Les méthodes controversées de Jean-Sébastien Leuba, candidat du PS à la mairie de Besançon

À l’approche des élections municipales, une figure du paysage politique local fait de nouveau parler de lui, mais pas sur le devant de la scène. Jean-Sébastien Leuba, ancien adjoint au maire Jean-Louis Fousseret, nouveau premier fédéral du PS du Doubs et chef de file du PS pour l’élection municipale de Besançon, fait un retour sous les projecteurs en ayant été nommé candidat officiel à la mairie en 2026. Plusieurs témoins internes ou proches du Parti socialiste bisontin, ayant requis l’anonymat, dressent un portrait sévère de celui qu’ils accusent de manœuvres répétées et de gestion autoritaire.

Jean-Sébastien Leuba © DR

Jean-Sébastien Leuba, élu pour la première fois en 2008, aurait dès ses débuts nourri des ambitions fortes au sein du conseil municipal. Jusque là, rien d’étonnant pour un élu. Mais en 2012, il se serait illustré par un revirement inattendu : en soutenant publiquement l'opposition dans une polémique impliquant un collègue de la majorité. ”Ce coup bas désarçonne le maire Fousseret qui, outré, lui retire sa délégation”, rappelle un témoin. Ce soutien retentissant aurait durablement affaibli l’adjoint visé, bien que ce dernier ait été blanchi par une commission d’enquête.

Son retour sur la liste municipale en 2014, après avoir menacé de présenter une liste dissidente, marque un nouveau tournant. Une fois réélu, Jean-Sébastien Leuba est nommé adjoint aux Quartiers et à la Jeunesse, tout en prenant la tête de la section socialiste de Besançon. Ses opposants internes dénoncent alors une dérive autoritaire : ”Il installe un climat de suspicion généralisée, montant les agents contre leur encadrement”, nous raconte-t-on, document à l’appui. Les tensions atteignent un point critique en 2018 : Jean-Sébastien Leuba est alors démis de ses fonctions d’adjoint.

”Pouvoir contrôler”

Son influence, toutefois, ne s’arrête pas à son éviction. En interne, il continue de jouer un rôle central dans la vie de la fédération socialiste du Doubs. Son soutien aux candidatures internes, toujours selon plusieurs témoignages, s’accompagnerait d’une volonté de contrôle. ”Il soutient une militante appartenant au même courant et qu’il pense pouvoir contrôler aisément”, déclare une source proche du dossier, qui décrit une vision hiérarchique et patriarcale de l'engagement politique. Plusieurs femmes engagées au sein du Parti socialiste local affirment avoir été victimes de ”harcèlement moral”, conduisant à des démissions en série.

Un épisode particulièrement marquant survient fin 2024 : la Première fédérale du PS du Doubs, est placée en garde à vue après une erreur administrative ayant conduit au virement de 80 euros sur son propre compte. Bien que classée sans suite par la justice, l’affaire est immédiatement médiatisée. ”Trois articles de presse, dont deux particulièrement à charge, enclenchent le rouleau-compresseur Leuba”, selon les mots d’une autre source. Jean-Sébastien Leuba saisit alors l’occasion pour exiger la mise sous tutelle de la fédération.

”C’est facile de récolter de tels résultats quand on place toute sa famille et ses amis, les amis de ses amis, etc. !”

Pour certains témoins que nous avons rencontrés, l’objectif du personnage est clair : affaiblir les structures fédérales pour mieux revenir en position de force en vue des municipales. ”Dès novembre 2024, il publie un communiqué où apparaît, en gras, le rôle de secrétaire de section comme seul porte-parole dans le cadre de l’échéance municipale”, nous relate-t-on. À la faveur de l'instabilité interne, Jean-Sébastien Leuba s’impose de facto comme interlocuteur privilégié dans les négociations à gauche.

Si ses partisans vantent une certaine ténacité, d’autres dénoncent une stratégie de long terme basée sur la division. ”Il sait que, dans cette fédération habituée aux tensions, il n’est pas le seul à vouloir se sentir les mains libres”, analyse un témoin.

En avril dernier, Jean-Sébastien Leuba a été élu premier des Socialistes pour les prochaines élections municipales dans la cité comtoise avec 80% des suffrages. ”C’est facile que récolter de tels résultats quand on place toute sa famille et ses amis, les amis de ses amis, etc. !”, s’insurge un témoin.

Par ailleurs, dans une lettre adressée aux militants du PS le 2 avril dernier, Nicolas Bodin évoque une ”progression spectaculaire des adhésions (plusieurs dizaines) à la section de Besançon.” Et d’ajouter : ”Notre Parti se dit toujours fier de faire désigner tous ses candidats par les militants eux-mêmes. Dans l’absolu, c’est un principe formidable. Dans la réalité, il peut être remis en cause dès lors que notre parti s’affaiblit lourdement en nombre de militants au fil des années mais que le nombre d’adhérents, lui, connait des augmentations. Le débat d’idées, le débat quant à l’engagement lui-même aussi, perdent alors toute signification. Je ne peux que le constater dans le discours qui nous est servi aujourd’hui.”

© Alexane Alfaro

Dans un communiqué du 18 mai dernier, Myriam El Yassa, Première fédérale du Parti socialiste affirme que ”des manoeuvres internes et des divisions personnelles ont fragilisé l’unité du mouvement” qui ont ”souvent écarté l’intérêt collectif pour l’ego de certains” et exprime sa déception ”face à certains comportements au sein du parti” en qualifiant de ”mâles alpha” qui ”semblent davantage intéressés par leur propre gloire que par la construction d’un projet commun.”

