Bénédicte Boussard, qui avait 41 ans lorsqu'elle a été victime d'un arrêt cardiaque médicalement inexpliqué en cours d'anesthésie, le 7 avril 2009 à la Polyclinique de Franche-Comté, a raconté à la cour ses séquelles, ses amnésies et son souhait de "connaître le coupable" et de "savoir la vérité".
Mais elle se fait peu d'illusions: Frédéric Péchier "n'avouera pas, je pense que c'est enfoui au plus profond de lui-même et que ça ne sortira jamais. Il est allé trop loin", a confié cette femme de 57 ans, qui dit être ressortie "marquée physiquement et moralement" par cette épreuve subie il y a 16 ans.
Une miraculée avec des pertes de mémoires
Venue à la clinique se faire opérer, elle se réveille après un coma, "intubée, en soins intensifs, entourée de machines, attachée au lit". "Mon subconscient me disait: +Bats-toi, tu as tes enfants, ton mari, ta famille+", se souvient la quinquagénaire. "Ce coma m'a enlevé mes souvenirs: je n'ai aucun souvenir de mon enfance, aucun souvenir de la naissance de mes enfants, aucun souvenirs de mon mariage", confie-t-elle en retenant ses larmes. "J'en ai seulement des flashes et des album photos...", poursuit-elle.
Comme tous les patients figurant sur la liste des victimes présumées, elle s'estime cependant heureuse de "faire partie de ceux qui sont encore là". "Vous êtes une miraculée", lui glisse son avocat, Christophe Bernard. "Je suis une rescapée de l'affaire Péchier", souligne désormais lors de ses rendez-vous médicaux, celle qui se dit convaincue que son arrêt cardiaque n'a pu être provoqué que par un empoisonnement.
Témoignage d'une fille de victime
Une autre patiente, Nicole Deblock, qui a fait un arrêt cardiaque quelques semaines après Mme Boussard, dans les mêmes circonstances et la même clinique, a elle aussi été victime d'"un empoisonnement, c'est certain", affirme à la barre sa fille Mathilde, elle-même médecin cancérologue.
Pour Mme Deblock - qui survivra à l'accident cardiaque, survenu à l'âge de 65 ans, mais décédera en 2015, d'une leucémie - il y a eu un avant et un après ce 22 juin 2009. Auparavant "forte et très dynamique", elle devient ensuite "plus éteinte, plus fragile", raconte sa fille.
Après l'accident cardiaque, des analyses permettront de découvrir des doses de potassium et d'adrénaline en quantités anormales dans une poche de perfusion utilisée pour son opération. "C'est effroyable, c'est machiavélique (...) quelqu'un nous l'a ravie", s'émeut la témoin.
"Quand on est anesthésiste (comme Frédéric Péchier), on ne peut pas ne pas reconnaitre que c'est un empoisonnement", assure la fille de la victime. Or, l'accusé n'a jamais reconnu ce point pendant l'enquête. "Est-ce que ce n'est pas en soi, un aveu de culpabilité ?", interroge Mathilde Deblock.
Frédéric Péchier, 53 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité devant la cour d'assises du Doubs, où il est jugé depuis le 8 septembre pour 30 empoisonnements de patients âgés de quatre à 89 ans, entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de Besançon. L'ancien médecin anesthésiste-réanimateur, qui comparaît libre, a toujours clamé son innocence. Le verdict est attendu le 19 décembre.
(AFP)
