Herbes folles en ville : un chercheur franc-comtois dit “mille fois oui”

Les herbes qui poussent librement dans plusieurs villes de France dont Besançon réjouissent certains, quand d’autres les accusent d’engendrer divers problèmes. Questionné sur ce sujet lundi dernier, Emmanuel Garnier, directeur de recherche au CNRS au laboratoire Chrono-environnement à l’Université de Franche-Comté, nous affirme que ces herbes rebelles sont essentielles… mais pourquoi ?

© Alexane Alfaro

Depuis le premier confinement en mars 2021, les Bisontines et les Bisontins ont pu remarquer par endroits des herbes hautes, voire très hautes là où d'habitude, le gazon est plutôt ras. Pendant plusieurs mois, les Bisontins mettaient ça sur le compte du confinement pendant lequel tout s'était arrêté, y compris le service des espaces verts de la municipalité. La Ville de Besançon avait apporté des réponses au sujet de certains cas notamment boulevard Léon Blum, mais des herbes folles sont encore visibles.

Si une partie de la population se dit contente de voir que la nature parvient à reprendre le dessus sur le béton, une autre partie voit les choses différemment : problème de sécurité sur les trottoirs, manque de visibilité pour les automobilistes, ou encore "c'est moche"…

Quand on demande à Emmanuel Garnier si laisser pousser des herbes folles dans la ville est positif, il nous répond : "oui, mille fois oui, c'est évident !" En précisant qu"'il faut accepter quelques inconvénients : en poussant, il y a des fleurs, donc des insectes, qui peuvent piquer davantage... Mais entre nous, entre le risque d'une sècheresse carabinée, d'un problème d'alimentation en eau, et quelques piqûres d'abeilles ou de moustiques par ci par là, il me semble que le coût-bénéfice est vite fait."

"Une question d'éducation"

Comme l'ont soulignés à plusieurs reprises dans la presse des "anti herbes hautes", ces dernières peuvent également engendrer des problèmes de sécurité pour des automobilistes ou des piétons gênés ou encore des personnes circulant avec une poussette. "Franchement, il y a un peu une mesquinerie", nous répond Emmanuel Garnier. Selon lui, "là, le problème, c'est le choc des cultures : on a derrière nous des décennies de culture de la nature domestiquée qui est quand même très prégnante chez les élus de gauche et de droite, alors qu'il y a beaucoup de villes, comme à Kyoto, au Japon, où on laisse pousser l'herbe, il y a énormément d'herbes folles dans les campus, etc. En Angleterre, à Cambridge par exemple, on ne tond pas. Les seuls espaces tondus sont sur les terrains de cricket dans les collèges, donc le gazon est ras, mais les espaces collectifs en ville ont des herbes folles partout. A Berlin, capitale culturelle de l'Europe, les herbes folles sont partout…"

Pour le chercheur, "c'est une question d'éducation : d'ici 10 ans, on dira – c'est pas grave si ma fille a été piquée par une abeille -. Quant aux poussettes, ça fait bien longtemps que les Allemands utilisent des poussettes tout terrain avec des gros pneus… depuis au moins 20 ans."

 "Agir à l'échelle de micro-territoires, (…) c'est finalement la seule mesure que l'on pourrait vraiment réaliser"

Emmanuel Garnier affirme que les personnes qui se disent contre le développement de ces herbes rebelles "sont ceux qui veulent faire des conférences internationales, se réunir entre États, alors qu'on voit bien qu'après chaque conférence internationale, on accouche d'une souris, voire il n'y a pas de souris du tout et c'est ce qui arrive de plus en plus ces dernières années."

Pour ce chercheur, "agir de cette manière à l'échelle de micro-territoires, une ville, un village, je considère que ça ne peut être que bon pour la planète et c'est finalement la seule mesure que l'on pourrait vraiment réaliser". Et de préciser qu'"il n'y a aucune connotation politique dans ce que je dis."

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