Les trois jours de procès ont retracé le parcours de Lucie C., parmi les premières rapatriées en avion militaire, le 5 juillet 2022, après plus de trois ans dans les camps d'Al-Hol et Roj du nord-est syrien. Deux de ses enfants, nés en France et parties civiles au procès, avaient été rapatriés avant elle début 2021.
Issue d'une famille non pratiquante, elle connaît une enfance sans difficultés matérielles mais marquée par une soumission à ce qu'elle décrit comme la terreur paternelle, qu'elle fuit sitôt majeure et son BEP de petite enfance en poche pour rejoindre un Franco-turc rencontré à 16 ans.
Quelques mois pour sombrer dans la radicalité
Puis c'est l'engrenage. Son cercle d'une dizaine d'amis de Haute-Saône, abreuvés de vidéos d'exactions, sombre en quelques mois dans la radicalité. Leur connaissance de l'islam reste néanmoins très limitée. Son frère Benjamin C, et son conjoint sont particulièrement "fanatisés", dit celle qui affirme aussi se soumettre pour expier un adultère.
La plupart sont comme elle des convertis et représenteront 23% de tous ceux partis dans la zone irako-syrienne, selon la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Quand elle quitte la France pour la Syrie en voiture en septembre 2014, "le califat" transfrontalier du groupe EI vient d'être auto-proclamé. Là-bas, elle dit se sentir "à sa place" et "bien vivre" dans de vastes appartements, bénéficiant du statut social de son conjoint. Ce dernier occupera des fonctions importantes dans l'appareil sécuritaire de Daech, de la prison de Raqqa à la police des meurs et l'Amni, la branche du groupe EI chargée notamment de la sécurité intérieure et du renseignement. Il surveillera en ligne la manière dont le groupe est présenté en France.
Prête à mourir "la tête haute"
"Les premières années, je suis endoctrinée, radicalisée, fortement", dit-elle dans le box, jean et cheveux mi-longs lâches. Quand Raqqa est encerclée en 2017, Lucie C. écrit à son père n'"être prisonnière de personne", prête à mourir "la tête haute". Elle est finalement expulsée de la ville dans une "bétaillère" et "survit" pendant des mois de débâcle, entre abris dans un écurie ou un trou creusé dans la terre, avant la reddition en février 2019.
La peine prononcée lundi, moindre que les 12 ans de réclusion criminelle requis par l'accusation, comprend une obligation de soins ainsi qu'un suivi socio-judiciaire de cinq ans avec obligation notamment de travailler.
(AFP)
