La Maison Baud souffle ses 100 bougies, retour sur une histoire familiale bisontine…

Cette année 2023 marque le centenaire de la maison Baud, entreprise familiale emblématique à Besançon dont la réputation n’est plus à faire depuis longtemps. À cette occasion et depuis le 22 septembre, un gâteau, le Vesontio, mêle à la fois tradition et modernité. Retour sur cette histoire de famille et cette nouvelle pâtisserie avec Joël Baud, de la quatrième génération Baud.

© Alexane Alfaro

L’histoire de la Maison Baud commence en 1923, avec son fondateur Jouannès Baud, le grand-oncle de Joël. Originaire d’Amplepuis (région lyonnaise), il est pâtissier de formation avant de partir pour son service militaire. Après une expérience à Valence, il est appelé à combattre pour la France lors de la Première guerre mondiale. Démobilisé à Besançon, il se met rapidement à chercher du travail sur place. ”Dans un premier temps il s’est fait embaucher à la Maison Descombes à Besançon, il a eu ensuite envie de créer sa propre pâtisserie”, nous raconte Joël. Ainsi, à 33 ans, il achète les locaux d’une ancienne entreprise de fabrication de pâtes alimentaires pour lancer son affaire au 4 Grande rue.

À ses côtés, son frère, Raymond Baud. Avant de se lancer dans la pâtisserie, il travaille dans l’univers des métiers à tisser. La crise de 1929 et la Grande dépression passent par là, les entreprises ferment les unes après les autres, l’activité économique s’effondre, Jouannès propose à Raymond de le rejoindre à Besançon pour apprendre le métier de pâtissier.

Dans un premier temps, le grand-père de Joël ne s’installe pas à Besançon, mais reprend une pâtisserie à Dijon pour revenir à Besançon quelques années plus tard. ”Quand mon grand-oncle a pris sa retraite en 1955, il a proposé à mon grand-père, son frère de 14 ans son cadet, de venir à Besançon parce que son affaire fonctionnait mieux que celle de Dijon”, précise Joël.

En 1969, l’heure de la retraite arrive pour Raymond Baud. Deux de ses trois fils, Pierre (le père de Joël) et Michel s’associent pour reprendre la maison : le premier se consacre à 100% à la fabrication des pâtisseries (après s’être formé à la pâtisserie Baud de Besançon avec son oncle Jouannès avant de partir à Dijon et de revenir) ; le deuxième s’occupe principalement de la gestion de l’entreprise et de la comptabilité et met également la main à la pâte en cuisine de temps en temps. Quant au troisième fils de Raymond, Jean-Louis, il tient le glacier à côté de la pâtisserie familiale, quai Vauban. ”Il faisait des glaces sous toutes leurs formes, des coupes glacées, ça a bien cartonné à un moment donné”, se souvient Joël.

Et tout cela n’aurait peut-être pas aussi bien marché sans les femmes, les épouses de ces messieurs…

Le rôle des femmes

À la pâtisserie Baud, les hommes sont en cuisine et en laboratoire, les femmes sont à l’accueil et à la vente et ont un rôle important, comme le souligne Joël Baud : ”toutes les épouses ont tenu la boutique, elle ont toutes activement contribué au développement de l’entreprise, à porter leur pierre à l’édifice et faire de cette entreprise ce qu’elle est aujourd’hui”. À commencer par Marie-Louise, épouse de Jouannès, Odette, épouse de Raymond, Marie-Claude mariée à Pierre, décédée à 44 ans en 1987, puis Maryvonne seconde épouse de Pierre qui s’est investi à son tour et Édith, épouse de Michel.

Il ne faut pas les oublier parce que sans elles, on n’en serait pas là où on en est aujourd’hui”, insiste Joël.

2010, Joël et Hélène aux commandes

C’est en 2010 que Joël Baud reprend la maison, mais pas seul. Avec Hélène Baud, sa cousine, fille de Michel, ils s’associent comme l’ont fait leurs pères avant eux. Un nouveau tandem est à la tête de la Maison Baud dans lequel Joël se consacre entièrement à la fabrication tandis qu’Hélène gère l’administration de l’entreprise et le management commercial.

Pour la suite, même s’il reste encore beaucoup de temps à Joël et Hélène dans l’entreprise familiale, aucun enfant ne se positionne pour l’instant. ”Ils sont en étude à l’université ou en terminal, mais ce n’est pas encore décidé et d’ailleurs en ce qui me concerne, six mois avant de passer le bac, je ne savais pas encore ce que je voulais faire, ça s’est décidé au dernier moment, mais la pâtisserie m’intéressait et je voulais diriger ma propre entreprise et ne pas dépendre de quelqu’un d’autre”, explique Joël.

