Vaccination : le coup de gueule des infirmiers libéraux de Besançon

Pourtant mis à contribution tous les ans afin de vacciner leurs patients contre la grippe saisonnière, les infirmiers semblent être les grands oubliés de la campagne de vaccination contre la Covid-19… Les infirmiers libéraux bisontins s’expriment dans une lettre ouverte ce 22 mars 2021.

© Alexane Alfaro

Interpellée par le conseil de l’Ordre des infirmiers de Bourgogne-Franche-Comté, la présidente de la Région avait décidé d'écrire jeudi dernier au ministre de la Santé. Dans le courrier, elle lui exprimait son incompréhension sur la procédure actuelle de la vaccination : "À l'heure où la vaccination doit plus que jamais s'intensifier, il est incompréhensible que nos infirmiers et infirmières libérales ne soient pas autorisés par le gouvernement à vacciner au même titre que les sages-femmes et les pharmaciens". Elle rappelait également que la Région compte 4.670 professionnels en capacité d'intervenir...

Voici la lettre ouverte des infirmiers bisontins :

"Depuis le premier confinement en mars 2020, les infirmiers libéraux bisontins ont été en permanence à pied d’œuvre, directement dans l’œil du cyclone, afin de lutter contre la covid 19, avec l’appui de la ville de Besançon. Ils ont été et sont largement impliqués dans le dépistage, le traitement ou la surveillance à domicile des patients atteints ou dans les centres de vaccination, tout en continuant les soins curatifs ou préventifs quotidiens indispensables à tous leurs patients. Il y a un an, malgré des conditions des plus difficiles avec parfois un manque cruel d’équipement de protection individuelle, chaque infirmier libéral a continué à sa déplacer au chevet de ses patients alors même que la France était paralysée et que la plupart des autres professionnels de santé étaient contraints de rester chez eux. En se coordonnant à distance avec les médecins généralistes, ces infirmiers ont permis un grand nombre de maintiens à domicile dans le but d’éviter le plus possible l’engorgement inutile des hôpitaux.

Tous les infirmiers réalisent leurs soins selon leur décret de compétences (définit par le Code de la santé publique dans les articles R4311-1 à R 4311-15). Ces articles décrivent leur rôle propre qu’ils élaborent puis mettent en œuvre à partir de leur raisonnement clinique, leur rôle partagé avec les autres professionnels de santé et enfin leur rôle sur prescription médicale. À la lecture de cet inventaire à la Prévert, on se rend compte que leur rôle est vaste, très vaste! La vaccination en fait bien évidemment partie.

Pourtant, les infirmiers sont les grands oubliés de la vaccination contre la covid 19 dans le décret du 4 mars 2021. Ils ont malgré tout immédiatement répondu présents dans les centres de vaccination, sur leur temps de repos ou de vacances. Les médecins, les pharmaciens et les sages-femmes ont été mis au premier plan de la vaccination en dehors des centres... mais pas les infirmiers ! Pourtant, ils sont 130 000 à exercer quotidiennement, leurs cabinets maillent très finement le territoire français - à coup sûr de manière plus exhaustive que ceux de toutes les autres professions de santé -  et ils connaissent parfaitement les pathologies, les antécédents de leurs patients.

Pourquoi se priver d’un tel réseau existant et performant pour en créer de nouveaux ? Ces infirmiers, dont la compétence vaccinale n’est plus à prouver, sont écartés en pleine accélération de la campagne vaccinale. On se prive de leur expertise alors qu’ils ont tous un cabinet adapté à la pratique des soins, qu’ils savent gérer les éventuelles situations d’urgences ou complications liées à l’injection. Cette exclusion est absolument incompréhensible et illogique, alors qu’en parallèle, le gouvernement souhaite confier à des non-soignants la pratique de ces vaccinations ! Ce clivage illustre parfaitement l’adage « diviser pour mieux régner » ...

Depuis toujours, les infirmiers ont les compétences requises et maîtrisent parfaitement les modalités de vaccination : il ne leur manque plus que le feu vert pour commencer, à l’image de la vaccination antigrippale autorisée par le code de la santé publique et réalisée sans avoir recours à une prescription médicale. Bien entendu, les infirmiers respectent les indications ou contre- indications. Ils ont l’habitude des protocoles depuis toujours et sont dans les starting-blocks. Ils connaissent et fédèrent leurs patients : la confiance qu’ils leur vouent permettra de manière sûre une meilleure adhésion à la vaccination contre la Covid 19. Et ne doutons pas que leurs infirmiers n’hésiteront pas à leur faire une petite piqure de rappel sur les gestes barrières.

Injecter un médicament et vacciner est le cœur de leur métier. Pourquoi les exclure? Ils sont pourtant les plus à même d’augmenter la couverture vaccinale en France et ont le soutien de la Haute Autorité de Santé, de France Assos Santé, de l’Ordre des infirmiers et des syndicats. Peut-être que pour les autorités, les applaudissements nourris, les soirs il y a un an, ne sont plus qu’un lointain souvenir de l’attachement des Français à leurs soignants..."

Besançon, le 22 mars 2021 Des infirmiers libéraux bisontins

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