En détresse financière, un artisan du Doubs en grève de la faim depuis plus de 15 jours

Artisan sellier à Rouhe près de Quingey, André Mathey a entamé une grève de la faim il y a plus de 15 jours. Pourquoi ? Il souhaite alerter sur sa situation financière et faire valoir ses « droits à l’égalité dans les droits sociaux et aux aides covid pour sauver mon entreprise née en 2011″. André Mathey a perdu 13 kilos, son état de santé se dégrade progressivement.

André Mathey © DR

Pourquoi faire une grève de la faim ?

André Mathey : "Je suis au 14 ème jour de grève de la faim pour faire valoir mes droits à l'égalité dans les droits sociaux et aux aides covid pour sauver mon entreprise née en 2011. Depuis mon plus jeune âge je voulais faire des chaussures. En 2011, création de l'Atelier du Créateur. L'atelier change de nom et devient l'atelier Andreas Corso.

J'ai été plusieurs fois plébiscités au Show des Créateurs à Besançon pour lequel je réaliserai 17 puis 23 paires de chaussures en adéquation avec les superbes créations d'autres artisans. Je ferai une fashion week-end à New York dans l'espoir d'y trouver un partenariat en vain. 

Des personnes commencent à m'apporter des sièges de voitures à réparer. Mon atelier de 4m² devient insuffisant. En 2017, j'ouvre un atelier à Quingey. J'ai obtenu un prêt d'honneur et un prêt bancaire pour l'achat d'une machine dédiée à la sellerie. Mon premier intérieur de voiture est pour la BMW 2002 de Bapt Corp et sera le départ du développement proprement dit de la sellerie. Et le tout, réalisé sur ma vieille machine de cordonnerie Singer qui a 100 ans. En 2019, j'ai participé à des expositions, rassemblements, les devis sont lancés, mais si ils se finalisent, le local ne sera pas adapté pour rentrer des véhicules". 

Quand et quels problèmes avez-vous rencontrés ?

André Mathey : "J'ai changé de statut, en passant d'auto entreprise en micro Bic réel simplifié, qui a été refusé par l'Urssaf - Union de Recouvrement pour la Sécurité Sociale et les Allocations Familiales -. pour dossier hors délai, alors qu'il a été remis courant décembre 2019. Il y a eu un arrêt du paiement des charges auto entreprise. Je suis en attente de passage en commission Urssaf .

Pendant l’année 2020, ayant finalisé les devis, je pouvais payer le loyer du local de Quingey en ayant encore un bail commercial de 2 ans, celui de Chouzelot, donc les charges des deux locaux, plus celles de l'appartement où je réside, chez des amis et je descends à 7 500 euros de découvert. Je double le chiffre d'affaires à un peu plus de 49 000 euros et je réalise un bénéfice net d'un peu plus de 9 000 euros. Je touche alors une prime à l'emploi, une partie du RSA et ayant de petits revenus, comme tout bon chef d'entreprise en développement d'activité, des APL. Mes droits ont été supprimés et je ne touche plus que 84 euros de prime a l'emploi depuis le Covid.

En cours d'année 2020, les amis chez qui je réside me font comprendre que je dois partir. J'essaie d'acheter une maison pour m'y installer et y installer mon atelier, mais mon prêt est refusé juste après la décision en conseil des ministres du reconfinement de la population. Les problèmes de délais, d'horaires de confinement m'ont fait chuter le chiffre d'affaires et j'ai de plus en plus de mal à équilibrer mon budget.

 J'ai eu ensuite un abaissement des droits sociaux et je ne touche plus que 28 euros de prime à l'emploi. Fin 2020, je dois trouver une location, pour sortir des baux commerciaux étant en bail précaire jusqu'en fin d'année 2020. En 2021, il y a eu une augmentation des matières premières, du carburant et des produits de première nécessité. Je tire la sonnette d'alarme concernant ma situation. Je contacte le département, la région, la préfecture, qui me disent de saisir la commission social de l’Urssaf, je fais un courriel à l'Élysée. En novembre, le cabinet Griset affirme me suivre et me soutenir dans mes démarches. Je ne peux alors toucher aucune aide covid car il y a toujours un point qui ne colle pas. Aucune réponse du cabinet.

