Soupçons d’abus sexuels à l’ISBA : toutes les affaires classées sans suite

Le parquet de Besançon a annoncé le classement sans suite de l’enquête ouverte pour déterminer si des faits de viols et d’agressions sexuelles avaient été commis au sein de l’Institut supérieur des Beaux-Arts (Isba), comme le dénonçaient plusieurs témoignages anonymes sur Facebook.

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A la rentrée du mois de septembre 2020, une page Facebook faisant écho au mouvement "Balance ton porc" avait été créée par un groupe d'étudiants de l'Isba pour dénoncer des faits de harcèlement ou d'agressions sexuelles commises, selon eux, par des "professeurs" et des "membres de l'équipe administrative", notamment pendant des soirées alcoolisées.

Alerté, le procureur Etienne Manteaux a ouvert une enquête pénale et avait lancé un appel à témoin le 8 octobre 2020 pour les besoins de l'enquête.

Outre le directeur, un autre agent, qui a depuis quitté ses fonctions, a été mis en cause pour avoir organisé des soirées au sein de l'école, ce qui "a pu porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens".

Douze commentaires publiés sur cette page reprochaient des faits de violences sexuelles à trois membres de l'équipe pédagogique et administrative de l'établissement.

Malgré l'absence de plainte et l'anonymat des témoignages, le procureur Etienne Manteaux avait confié une enquête à la sûreté départementale du commissariat de Besançon. Les investigations ont permis d'identifier "cinq faits plus graves" parmi les événements dénoncés sur internet, dont deux faits de viols, deux faits d'agressions sexuelles et un fait de harcèlement sexuel.

17 témoignages sur "Balance ton école d’art" dont 5 affaires de violences sexuelles

"Il a été compliqué pour les enquêteurs d'arriver à identifier les personnes, car les témoignages étaient déposés anonymement sur la page Facebook", précise le procureur ce jeudi. Sur les 17 témoignages publiés, 12 concernent des faits plus véniels comme des propos sexistes, racistes et des sous-entendus sexualisés. Tous sont restés anonymes.

Affaire n°1

Il est fait état d'une fellation qui aurait été imposée à 5h00 du matin par un enseignant de l'ISBA. Ce dernier a été identifié. C'est une personne proche du directeur. Il avait été recruté comme moniteur (conseiller) et avait la possibilité d'avoir un atelier d'art, d'y rester le soir et parfois même d'y dormir.

Le mis en cause a été entendu et a admis avoir eu ce rapport sexuel. Il a expliqué avoir eu des relations sexuelles occasionnelles pendant deux ans environ et qu'ils étaient, selon lui, consentis.

Il n'y a pas eu de confrontation. Ce témoin ne s'est pas dévoilé. Affaire sans suite.

Affaire n°2

Une étudiante de l'école (née en 1993) a expliqué avoir eu un rapport sexuel avec un enseignant de l'école (né en 1990). Elle a indiqué que lors d'une soirée très arrosée (et après avoir fumé), elle avait accepté d'aller au domicile de l'enseignant.

Elle a indiqué aux enquêteurs avoir eu l'impression d'être violée durant la nuit alors qu'elle se trouvait dans un état second. Elle a expliqué avoir des souvenirs flous.

Après avoir été identifié et entendu, l'enseignant a admis avoir eu un rapport sexuel, mais que ce dernier était consenti et qu'il aurait eu lieu le matin alors qu'elle était dégrisée. Une amie de l'étudiante (aussi ex-petite amie de l'enseignant) a été entendue et ne donne pas une version concordante.

L'enseignant a, quant à lui, déposé plainte pour dénonciation calomnieuse. La plaignante n'a pas déposé plainte.

"Je suis incapable d'expliquer ce qui s'est passé à la lumière du mis en cause, de l'amie et de la jeune femme", indique le procureur.

Les faits sont classés sans suite. La plainte de l'enseignant également.

Affaire n°3

Il est question d'attouchements sexuels imposés par le directeur de l'ISBA. Le témoignage a été émis par une personne née en 1995 et remonte à des faits datant de 2013 alors qu'il était en première année à l'ISBA).

Lors d'une soirée arrosée à l'école, le directeur s'était approché de lui et lui avait dit : "toi, tu vas être mon petit préféré". Suite à ces propos, il lui aurait mis une main aux fesses.

Le directeur a reconnu avoir tenu ces propos en précisant l'avoir dit à de nombreuses personnes. Il a contesté avoir mis une main aux fesses à cet étudiant. Affaire classée sans suite.

Affaire n°4

Elle concerne à nouveau le moniteur de l'ISBA né en 1978. Il a été mis en cause par un étudiant (né en 1993). Ce dernier a expliqué aux enquêteurs être allé dans l'atelier de ce dernier et avoir bu du Martini. Le moniteur aurait alors dégrafé sa ceinture et passé la main au-dessus de son caleçon.

L'étudiant a porté plainte pour agression sexuelle. Le mis en cause a admis avoir reçu cet étudiant avoir été attiré physiquement par ce dernier. Il explique l'avoir dragué, mais ne pas avoir insisté.

Affaire n°5

C'est un fait d'harcèlement sexuel visant le directeur de l'ISBA. Un ancien étudiant a affirmé avoir été reçu au domicile de ce dernier. Ils ont bu et la discussion aurait dévié sur des pratiques sadomasochistes. Le directeur lui aurait ensuite fait une démonstration avec un fouet et lui aurait demandé s'il voulait faire un essai. Une plainte a été déposée.

Le directeur a admis avoir reçu chez lui l'ancien étudiant et a reconnu avoir parlé de pratiques sadomasochistes, mais en tant que vecteur d'art, sans volonté d'harceler.

Le directeur a montré de nombreux échanges SMS postérieurs aux faits montrant des propos apaisés du plaignant. L'affaire est classée sans suite.

En revanche, "si sur le plan pénal il n'y a pas matière à poursuite, sur un plan administratif c'est à la maire de Besançon d'apprécier l'opportunité de poursuites disciplinaires", a ajouté le procureur qui transmettra les résultats de l'enquête à la maire de Besançon.

Le directeur suspendu en avril

En parallèle, le directeur de l'Institut supérieur des Beaux-Arts de Besançon (ISBA) a été suspendu en avril dernier après une enquête administrative diligentée par  la Ville de Besançon suite à ces dénonciations d'abus sexuels au sein de l'établissement.

Tous les éléments recueillis au cours de cette enquête administrative de la Ville de Besançon, au cours de laquelle plusieurs dizaines de personnels et d'étudiants ont été entendus, ont été transmis au procureur de la République.

Sans donner de précisions sur les faits reprochés à l'ancien directeur, Aline Chassagne, adjointe à la culture de la ville et présidente du conseil administration de l'Isba avait évoqué le 8 avril 2021  "des faits concordants, répétés, graves, des manquements à ses obligations et un comportement inapproprié". Le directeur avait été alors suspendu. Il avait été réintègré dans un autre service dans l'attente d'une éventuelle sanction. Nicolas Surlapierre, directeur des musées du centres a depuis été nommé à la direction par Interim de l'Isba Franche-Comté.

Hélène Loget et Damien Poirier.

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