Le dernier conseil municipal a été marqué par un vif échange. Les élus d’opposition Ludovic Fagaut (Les Républicains) et Laurent Croizier (Modem) ont "pointé les effets engendrés par la présence de la Boutique Jeanne Antide (BJA) au cœur du quartier Battant, avançant même qu’il faudrait la déplacer pour apaiser véritablement le secteur." Ces propos ont immédiatement suscité l’indignation de la majorité. "J’ai honte qu’un élu dise cela", s’est offusquée la maire Anne Vignot. L’adjointe à la culture, Aline Chassagne, a de son côté ironisé : "Vous voulez cacher ces pauvres que l’on ne saurait voir."
Pour les collectifs de riverains, divisés en Groupe de Battant, Groupe de la Rue Mayence, Groupe du Square Bouchot et Groupe de la rue Champrond, Groupe quai de Strasbourg et Commerçants rue Battant, cette polémique illustre une difficulté à examiner "les éventuelles limites du dispositif de la BJA, installé au centre de la rue Battant."
Cette question de l'avenir de la Boutique Jeanne Antide entre progressivement dans les sujets de campagne pour l'élection municipale bisontine qui se déroulera en 2026. Si l'on connaît les opinions de Ludovic Fagaut, Laurent Croizier et Anne Vignot, le candidat du Rassemblement national, Jacques Ricciardetti s'est également exprimé sur ce sujet lors de son lancement de campagne vendredi dernier. Pour lui, la BAJ doit être "déplacée" pour des raisons de "fonctionnalité et d’ergonomie". Selon lui, "c’est un outil obsolète, il faut la déplacer."
Des nuisances signalées
Les riverains décrivent un dispositif jugé trop petit pour l’afflux de publics en grande précarité. La proximité immédiate de l’école Champrond est notamment mise en avant : "une cantine aux fenêtres occultées pour protéger les enfants des spectacles se déroulant au sein de la BJA", témoignent-ils, évoquant aussi "cris, alcoolisation" et "tentatives de contact avec les élèves via le pare-vu vert."
Les commerçants font également état de difficultés. L’ancien opticien de la rue Champrond confie : "Je n’en pouvais plus", citant vitrines souillées, nuisances et perte de clientèle. Deux pétitions, en 2023 et 2024, ont déjà rassemblé habitants et acteurs économiques pour demander des mesures.
Le collectif de riverains nous a également fait parvenir un témoignage audio de la doyenne du quartier Battant, âgée de 86 ans (accompagnée de son fils) vivant dans le secteur depuis 68 ans dans lequel elle rapporte que le quartier "a très mal évolué depuis 5-6 ans, surtout depuis le Covid : il y a des bagarres, des policiers qui viennent, des ambulances, on a défoncé la copropriété, il y a eu des squats dans un appartement pour faire passer de la drogue, ce qui n'a pas duré longtemps parce qu'on a mis le holà assez rapidement en changeant les serrures." L'octogénaire raconte également qu'en ouvrant ses fenêtres, "je leur dit de se taire mais ils me disent de fermer mes fenêtres ou ils m'envoient des couennes de fromage et on m'a dit de déménager si j'étais pas contente ; en plus ils jouent au ballon dans la rue, j'ai toujours peur qu'ils cassent les carreaux, je ne suis plus du tout en sécurité. Jusqu'en 2020, je m'en accommodais, ce n'était pas dangereux comme maintenant et tout ça de 7h à 18h ou 19h, 7 jours sur 7, dimanche compris et ce qui me fait peur, c'est qu'ils vont souper le soir, alors c'est jusqu'à 21h ou 22h."
Cette habitante dit avoir déjà interpellé la maire de Besançon "un jour qu'elle se trouvait dans la rue Battant et elle m'a dit qu'elle était au courant et m'a même dit : « vous pouvez déménager ». Je l'ai revue la semaine dernière, elle m'a regardée mais elle ne m'a rien dit." Dans cet enregistrement, le fils de cette femme assure que "comme par hasard, chaque fois qu'elle (la maire) vient en visite avec son aréopage de conseillers, la rue est libre, le ménage a été fait par la police municipale."
Une structure jugée indispensable mais dépassée
Les signataires soulignent que la BJA joue un rôle essentiel, mais qu’elle atteint ses limites. Ils pointent notamment sa fermeture en milieu d’après-midi, qui laisse, selon eux, "un temps mort où s’enracinent trafics et violences". Le manque de solutions d’accueil complémentaires est dénoncé, alors que "le Doubs est l’un des départements les plus sous-dotés de France en places d’hébergement d’urgence" (0,39 pour 1 000 habitants, contre 0,70 en moyenne nationale).
Pour les habitants, le problème n’est pas "l’existence de la BJA", mais "la disproportion entre ses capacités et l’explosion de sa fréquentation."
Quelles perspectives ?
Le communiqué relaye aussi des propositions, comme celle de développer des équipements au Fort Griffon. Mais il met en garde contre une sursaturation des structures sociales dans le même périmètre. Certains habitants suggèrent de réorienter la réflexion vers les besoins des enfants et des familles, en imaginant des équipements implantés "davantage autour des Bains-Douches, de l’école et du périscolaire."
En conclusion, les signataires affirment ne pas vouloir "cacher la misère", mais appellent la municipalité à "oser une pensée flexible et responsable". Selon eux, "affirmer que 'tout va bien' à Battant, ou que seuls quelques habitants se plaignent, c’est méconnaître la réalité vécue par ceux qui, quotidiennement, subissent les cris, la violence, l’angoisse et l’impuissance."