Une “consultation citoyenne” sur la sortie de l’Alsace de la région Grand Est sème la zizanie

Appelés aux urnes pour une « consultation citoyenne » sans valeur juridique sur la sortie de l’Alsace de la région Grand Est, plus de neuf votants sur dix ont plébiscité cette perspective, au grand dam de la région qui y voit un résultat « ni surprenant, ni convaincant ». Pour le mouvement Franche-Comté, ce résultat n’est jamais que « la conséquence logique du déni de démocratie par lequel le pouvoir central a imposé aux régions de devoir fusionner, et ce, sans même en consulter préalablement les habitants, comme pourtant bien prévu  par la Charte européenne de l’autonomie locale, traité européen signé par la France ».

A Colmar lundi matin, Frédéric Bierry, le président de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA - qui réunit depuis 2021 les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin), affichait un sourire rayonnant à l'annonce des résultats : 92,4 % des quelque 150.000 votants de cette "Consultation citoyenne sur l'avenir de l'Alsace" se sont prononcés en faveur du rétablissement d'une région Alsace "à part entière".

"Le Grand Est était une parenthèse, nous allons redevenir une région à part entière"

"Les Alsaciens se sont exprimés très clairement", s'est-il félicité à l'issue de ce scrutin organisé par la CEA du 21 décembre au 15 février par courrier, sur Internet et dans les urnes. "Le Grand Est était une parenthèse, nous allons redevenir une région à part entière", a promis Frédéric Bierry en dépit de la portée essentiellement symbolique de cette consultation.

Présente en sa qualité d'élue de la CEA, la ministre chargée de l'Insertion Brigitte Klinkert, également favorable au rétablissement de la région Alsace, s'est simplement engagée à relayer "cette demande auprès du Premier ministre et du Président de la République".

"Avec 88 % de non-participation, la modération s'impose", a répliqué en début d'après-midi le président de la région Grand Est Jean Rottner, soulignant que moins de 12 % du corps électoral alsacien s'était mobilisé malgré le "matraquage de la campagne de la CEA".

"Je prends acte (...) du résultat de la consultation lancée par Frédéric Bierry qui n'est ni un vote, ni une expression à caractère règlementaire", a-t-il poursuivi en farouche opposant au démantèlement du Grand Est, avant de contre-attaquer, estimant qu'"il est temps que la CEA honore ses missions".

Cette passe d'armes entre les présidents des deux collectivités, pourtant tous deux membres de LR, illustre une nouvelle fois le débat qui agite nombre d'Alsaciens et la classe politique locale depuis la création de la région Grand Est en 2016.

"Une nouvelle page"

Les uns comme les autres reprochent à la réforme territoriale voulue par l'ex-président François Hollande d'avoir dilué l'identité alsacienne dans cet ensemble trop vaste et sans véritable cohérence historique qui réunit depuis l'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Pour répondre au moins partiellement à ce "désir d'Alsace", une loi avait ouvert la voie à la création de la CEA dès août 2019.

Et la question avait encore été soulevée par plusieurs têtes de liste alsaciennes, dont Brigitte Klinkert, lors de la campagne des régionales de 2021. Lors d'une visite en Alsace, le Premier ministre Jean Castex avait lui-même confié n'avoir "jamais été convaincu" par les "immenses régions, dont certaines ne répondent à aucune légitimité historique".

Peine perdue. Fort du résultat de la consultation citoyenne, la CEA s'est engagée lundi à "interpeller tous les candidats à l'élection présidentielle" et à "travailler sur les modalités" d'un "retour à la région Alsace" avec le prochain président de la République.

A droite, la renaissance de l'Alsace est défendue par Marine Le Pen tout comme Nicolas Dupont-Aignan. Pour le député Modem du Haut-Rhin Bruno Fuchs, cette consultation ouvre "une nouvelle page de l'Alsace".

A l'inverse, la socialiste Pernelle Richardot, élue au conseil régional, a jugé que l'Alsace avait "sa place dans la région Grand Est". Quant à la maire écologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian, elle a exprimé "de sérieuses réserves", appelant la CEA à "mettre en oeuvre concrètement les compétences qui sont déjà les siennes".

Un sondage à venir en Bourgogne-Franche-Comté

Pour le Mouvement Franche-Comté, c’est maintenant au tour des Francs-Comtois de tout faire pour "qu’on leur rende leur région, avec sa propre capitale, ses propres élus,  son propre budget et son propre drapeau".

A cet effet, il compte questionner prochainement les Francs-Comtois, via un sondage qui sera réalisé par un grand institut, afin de leur demander s'ils souhaitent ou non que la Franche-Comté se sépare de la Bourgogne pour redevenir une région à part entière.

(Avec AFP)

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