Réalisé dans le but d’accueillir l’École des Beaux-Arts de Besançon, ce projet a été porté par Gérard Boucton, architecte bisontin et Josep Lluis Sert, architecte de renommée internationale… Et pourtant, ce bâtiment n’est pas signé ! Petit cours d’Histoire…
De l’École des Beaux-Arts de Besançon… à l’Isba
Fondée officiellement le 16 décembre 1771 par la volonté conjointe du sculpteur Luc Breton et du peintre Jean Wyrsch, l’École des Beaux-Arts de Besançon est l’un des plus anciens établissements artistiques de France. Connue bien au-delà des frontières comtoises dès la fin du XVIIIe siècle, elle connaît pourtant une éclipse historique après la Révolution française. Il faut attendre 1807 pour que la municipalité relance un enseignement du dessin, amorçant une lente renaissance.
Mais c’est véritablement à partir des années 1960 que l’école entre dans une nouvelle ère, portée par une refonte nationale de l’enseignement artistique. Sous l’impulsion du directeur Claude Dodane et grâce au soutien de la municipalité, une section d’Esthétique industrielle est créée, faisant de Besançon un pôle d’innovation pédagogique. La réputation de l’école grandit, mais ses locaux, partagés avec le conservatoire de musique place de la Révolution, deviennent vite inadaptés.
Un projet architectural ambitieux
En 1964, la ville formule une demande officielle pour la création d’un nouvel établissement. L’objectif : faire de Besançon un modèle européen en matière d’enseignement artistique. Le projet prend une tournure majeure en 1967 lorsque l’architecte catalan Josep Lluís Sert, connu pour la Fondation Maeght, accepte de dessiner les plans de la future école, avec Gérard Boucton comme architecte d’exécution.
Sert imagine un édifice singulier, marqué par des volumes géométriques expressifs et une distribution horizontale des espaces autour d’une rue intérieure. Le béton armé, le Modulor (notion architecturale mise au point par Le Corbusier), les sheds (toiture en dents de scie d'atelier industriel) et une esthétique fonctionnelle inscrivent le bâtiment dans une modernité assumée. Mais la réalité du chantier, démarré en 1970, s’avère chaotique : préfabrication inadaptée, non-respect des plans, incompréhensions entre architectes et entreprise locale.
Face à ces dérives, Sert se désolidarise du projet en janvier 1972 et demande que son nom soit retiré. L’école est tout de même achevée en plusieurs phases : les locaux d’enseignement en 1972, l’administration en 1974, et enfin l’amphithéâtre en 1975. Ironie du sort, ni Sert ni Boucton ne seront présents à l’inauguration le 16 mai 1975.
Un héritage réhabilité
Classé "Patrimoine architectural du XXe siècle" en 2004, devenu "Architecture contemporaine remarquable" en 2016, le bâtiment de l’ISBA est désormais reconnu pour sa valeur artistique et historique. Si des altérations ont affecté la qualité originelle de certains détails, son architecture pensée pour un usage pédagogique conserve aujourd’hui toute sa pertinence.
Avec près de 7000 m², l’ISBA accueille aujourd’hui 194 étudiants en design graphique et en arts. La structure imaginée en 1966 continue de répondre aux besoins de la création contemporaine, tout en s’adaptant aux nouveaux défis, notamment ceux posés par le changement climatique.
Vers le futur, avec mémoire
À l’heure où l’établissement célèbre les 50 ans de son bâtiment, une question essentielle se pose : comment concilier préservation patrimoniale et évolutions nécessaires ? L’histoire tourmentée mais riche de l’école invite à faire de sa mémoire une boussole pour les transformations à venir. Un demi-siècle après l’inauguration, l’école fondée par deux artistes visionnaires continue d’incarner l’exigence et l’audace au service de la création.
Une école territoriale
Cette école municipale depuis ses débuts, est devenue une école territoriale avec une participation de Grand Besançon Métropole qui s’est développée notamment depuis le mois de janvier 2025. Si auparavant, la communauté de communes contribuait à hauteur de 100.000€ par an depuis que l’Isba est un établissement public de coopération culturelle (EPCC) en 2006, et 110.000€ à titre exceptionnelle, la contribution de GBM a doublé depuis janvier dernier suite à un vote en conseil communautaire. L’agglomération fait désormais partie intégrante de l’école.
Infos +
Ce vendredi 16 mai à 18h30, Anne Vignot, maire de Besançon, et présidente de Grand Besançon Métropole, Benoît Vuillemin, vice-président de Grand Besançon Métropole en charge de l’Attractivité et du rayonnement, du tourisme et de l’Enseignement supérieur, ainsi que Aymée Rogén directrice régionale des Affaires culturelles de Bourgogne Franche-Comté, dévoileront la place du label ”Architecture remarquable contemporaine”.
L’Isba fait partie des 1.392 immeubles, ensemble architecturaux, ouvrage d’art et aménagement labellisés.