Parler du don d’organes en famille : l’appel de Philippe Patton, nouveau président de France ADOT

Philippe Patton, président de ADOT 25 à Pontarlier depuis 2014, a été élu président de France ADOT lors de l’assemblée générale annuelle de la fédération, qui s’est tenue à Paris samedi 28 juin 2025. Ce militant engagé dans la cause du don d’organes depuis 16 ans succède à la présidence de cette fédération nationale qui regroupe 63 associations départementales. Avec lui, on fait le point sur le don d’organe en France et la loi.

Philippe Patton © DR

L’engagement de Philippe Patton dans la cause du don d’organes ne doit rien au hasard. "Si je remonte aux origines, ça fait 16 ans cette année", confie-t-il. Ce parcours débute à la suite d’un événement familial marquant et s’est rendu compte  qu’il y avait un vrai travail associatif à faire et intégrer ce témoignage dans un travail plus large.

Il découvre dans les années 1990 l’association locale ADOT 25 dans le Doubs, mais constate sa disparition. "Quelques rencontres, notamment avec la coordination hospitalière du CHU de Besançon, nous ont amenés à nous rapprocher de France ADOT pour savoir si cette association du Doubs pouvait redémarrer” nous raconte-t-il. Il en devient officiellement président en 2014 et siège ensuite au conseil d’administration national pendant six ans avant d’en être élu président.

"Une mission d’unité"

Le nouveau président voit son rôle avant tout comme une mission collective : "c’est une mission d’abord de manifester l’unité la plus parfaite possible entre tous les acteurs de terrain que sont les associations départementales et leurs bénévoles."

Il insiste sur la force du réseau fédératif pour faire passer le message auprès du grand public, dans les écoles comme dans les milieux associatifs : "Le côté fédératif offre une force, une réceptivité et une écoute des instances auxquelles on s’adresse et desquelles on a besoin." 

Le rôle du président ? "Exploiter les forces de terrain, les mutualiser et en retour, pouvoir bénéficier de tout ce qu’il se passe dans le réseau pour conseiller et aider”, assure-t-il.

Un taux de refus encore trop élevé

En 2024, la France affichait un taux de refus au don d’organes de 36 %. Pour Philippe Patton, c’est là que le travail reste immense puisque ”si les Français étaient de bons donneurs, et si les patients en attente étaient quasiment satisfaits à terme, on n’aurait plus de travail à faire."

La comparaison avec l’Espagne, pays modèle en la matière, est éclairante : "l’Espagne compte seulement 15 % de refus. En France, on est à 36 %. Donc ce sont plutôt 64 % des possibilités de dons d’organes qui se transforment réellement en dons." Alors que lorsqu’ils sont interrogés pour des sondages, ”80 % des Français sont pour le don de leurs organes”, rapporte Philippe Patton.

Le rôle crucial des proches

C’est dans le dialogue familial que tout se joue. Lorsqu’un décès survient, "les médecins demandent automatiquement si la victime est donneuse d’organes à ses proches. Même si la victime l’est, ses proches peuvent refuser, sous le choc du drame qui vient de se produire."

Il insiste : "Le message aujourd’hui pour rattraper les Espagnols : communiquez en famille, dites-vous ce que vous souhaitez pour vous-même et à l’inverse, sachez pour les vôtres !" Selon lui, "tous les gens qui ont été prévenus, je peux en témoigner, c’est une étincelle, une petite place mémoire au moment venu."

Religion et don d’organes : une barrière qui tombe

Interrogé sur les freins d’ordre religieux, Philippe Patton se veut rassurant en assurant qu’il y en a "de moins en moins, et Dieu merci !" Il estime que les réticences viennent davantage d’interprétations individuelles : "ce qui a fait des tabous et des réticences, ce sont des interprétations sectaires ou personnelles."

L’observation du terrain est encourageante. Le président témoigne que ”lorsqu'on intervient dans les collèges et les lycées, où toutes les religions sont mélangées, ce n’est pas un sujet qui fait la différence entre les jeunes. C’est un signe d’espoir."

"Tous donneurs par défaut"

La loi française est claire : toute personne est présumée donneuse, sauf si elle s’est inscrite sur le registre national des refus. ”Et médicalement, on greffe tous les organes et à tous âges", rappelle Philippe Patton. Et même chez les enfants, bien que les cas soient très rares, le geste prend un sens profond : "C’est une façon de voir la vie qui continue quelque part… derrière, il y a un autre bébé qui vit”, a pu constater Philippe Patton.

Par ailleurs, le message central que veut faire passer le nouveau président est simple : "La connaissance entre proches, qui définit le rôle du proche, que doit-il faire, que doit-il ne pas rater, ne pas trahir son proche." Le slogan de la campagne 2024 est sans équivoque : "Savoir pour ses proches, ça change tout."

Un chiffre résume les enjeux : "Si les 68,4  millions des Français savaient pour leurs proches, on serait comme les Espagnols, à 85 % d’acceptation. Et ça change tout parce que les 800 à 1000 morts par an faute d’organes à temps seraient réduits à quelques unités”, explique Philippe Patton.

Pourquoi continuer de demander l’avis des proches ?

Bien que la loi autorise le prélèvement en l’absence d’opposition enregistrée, le dialogue reste incontournable. "Si les proches sont là, et qu’on fait quelque chose d’automatique sans leur en avoir parlé, on risque de faire plus de mal que de bien dans la société", explique Philippe Patton. Une pratique qui pourrait être perçue comme une "marchandisation automatique d’un corps, c’est-à-dire qu’on utilise un corps qui vient de mourir comme un catalogue de pièces détachées”, et ça, tous les acteurs du don refusent. 

Il conclut avec lucidité : "On est dans un milieu intrinsèquement humain quand on traverse ces moments-là, et la loi ne suffit pas malheureusement."

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