Le visage de l’Origine du monde de Courbet : ils n’y croient pas !

Depuis le jeudi 7 février 2013, jour de la sortie du magazine Paris Match révélant, en exclusivité mondiale, avoir retrouvé le visage de la sulfureuse toile L’Origine du monde de Gustave Courbet, expertise de Jean-Jacques Fernier à l’appui, le monde de l’art s’agite. Nombreux sont ceux, à l’instar du musée d’Orsay (lire ICI), qui n’y croient pas.

Niaiserie de la pose

André Gunthert, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, aurait apparemment été le premier à réagir dans son carnet de recherches L’atelier des icônes, sur le site culturevisuelle.org. Le 7 février à peine avant 11h, il affirmait :  "Dommage que le mouvement du buste, tourné vers la gauche, ou celui du drapé paraissent incompatibles avec la position de la jeune femme du portrait. Dommage que la pose envisagée par le croquis de Match soit d’une niaiserie difficilement conciliable avec le style de Courbet autant qu’avec le réalisme de “L’Origine…”. Rien de grave, le magazine publiera un autre article sur la controverse, qui fera encore une bonne vente."

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Légéreté de Fernier

Le trublion de l’art, Didier Rykner, déclarait le même jour sur son site La tribune de l’art : "Le montage ne fonctionne évidemment pas", et estimait à propos de Jean-Jacques Fernier : "Et comme il est dommage qu’un expert effectivement (pour une fois) reconnu de l’artiste puisse faire preuve d’une telle légèreté. On aura beau comparer « l’écartement des poils du pinceau, la longueur des coups de brosse (sic) », tout cela ne fait pas une preuve, il faut d’abord regarder. Cette tête de femme n’a, selon toute vraisemblance, rien à voir avec L’Origine du Monde…"

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"De la foutaise"

Pour Henri Duchemin, qui a accordé une interview au Figaro, l’hypothèse de Fernier, c’est "de la foutaise !". Cet expert en peintures anciennes parisien à qui l’on doit l'identification et la réattribution de plusieurs tableaux du XIXe siècle a signalé : "Je suis effondré. Cette histoire est de la foutaise. La manière n'a rien à voir avec celle de Courbet. Un enfant de 2 ans verrait cela! On ne repère nulle part le métier, la touche large, grasse et majestueuse. La matière pétrie…". Autre argument : "Il y a de la violence, presque de la sauvagerie chez Courbet. Là, tout est en douceur et en contrôle."

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"Pas besoin d’être anatomiste"

Dans sa chronique du 8 février 2013 dans Le Monde, le critique d’art Philippe Dagen conteste lui aussi la version d’un tableau découpé. "A en juger d'après les photographies de Paris Match, la proximité stylistique est douteuse, écrit-il. Ni la lumière, ni la touche, ni la texture de la peau, ni le chromatisme ne sont homogènes. A supposer que ce visage soit de Courbet, il daterait de ses débuts". Selon lui, "la similitude des textiles n'est pas plus probante : tous les peintres parisiens avaient les mêmes fournisseurs, peu nombreux." Après avoir relevé quelques "erreurs embarrassantes", il conclut : "Mais le plus gênant se trouve dans la reconstitution de ce qu'aurait été la toile avant découpe. Pas besoin d'être anatomiste pour remarquer que, pour que ces épaules soient attachées à cette poitrine et ce ventre, il faudrait des seins très bas - ou une gorge très haute - et une colonne vertébrale d'une rare souplesse."

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Des réserves du côté du musée Courbet d'Ornans

Quant à Frédérique Thomas-Maurin, l’actuelle directrice et conservateur du musée Courbet à Ornans, qui prépare une exposition en 2014 autour de L’origine du monde, celle-ci a, elle aussi émis dès le 7 février des réserves sur l'incroyable découverte révélée par Paris Match et déclaré qu’il faudrait attendre l’analyse du Laboratoire des Musées de France.

Bref, on l’aura compris, l’ancien conservateur du musée Courbet d’Ornans Jean-Jacques Fernier semble bien seul, quelques jours seulement après la révélation de Paris Match.

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