile à mettre en place, peut-être usine à gaz comme le disait le Président Retailleau.

Un exemple parmi tant d’autres: comment les maires pourront-ils garantir qu’une distanciation d’un mètre est assurée dans la cour de récréation, dans les couloirs, dans les sanitaires, ... ? C’est pourtant une indication qui les engage et que vous avez inscrite dans le protocole. Plus il y a de normes, plus il y a de risques de voir un parent d’élève dont l’enfant sera infecté par le covid-19 de saisir les tribunaux et d’inculper ainsi nos élus.

Monsieur le Premier Ministre, il n’est pas possible de laisser les maires seuls face à ce risque. Ils ont montré leur totale implication pour être à vos côtés dans cette crise sanitaire sans précédent. Ne décidez pas avant la concertation : nous devons les rassurer, les protéger.

Dans le futur projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire, aucune disposition ne permet de clarifier les responsabilités des élus dans cette période si singulière.

Je vous ai entendu, Monsieur le Premier Ministre, et je vous ai senti, nous vous avons senti ouvert à la discussion, et j’espère un accueil favorable aux propositions que vous fera le Président Philippe Bas pour protéger nos élus locaux corvéables à merci, car le déconfinement c’est demain et nous ne pouvons pas attendre.

Réponse de Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le Sénateur Grosperrin, j’entends les mots qui surgissent sur tous les bancs de cette assemblée : ce sont interrogations, doute, désarroi, questionnement... Et associé à ces mots, le mot de « reponsabilité » qui est également très présent.

Je le redis devant vous, comme je viens de le faire à l’instant, le régime juridique en matière de responsabilité me semble assez stabilisé. Je crois que, aussi bien la jurisprudence de la Cour de Cassation que l’ensemble des dispositions qui existent donnent un cadre juridique qui est stabilisé. Je voudrais aussi dire que je ne suis pas sure qu’un régime juridique quel qu’il soit empêche des procédures pénales, je ne suis pas sûre de cela. Quelle que soit la précision de la loi, il se trouvera toujours un administré ou quelqu’un d’autre pour engager une procédure, pour entraîner ensuite des jugements. Il faut avoir ça en tête.

En toute hypothèse, je voudrais ici rappeler, c’est aussi ce que Monsieur le Premier Ministre a dit, que nous ne cherchons pas ici à atténuer la responsabilité des élus mais au contraire à clarifier les choses si cela vous apparaît nécessaire, à clarifier la jurisprudence et à la repréciser et en ce sens nous pouvons travailler ensemble.

C’est donc en quelque sorte un dispositif de soutien, de réassurance, de confiance politique qui peut ici être apporté. Mais je ne crois pas qu’il faille envisager quelque chose de plus vaste. Je voudrais pour terminer, Monsieur le Sénateur, dire également que je ne crois pas que nous devions prendre des dispositions propres aux élus locaux. Il me semble que la problématique qui a ici été soulevée qui concerne à la fois les élus, mais également les employeurs privés ou les décideurs publics, cette problématique-là, elle est générale et c’est donc à une réflexion globale que nous devons nous attacher. C’est ce qui fait la complexité de cette situation.

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