Maintenir la production de trains à Belfort “impossible” ? Début du bras de fer entre Alstom et le gouvernement

La pénurie de commandes rend « aujourd’hui impossible (…) un avenir pérenne pour les activités du site de Belfort », affirme ce mardi 13 septembre 2016 le patron d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, dans un message aux salariés du groupe. Damien Meslot, le député-maire de Belfort s’est dit « choqué » par ce mail. Dans le même temps, le premier Ministre Manuel Valls a réaffirmé qu’il était « hors de question » que le site d’Alstom à Belfort ferme. Le secrétaire d’Etat à l’Industrie, Christophe Sirugue, a pour sa part assuré que l’Etat n’avait pas été « informé du tout«  de la volonté d’Alstom d’arrêter la production ferroviaire sur son site de Belfort, ce qui constitue à ses yeux une « faute« . 

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Dossier empoisonné à huit mois de la présidentielle, Alstom est devenu ce mardi 13 septembre 2016 l'enjeu d'un bras de fer entre son PDG Henri Poupart-Lafarge et l'exécutif. Le premier reste inflexible sur son projet de quasi-fermeture de l'usine de Belfort, le second a promis de tout faire pour la pérenniser. 

"Aucune locomotive n'a été commandée depuis plus de 10 ans à Alstom en France et la production des motrices TGV, non assurée après 2018, est au rythme le plus bas de son histoire", explique M. Poupart-Lafarge "Nous avons maintenu une production à Belfort aussi longtemps que nous l'avons pu", assure-t-il, ajoutant avoir "alerté les pouvoirs publics sur cette situation depuis plusieurs mois".

Le groupe a annoncé la semaine dernière son intention de transférer sa production de locomotives de Belfort à Reichshoffen (Bas-Rhin) d'ici 2018, provoquant une cascade de réactions politiques et un bras de fer avec le gouvernement.

 "Nous devons faire ce choix aujourd'hui pour préserver les emplois et la position des autres sites du groupe", affirme M. Poupart-Lafarge, promettant que l'entreprise "mettra tout en oeuvre pour qu'il n'y ait pas de départs contraints". "Nous avons décidé d'annoncer très en amont ce projet afin de prendre le temps nécessaire à une telle réorganisation", poursuit-il, estimant qu'un regroupement des activités à Reichshoffen est "cohérent géographiquement afin d'aider la mobilité des employés"

Damien Meslot "choqué"

Damien Meslot se dit "profondément choqué" par le courriel envoyé par le PDG d’Alstom aux salariés, indiquant que la fermeture du site d’Alstom Belfort est inéluctable."Je trouve ce mail profondément choquant. Comment Monsieur Poupart-Lafarge peut tenir ces propos avant même d’avoir rencontré les élus locaux et alors que le Gouvernement s’engage dans le même temps à préserver le site ‘dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui’ ?" s'étonne  le député-maire de Belfort. "Cela démontre une volonté manifeste de ne pas préserver l’emploi en France et à Belfort. Ce message est d’une violence et d’un mépris inouïs vis-à-vis des salariés et des élus. Cette situation ne peut pas être inéluctable et j’exigerai du PDG d’Alstom, lors de notre entretien, des solutions allant dans le sens des annonces du Gouvernement".

  • Le député maire  appelle l’ensemble des habitants à se réunir autour des élus et des organisations syndicales pour une opération ‘Belfort ville morte’ le samedi 24 septembre 2016 à 14h, à la Maison du Peuple à Belfort. Il réclame le soutien des commerçants belfortains en les appelant à baisser leur rideau de 14h à 15h à cette occasion. 

Manuel Valls : "Hors de question que le site de Belfort ferme" 

En parrallèle, Manuel Valls a déclaré ce mardi 13 septembre 2016 à Verdun qu'il était "hors de question que le site (d'Alstom) de Belfort ferme", ajoutant à l'adresse des salariés du groupe qu'"ils peuvent avoir confiance dans l'action du gouvernement pour pérenniser le site, l'emploi et l'avenir d'Alstom". 

"Nous travaillons sur la commande publique". "Il y a un certain nombre de dossiers qui avancent bien, à la fois à l'étranger, je pense à l'Italie, mais aussi en France. Cela demande encore quelques jours, quelques semaines, pour certains quelques mois avant de les finaliser", a indiqué Manuel Valls. 

"Ce que je demande moi, c'est un peu de patience dans les jours qui viennent, qu'on ne s'emballe pas et qu'on ait comme objectif la pérennité, et là-dessus je suis très clair, très ferme, très déterminé, du site de Belfort", a poursuivi le chef du gouvernement, qui appelle à mettre "de côté certaines déclarations (qui) nuisent au bon entendement de ce dossier par nos compatriotes". 

L'exécutif est critiqué pour son attentisme dans ce dossier, alors que l'Etat détient 20% des voix au conseil d'administration d'Alstom. Alstom, "c'est une entreprise privée mais qui vit beaucoup grâce à la commande publique, à l'action de l'Etat, de ses grands opérateurs, je pense bien sûr à la SNCF, à la RATP, aux trains régionaux, aux collectivités territoriales, aux régions, aux grandes agglomérations", et "vit beaucoup 
grâce aux exportations, grâce aux marchés que nous obtenons ensemble et sur 
lesquels le gouvernement et le président de la République se battent", a rappelé Manuel Valls. 

Sirugue : Ne pas avoir prévenu l'Etat est une "faute" de la part d'Alstom

"A l'évidence, l'ensemble des acteurs économiques et politiques connaissent la difficulté du carnet de commandes d'Alstom", a-t-il déclaré sur LCI. "Ce dont nous n'étions pas informés du tout, c'est de la proposition formulée par le PDG d'Alstom qui aboutit à la fermeture du site de Belfort", a ajouté M. Sirugue. 

L'Etat n'était pas au courant "pour une raison assez simple, c'est que le PDG n'a pas fait cette information devant les instances normales de l'entreprise, c'est-à-dire devant le conseil d'administration", dans lequel siège un représentant de l'Etat, a-t-il remarqué. "C'est une faute qui a justifié que nous puissions demander au PDG d'Alstom de venir à Bercy, de nous expliquer ce qui s'était passé, de lui dire très clairement que nous trouvions ce procédé tout à fait scandaleux", a-t-il affirmé. Le patron d'Alstom Henri Poupart-Lafarge avait été convoqué à Bercy jeudi au lendemain de l'annonce par le constructeur ferroviaire de l'arrêt de sa production de trains à Belfort d'ici deux ans, à cause d'une pénurie de commandes. 

Interrogé sur une éventuelle aide de l'Etat à l'entreprise, M. Sirugue a répondu: "Est-ce que c'est (apporter de l'argent, NDLR) au capital d'Alstom ? La réponse est non. Est-ce que c'est pour essayer d'accompagner les opérations ? Nous verrons en effet dans le tour de table ce qu'il est possible de faire.

(Avec AFP)

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