Lancée le 10 juillet, soit deux jours après l'adoption du texte du sénateur LR Laurent Duplomb qui autorise la réintroduction d'un pesticide, elle a déjà récolté plus d'un million de signatures, dimanche après-midi.
À partir de 500 000, et si les signatures sont issues d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer, la Conférence des présidents de l'Assemblée peut décider d'organiser un débat en séance publique. Mais seule la pétition sera débattue. La loi ne sera pas réexaminée sur le fond et encore moins éventuellement abrogée.
Contacté par l'AFP, le ministère de l'Agriculture n'a pas souhaité réagir. De son côté, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet s'est dite sur franceinfo "favorable" à l'organisation d'un tel débat. Mais il "ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée" qui va, selon elle, "sauver un certain nombre de nos agriculteurs".
Relayée sur les réseaux sociaux
Le texte d'Eléonore Pattery, étudiante de 23 ans, a suscité un engouement inédit, abondamment relayé sur les réseaux sociaux par des personnalités comme Pierre Niney et des députés de gauche.
"Grâce à votre mobilisation, l'Assemblée nationale devra à nouveau débattre de ce texte qui met en danger notre planète et notre santé !", a réagi La France insoumise, dans un message sur X relayé par son leader Jean-Luc Mélenchon.
Le patron des députés socialistes Boris Vallaud a réclamé l'inscription de la pétition à l'ordre du jour de l'Assemblée "dès la rentrée" pour permettre un débat. Et Delphine Batho, députée Génération Ecologie, a demandé à Emmanuel Macron de "ne pas promulguer" la loi.
Réintroduction d'un pesticide
"La loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire", écrit dans sa pétition l'étudiante, qui se présente comme "future professionnelle de la santé environnementale".
Adoptée le 8 juillet au Parlement, elle prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France, mais autorisé en Europe.
Ce produit est notamment réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles". Ses effets sur l'humain sont aussi source de préoccupations, même si des études d'ampleur manquent.
Parcours expéditif
Le texte réclame également "la révision démocratique des conditions dans lesquelles la loi Duplomb a été adoptée". Au Parlement, elle avait en effet connu un parcours expéditif avec une motion de rejet préalable, déposée par son propre rapporteur Julien Dive (LR) pourtant favorable au texte. Le député l'avait justifié en dénonçant l' "obstruction" de la gauche, qui avait déposé plusieurs milliers d'amendements.
L'absence de réel débat dans l'hémicycle est l'un des arguments avancés par les députés de gauche qui ont déposé un recours le 11 juillet devant le Conseil constitutionnel, espérant sa censure pour vice de procédure. À ce stade, c'est l'option la plus réaliste pour empêcher sa promulgation.
Le texte avait trouvé une majorité à l'Assemblée lors de son adoption définitive le 8 juillet. Mais, au-dehors du Palais Bourbon, ses opposants s'étaient mobilisés. Et même en son sein. Depuis la tribune du public, une membre du collectif "Cancer colère" avait lancé aux députés : "Vous êtes des alliés du cancer et on le fera savoir".
"Quand on n'aura plus d'agriculteurs, il n'y aura plus besoin de faire des pétitions"
À l'opposé, il avait été fervemment défendu par la FNSEA, premier syndicat agricole, et les Jeunes Agriculteurs, venus manifester devant le Palais Bourbon avec leurs tracteurs.
"Qu'il y ait une discussion autour de cette pétition, pourquoi pas. Mais tout recommencer serait une grande perte de temps et une finalité perdante pour le monde agricole", a réagi samedi auprès de l'AFP Quentin Le Guillous, secrétaire général des Jeunes agriculteurs.
Aujourd'hui, "on va de problèmes en problèmes. Quand on n'aura plus d'agriculteurs, il n'y aura plus besoin de faire des pétitions", a commenté Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale.
À la Confédération paysanne, on observe que la loi Duplomb "n'est pas du tout soutenue par la société, vu la vitesse à laquelle vont les signatures" de la pétition. "On espère vraiment qu'on va pouvoir avoir un débat démocratique", a souligné son porte-parole Thomas Gibert.
(AFP)