Pierre Diéterlé redonne vie au commerce bisontin d’hier dans un livre

Avec son père Jean-Charles, ancien président de l'Union des commerçants de Besançon, Pierre Diéterlé publie Besançon, mémoire du commerce - Boucle et Battant de 1950 à 2000, un ouvrage-fleuve de 254 pages illustrées de 1500 photos d'archives. Un projet aussi érudit qu'émouvant...

Pierre Diéterlé © Alexane Alfaro

L’idée a surgi au détour d’une promenade. ”Un jour, en me baladant en ville et en passant devant des vitrines, j’ai eu comme un flash”, raconte Pierre Diéterlé, manager territorial à la direction de l’Économie de Grand Besançon Métropole. ”Je me souviens il y a 20 ans, il y avait Lepin, Campo Novo, De Gribalidy place du Marché, le centre Saint-Pierre… J’ai eu un petit coup de nostalgie et de souvenir. Et je me suis dit que ce serait bien de recenser un jour tous ces commerces.

De cette intuition est née une œuvre de mémoire co-écrite avec son père, Jean-Charles Diéterlé, commerçant dès l’âge de 19 ans rue Gustave Courbet, et président de l’UCB de 1988 à 2007. ”Il a une mémoire assez folle de cette époque, des magasins, des personnes qui travaillaient ou les dirigeaient.”

Deux ans et demi de plongée dans les archives et les souvenirs

Le projet a nécessité un travail colossal: ”Pendant deux ans et demi, des centaines d’heures entre les murs de la bibliothèque d’archives municipales de Besançon. Je remercie d’ailleurs le personnel que j’ai pas mal embêté !”, sourit Pierre Diéterlé. Il a exploré des dizaines d’annuaires téléphoniques, les pages jaunes (quand elles existaient), les fonds de presse (Le Comtois, l’Est Républicain), des guides comme le BVV, l’Écho du Zing ou encore le Petit Futé.

Il a aussi épluché des bases photographiques exceptionnelles, comme les 60 000 clichés de Bernard Faille (photojournaliste), Bernard Tupin (photographe de la Ville), ou encore les archives privées de nombreux commerçants emblématiques : Eve Boutique, Robinet, Lino Tapis, Hôtel du Nord, Reine Textile… ”J’ai tout fait”, affirme-t-il simplement.

5000 commerçants recensés, 1500 documents iconographiques

L’objectif du livre n’est pas de proposer une leçon d’histoire, mais une plongée sensorielle et émotionnelle. ”Ce n’est surtout pas un cours magistral sur l’histoire du commerce à Besançon. L’idée, c’est de permettre aux lectrices et lecteurs de se replonger dans cette période.”

Une sorte de madeleine de Proust bisontine: ”Un commerce, ça renvoie forcément à un souvenir : un premier costume, un premier vélo, une robe de mariée ou juste les bonbons que papa ou maman nous achetait dans une boulangerie. Ce sont aussi des couleurs, des odeurs…”

Ni plaidoyer, ni nostalgie facile

L’étude a été méthodique. Le périmètre couvre la Boucle et le quartier Battant, élargi pour l’occasion. Chaque rue a été découpée en sous-secteurs: Grande Rue, place Saint-Pierre, rue Moncey, Tarragnoz, Rivotte, square Saint-Amour, etc. ”On a listé la manière la plus complète possible, avec les rues, les numéros, les enseignes, les activités”, précise Pierre Diéterlé.

Le livre ne se contente pas d’être un annuaire nostalgique. Il rend aussi hommage à des figures marquantes : ”Marguerite Guide, fondatrice du cinéma Le Paris place Pasteur, ouvert en 1941… et bien d’autres.”

Pierre Diéterlé insiste : ”Ce n’est pas un livre qui dit que c’était mieux avant. Mais c’est vrai qu’il y avait un éventail d’offres qui n’existe plus aujourd’hui. On trouvait par exemple une pompe à essence près du cinéma Pathé Beaux-Arts !” Et d’ajouter : ”Ce qu’on offre, c’est une possibilité de voyager dans le temps, de s’attarder devant une boutique, de se dire : «Tiens, je me souviens» . Le reste appartient aux lectrices et aux lecteurs.”

Par ailleurs, malgré un inventaire impressionnant, les auteurs tiennent à prévenir leurs lecteurs : tout n’est pas parfait. "On demande l’aimable indulgence des lecteurs, car il y aura forcément des oublis et des erreurs", reconnaît Pierre Diéterlé. Plusieurs raisons à cela : avant les années 1970, les annuaires ne comportaient pas de pages jaunes. Et même ensuite, les informations restaient parfois incomplètes, voire erronées : "certaines publicités donnaient la mauvaise adresse !", ont constaté les auteurs de l'ouvrage.

Parfois, ce sont même les souvenirs qui trahissent : "On a pu vérifier que certains commerçants se trompaient eux-mêmes, de bonne foi, sur l’emplacement exact de leur boutique. Heureusement, la photo met fin à tout débat !"

Mais l’essentiel est là : "On est quand même, je pense, très complet. Et je crois que les gens seront agréablement surpris par la qualité et la quantité du travail fourni."

Une préface signée Philippe Labro

L’ouvrage est préfacé par Philippe Labro, disparu récemment. Son lien à Besançon était fort, nous rapporte Pierre Diéterlé : ”Il était très lié à notre ville par son épouse Françoise, née Coulon. C’était l’amie d’enfance de ma maman, Dolorès, et ses parents ont longtemps dirigé l'Hôtel du Nord.”

Labro, fervent admirateur de Victor Hugo et de Stendhal, disait de Besançon que c’était une ”très belle ville, injustement méconnue”. Il avait accepté de signer la préface, s’engageant même à venir dédicacer l’ouvrage lors de sa sortie. ”Malheureusement, les choses se sont déroulées autrement, on pensera très fort à lui. Ça aurait été merveilleux de partager cela ensemble”, regrette le co-auteur.

Infos +

Besançon, mémoire du commerce – Boucle et Battant de 1950 à 2000 sortira en septembre 2025 aux Éditions du Sékoya, au prix de 39 euros, disponible dans toutes les librairies de la ville et sur les sites spécialisés.

Un précieux voyage dans le passé bisontin, à feuilleter comme on ouvre une boîte à souvenirs.

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