Enfin, le 19 juin 2025, il est élu, avec 98,33% des suffrages, premier fédéral socialiste du Doubs, succédant à Myriam El Yassa. Cette dernière ne peut s’empêcher d’exprimer sur les réseaux sociaux sa douleur en expliquant ”parce que ce sont les manoeuvres, les pressions, les humiliations qui ont eu raison d’un mandat que j’ai exercé avec loyauté et courage. Parce qu’à force d’attaques, j’ai dû m’éloigner. Pas par faiblesse, mais parce qu’il devient parfois vital de se protéger pour ne pas se briser.” L’ex-Première fédérale écrit également que ”celles et ceux qui jubilent aujourd’hui se trompent. Ce qu’ils ont gagné, ce n’est pas un avenir : c’est un vide. Et ce vide, nous allons le combler autrement, avec dignité, avec force, et avec toutes celles et ceux qui refusent les logiques d’exclusion et de pouvoir pour le pouvoir.”

Une union des gauches pas tracée

À cette heure, le Parti socialiste se dit prêt à effectuer quelques alliances pour l’élection municipale bisontine comme avec Place Publique, sans le reste de la majorité municipale si cette dernière s’allie à La France insoumise. 

En parallèle, Nicolas Bodin, actuellement élu PS à la mairie, a annoncé sa candidature dans sa lettre du 2 avril. Il est soutenu notamment par le Parti radical de gauche et Cap 21 - Le rassemblement citoyen.

Reste à savoir si les électeurs bisontins suivront celui que certains considèrent comme ”charmeur et convivial”, mais que d'autres voient comme ”un semeur de troubles”.

"Je regrette profondément la méthode de la dénonciation anonyme”

Contacté, Jean-Sébastien Leuba a réagi aux accusations et affirmations décrites dans notre article. Dès l'ouverture de sa réponse, le nouveau Premier fédéral condamne le recours à l’anonymat par ses détracteurs : "Je suis un fervent défenseur de la transparence […] j’ai toujours exprimé mes convictions de manière publique, nominativement ou par voie de communiqué de presse." Il remet en question la légitimité de cette démarche en écrivant que "si les personnes […] sont certaines de la véracité de leurs propos […] je ne comprends pas pourquoi elles choisissent l’anonymat."

Il précise qu’aucune instance ne l’a convoqué ni sanctionné depuis le début de son engagement : "Toutes les demandes formulées […] ont été rejetées ou classées sans suite […] je n’ai jamais été entendu par aucune autorité compétente […] depuis 24 ans de militantisme."

"Oui, j’assume pleinement les positions qui ont conduit à mes retraits de délégation"

Jean-Sébastien Leuba insiste sur sa droiture politique : "Je suis profondément attaché au respect de la loi et à une totale franchise dans l’expression de mes convictions."

Il affirme avoir agi selon sa conscience et explique ”qu'il s’agissait pour moi de choix difficiles mais nécessaires, en faveur de ce que je jugeais juste, pour la préservation des deniers publics et la défense des droits d’un collectif de salariés." Et il revendique un rôle de vigilance : "Les élus ont un devoir de vigilance. J’estime avoir exercé le mien […], je mettrai à disposition des moyens pour les lanceurs d’alerte […], et j’aurai à cœur de les renforcer à l’échelle de notre commune."

"Ce procès a-t-il été fait aux proches et aux familles de Minjoz, Schwint, Fousseret ?”

Face aux insinuations sur les liens familiaux dans le Parti socialiste, Leuba exprime une lassitude : "Je dois avouer que nous sommes lassés des arguments remettant en cause la légitimité des élections au Parti Socialiste par des anonymes.” Il se dit fier de l’engagement bénévole de ses proches parce que ”cela constitue un héritage dont je suis fier et qui est parfaitement respectable."

Il interroge les intentions de ses accusateurs : "Ce procès a-t-il été fait aux proches et aux familles de Minjoz, Schwint, Fousseret ?” en évoquant une dynamique positive de la section :
"La section s’est développée grâce à une dynamique porteuse […] une campagne stimulante […] des animations conviviales de nos temps de travail.” Il critique par ailleurs l’absence d’implication de ses opposants : "Les auteurs de ces critiques anonymes n’ont pas dû participer."

Jean-Sébastien Leuba défend fermement la régularité du processus électoral en précisant qu’elle s’est tenue ”sous le contrôle d’une commission électorale et a été validée par nos instances nationales." Il souligne le respect du vote démocratique "l’anonymat a été préservé dans le secret de l’isoloir […] les résultats sont sans appel."

Il suggère une instrumentalisation politique des accusations : "Je ne peux m’empêcher de faire un lien entre ces accusations […] et les échéances à venir.” Il observe une coïncidence troublante :
"Que ces propos malveillants et volontairement anonymes ressurgissent en pleine campagne électorale […] n’est pas anodin."

"Nous nous engagerons toujours à visage découvert”

En conclusion, Jean-Sébastien Leuba réaffirme son engagement en écrivant qu’il souhaite ”désormais employer toute mon énergie à porter au plus haut les valeurs socialistes pour les prochaines élections municipales.” Et oppose à l’anonymat des attaques la clarté de son propre engagement : "Quand bien même l’anonymat se glisse dans l’ombre, nous nous engagerons toujours à visage découvert pour eux [les citoyens]."

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