À Besançon, un boulanger en lutte pour la régularisation de son apprenti guinéen menacé d’expulsion

Le boulanger bisontin Alexandre Figard se lance dans un bras de fer face à l’administration française depuis début juillet 2021. Son but : régulariser la situation de son apprenti Lamine Diaby, jeune majeur guinéen, diplômé en boulangerie, menacé d’expulsion.

Alexandre Figard et Lamine Diaby. © Corentin Germaneau

Lamine Diaby est né en août 2002 à Conakry en Guinée. Sans avoir connu sa mère, abandonné de son père puis séparé de son grand frère en Espagne lors de son périple pour quitter son pays d'origine, Lamine est arrivé en France en juin 2019 sous le statut de mineur étranger. Pris en charge par plusieurs structures, le jeune homme s'est lancé dans un CAP de boulangerie au CFA Hilaire de Chardonnet à Besançon.

Après 2 ans en contrat d'apprentissage à la boulangerie La Gourmandise gérée par Alexandre Figard, il obtient son CAP haut la main et sort major de sa promotion avec une moyenne de 16,5/20 "dont un 20/20 en français oral" souligne le boulanger.

© Corentin

Presque en même temps que cette heureuse nouvelle, l'apprenti reçoit un avis d'expulsion vers la Guinée. Il a un mois pour quitter le territoire. Son patron, "très fier" de lui, n'entend pas le laisser partir et veut "aller jusqu'au bout" pour que la situation administrative de Lamine soit régularisée.

"Il est fait pour le métier de boulanger"

"C'est un bon jeune, depuis son entrée en formation il est à l'écoute, il est travailleur, il aime apprendre et il est très rapide à l'exécution, ses collègues le confirment", décrit Alexandre Figard. "C'est une valeur ajoutée à l'équipe et à l'entreprise, il est doué pour la boulangerie, il est fait pour ça et comme on disait à mon époque lorsque j'étais en formation, - il a trouvé sa voie -".

Suite à l'obtention de son CAP, le patron de Lamine lui propose un contrat d'apprentissage d'un an avec mention complémentaire de boulanger spécialisé qui débutera en septembre prochain. "Grâce à ce diplôme, Lamine pourra devenir chef boulanger, c'est-à-dire qu'il pourra gérer la boulangerie et gérer une équipe", explique Alexandre Figard. "Déjà aujourd'hui, je laisse Lamine accompagner les apprentis en première année de CAP, il peut transmettre, on forme nos jeunes pour qu'ils transmettent aux suivants".

Un recrutement toujours difficile en boulangerie

Comme l'avait souligné à de nombreuses reprises Stéphane Ravacley, le boulanger bisontin qui était allé jusqu'à une grève de la faim pour faire régulariser la situation de son apprenti en janvier dernier, Alexandre Figard reconnaît également un problème de recrutement de jeunes apprentis dans son domaine. "Il y a une recrudescence de jeunes qui arrivent, qui travaillent un temps et qui repartent, ils ne sont pas passionnés", reconnaît-il.

Le métier de boulanger demande un travail de nuit, dès 3 heures du matin, ce qui séduit de moins en moins les adolescents. Pourtant, pour le boulanger installé à Besançon depuis 2013, l'argument financier n'est pas négligeable : "les heures travaillées de nuit sont rémunérées, un jeune qui travaille à 3h du matin ne gagne pas la même chose qu'un autre qui commence sa journée à 7h".

 En attente de rendez-vous officiels…

À ce jour, vendredi 16 juillet, après avoir publié une pétition sur la toile (plus de 15.000 signatures ce jour), Alexandre Figard, en lien avec l'association Patrons solidaires fondée par Stéphane Ravacley, attend de recevoir les dates des rendez-vous avec l'administration française y compris de "ministres et secrétaires d'État", nous dit-il. Des courriers ont été envoyés, il attend "des résultats".

Quoi qu'il en soit, Alexandre Figard le répète : "J'irai jusqu'au bout pour que la situation de Lamine soit régularisée, je pense profondément qu'il doit poursuivre son parcours professionnel, c'est inimaginable qu'il finisse dans un centre de rétention… inimaginable." Et d'ajouter : "Je sais que la médiatisation n'est pas appréciée des décisionnaires, mais je n'ai pas le choix."

Vers une grève de la faim ? "J'irai jusqu'au bout", conclut le boulanger.

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