© Alexane Alfaro

Luxeuil, Audincourt, Moulin… Hôtel Matignon, Besançon…

Juste après avoir passé son baccalauréat, Joël démarre son apprentissage en 1990 et sillonne quelques très bonnes adresses faisant partie de l’association professionnelle Relais Dessert, réunissant l’élite de la pâtisserie française et internationale, pour se former. Ainsi, il réalise sa formation à la pâtisserie Coudray à Luxeuil-les-Bains, pour se perfectionner à la pâtisserie Vergne pendant 1 an 1/2 à Audincourt puis au Moulin de la Galette à Moulin (Allier) avec André Matheuvon, considéré comme un ”artiste pâtissier” dans le milieu. 

Vient ensuite, en 1995, le service militaire auquel Joël n’échappe pas, et ce ne sera pas les pieds dans la boue ou à dormir en forêt qu’il le réalise, mais en tant que pâtissier à l’Hôtel Matignon… Pendant 2 mois, le jeune pâtissier travaille pour Édouard Balladur, puis Alain Juppé pendant 8 mois. Joël revient à Besançon en 1996 au sein de l’entreprise familiale après six années d’expérience ailleurs. Il a alors 23 ans.

Et c’est en 1998 qu'Hélène Baud intègre l’entreprise après avoir fait des études dans l’expertise comptable. ”Elle a démarré là-dedans, ça se passait bien, mais elle a aussi eu envie de rejoindre l’entreprise familiale”, rapporte son cousin et associé.

Jusqu’en 2010, année pendant laquelle Joël et Hélène reprennent le flambeau, ”la transition a été douce entre nos parents et nous, ça s’est fait sur la durée, je parle de 2010, mais il n’y a pas vraiment de date précise, ça s’est fait au fil du temps, ils nous ont accompagnés et ils ont fini par lever le pied”, commente le pâtissier.

Dans l’élite de la pâtisserie française et internationale

Depuis 1999, Joël Baud fait partie de Relais Dessert, l’association qui réunit des pâtissiers français et internationaux qui visent l’excellence. ”Pour pouvoir y être admis, il faut respecter quelques critères : proposer de super produits en utilisant des matières premières de première qualité, avoir un magasin et un laboratoire adaptés, appropriés et bien tenus”, nous explique le pâtissier, ”on doit également être considéré comme l'un des leaders dans la ville où on exerce.” Les aspirants doivent également réussir une démonstration d’admission pour obtenir le feu vert.

Pari réussi pour Joël qui marche dans les pas de son père, lui-même membre de cette association depuis 1987. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs souvenirs de Joël au cours de sa carrière. ”Mon père était très heureux et j’avais fait un gâteau vanille-abricot que tout le monde avait adoré et tout le monde était reparti avec la recette”, se remémore le pâtissier 24 ans après.

Cette adhésion à Relais Dessert permet à Joël de voyager lors des séminaires à travers la France et le monde deux fois par an, de rencontrer ses confrères et de partager des recettes, des expériences. 

Par ailleurs, Joël est consultant pour des entreprises et des écoles au Japon pendant 4 années dans les années 2000. ”D’ailleurs, depuis 30 ans, j’ai toujours des stagiaires japonais dans mon entreprise”, précise Joël.

550 gâteaux chaque samedi...

On se souvient des dimanches matins bondés, à la file d’attente sans fin dans la boutique Baud. Eh bien cette affluence s’est inversée, depuis plusieurs années, la journée la plus importante de la semaine en terme de chiffres d’affaires et de production est le samedi, selon Joël Baud. ”Quand je suis arrivée dans l’entreprise, le dimanche était très fort, il y avait encore beaucoup de gens qui allaient à la messe, on avait la sortie de la messe de l’église Saint-Pierre et une heure plus tard, la sortie de l’église de la Madeleine, et à l’époque, il n’y avait pas encore les semaines de 35 heures, le samedi était une journée de récup’ et il se passait plus de choses le dimanche”, se souvient le chef d’entreprise.

En chiffres, le samedi, hors fêtes, la Maison Baud produit 50 gros gâteaux (4 personnes et plus) à emporter, dont 30 au magasin du centre-ville et une vingtaine pour la boutique au parc Lafayette et 500 petits gâteaux dont 300 pour le centre-ville. S’ajoute à cela, 25 commandes de gros gâteaux. En période de fêtes, comme à Noël, la maison fabrique 10.000 parts de bûche en deux jours et fantaisies de Noël, sans compter les petits gâteaux habituels.

