Pic épidémique en Franche-Comté : le point complet du Dr Gilles Blasco

Pic épidémique en Franche-Comté • « On y est… » Le pic épidémique de Covid-19 est actuellement atteint et devrait se poursuivre en tout début de semaine prochaine. Même si la vague paraît « légèrement moins haute » que prévu en Franche-Comté, le Dr Gilles Blasco estime que le plus dur est devant nous avec un décalage des flux de patients en réanimation de deux à trois jours. « Nous avons des réserves. Aucun malade ne sera au bord de la route …  » assure le coordinateur des risques infectieux au CHRU de Besançon qui met en garde les citoyens. « Il ne faut pas se relâcher. Le virus circule toujours, restez chez vous et soyez prudent… « assène-t-il.

© D Poirier ©

Le Dr Gilles Blasco, anesthésiste et réanimateur se veut plutôt rassurant sur la capacité des établissements de santé de la région à accueillir dans les meilleures conditions possibles les personnes souffrant d'une forme plus ou moins sévère du Coronavirus.

Pour rappel, le plan blanc a été déclenché le 9 mars 2020 à l'hôpital de Besançon. Il permet de mobiliser toutes les ressources nécessaires. Le niveau 2, déprogrammant l'ensemble des interventions chirurgicales non urgentes, a été mis en place le 18 mars.

Éviter un scénario "à la Mulhousienne"

Le médecin estime que le pic épidémique est actuellement atteint en Bourgogne Franche-Comté jusqu'en tout début de semaine prochaine. Coordinateur des risques infectieux à l'hôpital de Besançon, le médecin tient à saluer la mobilisation "entière" de tous les soignants et autres personnels en lien avec les équipes administratives et l'agence régionale de santé.

"L'anticipation a été notre force..." Dr Gilles Blasco

"J'ai un peu de recul et j'avoue que cela est très beau de voir un hôpital fonctionner  malgré les difficultés inhérentes que l'on connaît. L’hôpital s'est complètement transformé en moins d'un mois. L'anticipation a été notre force" estime-t-il. "Lorsque nous avons vu ce qu'il se passait à Mulhouse, nous nous sommes dit que ça allait nous tomber dessus et nous nous sommes organisés..." explique celui qui coordonne en télétravail les informations de réanimation de la région Franche-Comté. "Toute la difficulté est de pouvoir gérer le personnel avec un fort niveau de stress et de fatigue. Nous sommes aidés par la réserve sanitaire, des personnels en retraites, des étudiants. Pour l'heure, on arrive à faire face..."

Coronavirus : où en sommes-nous en Franche-Comté ?

Les études épidémiologiques estiment que le pic épidémique, propre à chaque région, est atteint ce week-end et en début de semaine prochaine en Franche-Comté.

"La vague arrive par l'Est. La Bourgogne Franche-Comté est aujourd'hui la troisième région la plus touchée derrière Paris et la région Grand Est. Nous aurons ensuite les arrivées en réanimation qui sont décalées de 2 à 3 jours. Chez nous, le pic en réanimation est attendu probablement vers le 7 avril."

Selon les simulations, il semblerait que la vague soit moins haute que prévu, mais l'hôpital de Besançon s'attend à une durée de mobilisation importante en raison des périodes de réanimation prolongées. "Ces gens hospitalisés en réanimation, il leur faudra deux à trois semaines pour en sortir avant de regagner des services de post réanimation puis de rééducation. Il va y avoir du travail encore pendant un certain temps...." confie le Dr Blasco.

80 transferts

Environ 80 transferts au total ont été réalisés le week-end dernier et en début de semaine ( 40 en Franche-Comté et 40 en Bourgogne) avec un fort soutien des équipes du SAMU et les moyens de l'armée. Les études épidémiologiques ont permis de modéliser les prévisions. "Si l'on voulait éviter un "scénario à la Mulhousienne", il fallait envisager des transferts massifs vers des régions moins impactées comme PACA, Centre, Rhône-Alpes. Cela a permis de desserrer un peu l'étau sur nos amis de Vesoul et de Belfort déjà en forte surtension, un peu moins à Besançon, mais cela a permis de voir arriver la vague...

Les patients ont notamment été dirigés vers les hôpitaux de Nice, Marseille, Antibes, Clermont-Ferrand et Grenoble.

En raison de la surchauffe en région parisienne, d'autres transferts ne sont pour l'heure pas programmés dans la région.

"Aucun malade n'a été laissé sur le bord de la route en raison d'un manque de moyens..."

Combien de lits disponibles ?

Le CHRU de Besançon accueille les patients des secteurs de Besançon, Pontarlier et Dole. Un secteur d'accueil aux Urgences est dédié aux patients "Covid-19". Entre 6 à 10 nouveaux patients atteints du Covid-19 y sont en moyenne accueillis tous les jours. En fonction de la gravité des cas et de l'évolution de la maladie, le flux des malades chemine entre les différents services dédiés au Covid-19.

"Nous sommes à 2,5 % de mortalité. Parmi les 15 % de malades Covid-19 qui arrivent à l'hôpital avec une forme sévère environ 7 à 8 % vont aller en réanimation selon leurs antécédents... "

Le service de maladies infectieuses du CHRU de Besançon compte habituellement 13 lits. La capacité d'accueil a été augmentée à 48 puis aujourd'hui à 80 lits avec la possibilité d'étendre à plus d'une centaine.

