Le 11 janvier 2017, Sandra Simard, 36 ans, fait un arrêt cardiaque lors d’une opération du dos. Le Dr Péchier vient aider ses collègues à la réanimer, et préconise de lui administrer du gluconate de calcium, une solution inhabituelle dans de telles circonstances. Ne comprenant pas pourquoi sa patiente, jeune et en bonne santé, a été victime d’un arrêt cardiaque, la médecin qui l’avait anesthésiée fait saisir, à des fins d’analyse, les poches de soluté utilisées lors de l’opération. Certaines sont même récupérées dans les poubelles.
Dans une poche de réhydratation est découverte une concentration de potassium 100 fois supérieure à celle attendue. La direction de la clinique Saint-Vincent alerte alors le parquet de Besançon.
Le 20 janvier, alors que des enquêteurs de la police judiciaire se trouvent dans l’établissement, Jean-Claude Gandon, 70 ans, fait à son tour un arrêt cardiaque au cours d’une opération dont l’anesthésie était cette fois confiée au Dr Péchier. Les investigations révèlent une intoxication à la mépivacaïne, un anesthésique local. C’est la première et seule fois qu’un patient du Dr Péchier est victime d’un arrêt cardiaque suspect. Il survivra.
L’anesthésiste, qui avait signalé la présence de poches de paracétamol étrangement percées dans la salle d’opération, s’estime victime d’un acte malveillant. "Ca y est, je m’en suis pris un !" dit-il à un collègue.
Malveillance ou alibi ?
Mais les enquêteurs le soupçonnent au contraire d’avoir sciemment empoisonné son propre patient afin de se forger un alibi. Ces deux "événements indésirables graves" (EIG) seront les premiers évoqués lors du procès de Frédéric Péchier qui s’est ouvert lundi à Besançon et doit s’achever le 19 décembre.
"On attend ses arguments avant tout", a déclaré lundi à la presse Sandra Simard, qui a survécu à l’opération et est aujourd’hui coprésidente de l’association des victimes. Elle se félicite "que la justice ait mis les moyens pour ce procès"" hors-normes, qui doit durer jusqu’au 19 décembre et où Frédéric Péchier fait face à plus de 150 parties civiles.
Au total, l’ex-anesthésiste est accusé d’avoir provoqué un arrêt cardiaque chez 30 patients, âgés de quatre à 89 ans (dont 12 sont morts), en polluant volontairement des poches de solutés ou de paracétamol.
Dans cette affaire "sans équivalent dans les annales judiciaires françaises", il s’en serait pris à "des patients en bonne santé, pour nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit" et démontrer ensuite ses qualités de réanimateur, avait soutenu l’ancien procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux.
"Jamais empoisonné" personne
Devant la cour, Frédéric Péchier a réaffirmé lundi ce qu’il dit depuis le début, qu’il n’a "jamais empoisonné" personne. Après huit ans d’enquête, il comparaît libre mais risque gros : la réclusion criminelle à perpétuité.
Jadis décrit comme star des anesthésistes de Besançon, ce père de trois enfants a tout perdu : il a divorcé, ne travaille plus et vit désormais du RSA. "C’est quelqu’un qui est acculé depuis huit ans sans que réellement il lui ait été donné la parole pour s’exprimer", a déploré devant les journalistes Me Lee Takhedmit, un de ses avocats.
"Ce n’est pas à Frédéric Péchier de prouver son innocence, c’est au ministère public, à l’accusation, de prouver sa culpabilité", a insisté Me Randall Schwerdorffer, son autre défenseur.
Le procès doit durer jusqu’au 19 décembre. "Si dans trois mois et demi, il m’a convaincu, je serai le premier à demander son acquittement", confie Me Frédéric Berna, qui défend plusieurs parties civiles. "Mais pour l’instant, pour moi, sa culpabilité ne fait aucun doute."
(Source AFP)