Faire des gâteaux de qualité chaque jour, cela a un coût, et pas des moindres. Depuis le premier trimestre 2022, le prix des matières premières alimentaires a fortement augmenté, voire explosé pour certaines. C’est ce que confirme Joël Baud qui qualifie ce phénomène d’”affolant” en raison de ”des explosions tarifaires incroyables avec uniquement des augmentations à deux chiffres” comme sur la pulpe de framboise en hausse de 50% et c’est aussi le cas pour le sucre, la farine, le beurre. 

La Maison Baud a dû augmenter ses prix, mais s’ajoute à ces augmentations la hausse du prix de l’électricité ”de 350% depuis plus d’un an”, confirme le pâtissier, et d’ajouter : ”on fait le dos rond, on espère que ça reviendra à un prix raisonnable, on anéantit les marges”.

Situation d’autant plus frustrante puisque l’activité commerciale de la Maison Baud est excellente. ”Depuis un an, ça marche très bien, mais en terme de résultats, non seulement ça ne suit pas, mais en plus on ne sait pas si on sera à l’équilibre à la fin de l’année”, nous confie Joël, ”on brasse du vent, ça sort plus vite que ça ne rentre.”

Un petit gâteau pour 100 bougies, un grand gâteau pour les gourmand(e)s

Pour fêter ses 100 années à Besançon, la Maison Baud est la mieux placée pour se créer un beau gâteau d'anniversaire. Elle a d'ailleurs lancé une nouvelle pâtisserie qui a d’ores et déjà fait sa place parmi toutes les spécialités du magasin : Le Vesontio. Mêlant à la fois tradition et modernité, Joël Baud a créé ce gâteau avec une macaronade aux amandes, une crème légère bien vanillée et un caramel tendre à la fleur de sel. Sur le dessus, on observe un chocolat au lait très fin formant la boucle du Doubs avec à l’intérieur, le logo de la Maison Baud installée depuis 1923 en son coeur.

”Ce qu’on a voulu faire avec ce gâteau, c’est matérialiser l’histoire de la maison entre tradition et innovation”, explique le créateur pâtissier. Il s’agit d’une ancienne recette de meringue aux amandes du XIXe siècle qui a traversé le temps, revisité avec des garnitures plus modernes telles qu’une crème très légère à la vanille, à mi-chemin entre une ganache montée et une crème Chantilly, et un caramel tendre à la fleur de sel en spirale.

© Alexane Alfaro

On a déjà fait ce gâteau, mais pas du tout avec ces garnitures : c’était une crème au beurre à la vanille avec de la nougatine pilée à l’intérieur et la texture était à la fois dense et sucrée. C’était délicieux si on le dégustait à température ambiante, mais si on le mangeait à la sortie du réfrigérateur, la crème au beurre était cassante et puis à l’époque, on faisait des pâtisseries beaucoup plus denses et plus sucrées que maintenant”, commente Joël.

La difficulté avec ce gâteau a été de trouver un équilibre pour que ce ne soit pas trop sucré. ”La meringue aux amandes est par définition sucrée, comme les pâtes à macaron, donc on a désucré tout le reste pour que ça fasse un équilibre agréable, donc la crème à la vanille est très peu sucrée et pour le caramel, on a été très attentif à la bonne cuisson du sucre et ça, c’est du feeling et de l’expérience parce que d’une recette à l’autre, la couleur de caramélisation n’est pas forcément la même”, souligne le chef.

À la suite de notre interview, nous avons pris Le Vesontio pour le tester avec l'équipe de maCommune.info. C'est vrai que lorsqu'on ouvre la boîte, ce gâteau est très appétissant et paraît fin. À la première bouchée, les papilles entre dans un tourbillon de goûts et de douceur : la meringue à l'amande donne la texture et laisse la place à la crème vanillée qui se fera rapidement prendre par le caramel, ce caramel qui laisse la dernière saveur en bouche. Le Vesontio est gourmand et équilibré, on ne souffre pas d'un trop plein de sucre. Ce qui est amusant, c'est qu'on peut parfaitement imaginer la recette d'antan dont nous parlait Joël avec la crème au beurre. Ça devait être sûrement très bon, mais bien plus lourd...

En conclusion, on valide Le Vesontio !

© Alexane Alfaro

Infos +

La Maison Baud emploie 45 personnes, soit 35 équivalents temps plein (boutiques du centre-ville et parc Lafayette). Elle compte également huit apprentis en pâtisserie et deux en cuisine. Pour Joël Baud, son entreprise est "comme une équipe de foot en centre de formation : la plupart des ouvriers sont des apprentis, certains ont même fait tout leur carrière ici !"

Les dates clés de la Maison Baud

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