Début 2022, le bilan est de 7 095 euros de bénéfice net imposable soit 585 euros de rémunération par mois durant 2021. Mon dossier en commission Urssaf normalement traité mi-février est repoussé au 15 mai, mais toujours pas de soutien du cabinet. Sur le formulaire en ligne du centre des impôts, lorsque je rentre le code postal 25440, un message s'affiche disant que le département n'est pas concerné et me renvoie une nouvelle fois vers toutes les administrations déjà contactées".

Pourquoi faites-vous une grève de la faim ?

André Mathey : "Dans le rouge sur tout les comptes, subsistant grâce aux découverts autorisés et maintenant avec mon activité et les rentrées d´argent au mieux, avec le conflit en Ukraine et les augmentations prohibitives de tout et à cause de problèmes d'approvisionnement, j'ai décidé le 5 avril d'entamer une grève de la faim. Pour me faire entendre, ayant frappé de multiples fois à toutes les portes qui ne s'ouvrent pas. C'est en ayant ma petite fille dans mes bras, depuis la première fois a presque un mois que j'ai décidé d'entamer cette grève de la faim parce que ça ne pouvait plus durer".

Quels sont vos objectifs ?

André Mathey : "Je souhaite obtenir le rétablissement de mes droits sociaux alors que beaucoup d'entreprises et de commerçants se sont gavés. Le but pour moi étant d'avoir le plus d'aides possibles, tout comme les autres commerces et entreprises pour pouvoir continuer mon activité. Je ne vois pas pourquoi les autres y aurait droit et pas MOI".

Avez-vous déjà reçu de l'aide depuis le début de votre grève de la faim ?

André Mathey : "Je devais passer comme dit plus haut dans ces réponses, en commission sociale de l'Urssaf qui a été repoussé de multiples fois jusqu'au 15 mai. L'Urssaf ayant été prévenu de ma grève de la faim, elle a décidé de ne pas attendre le résultat de cette commission et de m'octroyer 2000 € d'aides, mais pour l'instant je n'ai touché que 500 € car ils semblent bloqués par des textes administratifs".

Quels sont les problèmes de santé auxquels vous êtes confronté aujourd'hui ?

André Mathey : "Je suis passée de 72 kg à 59 kg. J'ai 8,6 de tension et je vais refaire une prise de sang pour voir les constantes d'ici 2 jours, je suis dans un état de fatigue grandissant".

Faire une grève de la faim, était-ce le seul moyen de recevoir de l'aide selon vous ?

André Mathey : "Oui, sans cette grève de la faim, je n'aurais rien obtenu. Il n'y a que des actions de cette sorte pour faire bouger les choses puisque la diplomatie, la gentillesse et la politesse ne donne rien, on est sans arrêt pris pour un con".

Jusqu'à quand comptez-vous faire cette grève ? Comment voyez-vous l'avenir ?

André Mathey : "Je n'arrêterai la grève de la faim que lorsque j'aurai obtenu, en suivant les aides de la commission sociale de l'Urssaf, le rétablissement de mes droits sociaux par la CAF et les aides covid que le gouvernement avait promis à toute entreprise en difficulté. Cela fait trois semaines que je suis en grève de la faim,  je n'arrêterai pas aujourd'hui, j'ai durci le mouvement, je ne prends plus de boissons sucrées pendant la journée, mais uniquement un bouillon de légumes le soir. Et dans 15 jours, si rien n'a bougé, je prendrai de la hauteur en avertissant les médias et la préfecture au dernier moment afin de ne pas être bloqué dans mon action. A vous d'analyser ces mots et de savoir ce que j'entends par prendre de la hauteur".

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