"Au-delà des chiffres, le tout c'est de s'adapter et qu'aucun patient ne soit laissé sur le côté afin de donner le maximum de chances à tout le monde"

Lits en réanimation

À l'hôpital de Besançon, trois à quatre patients "descendent" tous les jours en service de réanimation.

Lons-le-Saunier a augmenté ses capacités tout comme l'hôpital de Vesoul pour la Haute-Saône qui a doublé ses possibilités de réanimation à plus de 30 lits.Sur Belfort Montbéliard, l'hôpital Nord Franche-Comté compte plus de 60 lits de réanimation.

Les hôpitaux de Pontarlier et Dole ne sont pas dotés de service de réanimation, mais ont développé une unité d'accueil pour des gestes de sauvetages.

Post-réanimation

"Nous avons ensuite des unités de post-réanimation avec infectiologues et pneumologues avec une quinzaine de lits à Besançon. En réanimation, nous sommes obligés d'utiliser des comas artificiels, des curares avec des conséquences neuro musculaires" précise Gilles Blasco. "Il faut donc ensuite prévoir de la rééducation en filière SSR (soins de suite et de réadaptation) même si pour l'instant, vu la typologie des malades, nous n'avons pas encore beaucoup d'admis dans ces unités-là...

Huit lits de réanimation à la clinique Saint-Vincent de Besançon

La clinique Sain-Vincent n'est pas une unité d'accueil d'urgence du Covid. Dotée d'un service de soins intensifs, elle peut accueillir des patients de réanimation transférés du CHU, notamment pour le sevrage.

En lien étroit avec l'hôpital avec une visioconférence tous les matins pour le suivi, une unité de huit lits a été montée avec une possibilité d'extension de quatre lits supplémentaires. "On ne s'improvise pas réanimateur comme cela pour monter des lits de réanimation à droite à gauche. Il faut avoir les structures, le matériel et les compétences avec du personnel formé et en nombre suffisant..."

La polyclinique de Franche-Comté a pour sa part décidé de mettre à disposition du CHRU des infirmières et des anesthésistes réanimateurs. "C'est un apport important" souligne le médecin coordinateur. "Il a été envisagé de monter une unité à la PFC, mais la décision a finalement été d'up grader Saint Vincent qui avait déjà des moyens sur place."

Y a-t-il assez de respirateurs ?

"L'ensemble des lits de réanimation sur la plateforme Bourgogne Franche-Comté sont équipés de respirateurs lourds " assure Gilles Blasco. "Tous n'ont pas le dernier cri, mais tous les lits ont des respirateurs capables de ventiler correctement des malades durant plusieurs jours. Les réanimateurs connaissent leur métier et sont en capacité de pouvoir changer leur matériel si besoin pour tel ou tel patient qui présenterait des difficultés...

Par anticipation, une cinquantaine de respirateurs a été commandée avant le confinement afin d'être plus serein, notamment en cas de panne sur des machines actuelles. Reste à savoir combien la Bourgogne Franche-Comté en recevra au final. Des livraisons sont attendues en début de semaine...

Concernant le matériel de protection, le coordinateur des risques infectieux admet que l'hôpital est à flux tendu en masques, surblouses, etc. "Les médicaments de réanimation et de sédation sont également en tension. Les stocks sont suivis de très près et font l'objet d'un rapport tous les soirs en cellule de crise de façon à anticiper les commandes. Pour l'instant nous avons été livrés en temps et en heure, on arrive tout de même à faire face..."

Quelle typologie de patients ?

À Besançon, les 50 - 70 ans représentent entre 50 et 60 % des malades admis en réanimation. Les risques de comorbidités sont le surpoids, l'hypertension, le diabète avec des pathologies respiratoires sous-jacentes.

30 à 35 % des malades sont plus âgés et enfin 10 à 15 % ont moins de 50 ans.

Dr Gilles Blasco ©
Dr Gilles Blasco

Les appels au Centre 15

Après un pic vers le 25 mars, le Centre 15 du SAMU qui reçoit l'ensemble des appels de la Franche-Comté connaît une stabilisation, mais reçoit  300 à 400 appels quotidiens supplémentaires avec le soutien de volontaires de la Croix Rouge et des étudiants en médecine présents dans la salle de débordements et supervisés par des médecins régulateurs.

Un message : "Ne pas se relâcher"

"Je sais que les Français sont rebelles aux contraintes, mais il faut encore rester confiné. Ce n'est pas fini. Nous sommes probablement en train de passer le pic et ce n'est surtout pas pour autant qu'il faut se relâcher" insiste Gilles Blasco. "Le virus circule toujours, il est contagieux probablement plus que la grippe et il faut continuer à faire attention. Hors de question de penser partir en vacances... "

Rester chez soi, rester confiné. Le médecin qui coordonne les risques maladies infectieuses au CHRU de Besançon pense à titre personnel que le confinement devrait durer jusqu'à fin avril en Bourgogne Franche-Comté. "Sur la date de sortie du confinement, c'est au gouvernement, mais surtout aux scientifiques de décider. Faut-il sortir du confinement progressivement région par région ? Probablement. Faudra-t-il  tester plus  largement par la suite ? Je laisse aux infectiologues et épidémiologistes répondre à des questions là.. En attendant, restez prudent...

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