TGV Rhin-Rhône : « Les Francs-Comtois ne sont pas encore dans le film qui se tourne… »

Les 4e rencontres de la grande vitesse ont été l’occasion, récemment à Besançon, de tracer des perspectives de développement liées à l’arrivée du TGV en décembre. Parmi les intervenants, le sociologue Jean Viard qui ne pratique pas la langue de bois.

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« Avoir un TGV, c’est un plus, la toile TGV c’est comme la toile numérique, il faut l’avoir sinon on est en dehors du film, mais ça ne suffit pas. Les Francs-Comtois doivent se dire qu’ils ont des atouts, mais qu’ils ne sont pas encore dans le film qui se tourne avec le TGV ». Le constat du sociologue et enseignant, que nous avons interrogé en marge du colloque, se veut porteur d’espoir même s’il est dérangeant.

« Pour l’instant, Besançon n’est pas au niveau des autres métropoles. Elle ne doit évidemment pas se contenter de rester comme elle est. Sinon le TGV ne fera que passer dans la région avec un effet tunnel assuré. La capitale régionale a des cartes à jouer, ce n’est pas trop tard, mais elle doit s’inscrire dans un imaginaire qui peut se raconter aux autres, ce qui compte c’est comment l’autre vous voit », explique Jean Viard, persuadé que Besançon, et la Franche-Comté avec elle, se complait dans une confortable culture provinciale.

« Il ne suffit pas de dire qu’on est bien »

D’où la mise en garde de l’universitaire : « Il ne suffit pas de dire qu’on est bien. Attention, car le TGV accentue la concurrence. Il peut habiller une région comme il peut la déshabiller. Avoir le TGV, c’est aussi aller plus vite ailleurs, voir plus facilement un cardiologue à Lyon ou à Strasbourg, par exemple ».

Mais Jean Viard est également force de proposition. Il incite Besançon et sa région à trouver des « totems » bien visibles de l’extérieur. « Pourquoi Besançon ne deviendrait-elle pas la capitale du temps ? Si j’étais aménageur je ferai une université du temps…», préconise-t-il.

« Il faut trouver quelque chose dans l’art de vivre et l’art d’éduquer, il faut rechercher une école d’excellence. Quelle est l’université attire aujourd’hui les jeunes à Besançon ? Il faut trouver des totems qu’on voit de loin. Comme Metz l’a fait avec son nouveau musée. Aujourd’hui je ne vois pas de totems en Franche-Comté. Pourquoi pas un truc décalé comme le premier musée chinois de France. Je dis n’importe quoi, mais quelque chose dans cet ordre d’idée », poursuit le sociologue.

« Là où se développe le tourisme se développe l’économie »

Le futur FRAC de Besançon conçu par le Japonais Kengo Kuma ne remplit-il pas cette fonction ? « C’est bien, mais tout le monde fait la même chose aujourd’hui », rétorque Jean Viard.

« Marie-Guite Dufay est dynamique, mais elle ne doit pas se contenter de dire on est au centre. C’est une vision du temps passé car il n’y a rien au milieu d’un rond-point. Les gens ne viendront pas en Franche-Comté parce qu’il y a un TGV. La proximité du travail est un enjeu secondaire, c’est la carte du tourisme qui restructure l’économie. C’est la clé du développement, là où se développe le tourisme se développe l’économie. Un train ça déplace d’abord des promeneurs. Seulement 20 % des emplois fabriquent des objets, il faut arrêter de voir la société par la production, les entreprises sont mobiles, on se développe grâce au mode de vie », martèle Jean Viard, également impliqué dans la vie politique marseillaise.

« Le pluralisme oblige à discuter »

Le caractère politiquement « monocolore » des collectivités franc-comtoises ne facilite pas les choses. « Ce n’est pas forcément un atout. Le pluralisme oblige à discuter », estime-t-il en invitant les décideurs comtois à prendre une décision claire non sans suggérer des pistes. « Il faudra bien convenir un jour ce qu’on veut faire de cette région. Soit on joue une carte Besançon-Jura avec la vieille chaîne des compétences de l’axe alpin jurassien avec une population extrêmement compétente, soit on joue l’alliance avec Belfort-Montbéliard mais là il faut aller jusqu’à Mulhouse, soit on joue Besançon-Dijon avec, pourquoi pas, la création d’un pôle métropolitain. Quant à la Haute-Saône, il faut la laisser à la nature. Pourquoi vouloir peupler un territoire dépeuplé ? L’idée qu’il doit y avoir des hommes partout n’est pas une bonne idée. Les gens vont où ils ont envie d’aller ».

 

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