En février 2016, Tedy Hoerter-Tarby, issu de la communauté des gens du voyage, avait fait un arrêt cardiaque à la clinique Saint-Vincent de Besançon, où il devait subir une opération des amygdales. L'enfant a survécu, mais avec des séquelles. "Seize kilos, 103 cm, 4 ans et deux mois". Ce "petit trésor" selon son avocat et celui de ses parents, Archibald Celeyron, est la plus jeune des 30 victimes d'empoisonnements, dont 12 mortels, imputés à l'anesthésiste Frédéric Péchier. Le médecin de 53 ans, qui comparaît depuis trois mois devant les assises du Doubs, est soupçonné d'avoir pollué des poches de produits utilisés lors d'anesthésies afin de nuire à des confrères.
"Rarissime, impossible en réalité", l'arrêt cardiaque de l'enfant, "porte la signature de Frédéric Péchier", a asséné Me Celeyron au troisième et dernier jour des plaidoiries des avocats des victimes et de leurs familles. Depuis, Tedy a grandi, il a 14 ans. Mais sa vie "a été confisquée par Frédéric Péchier", a accusé l'avocat, énumérant ses lenteurs d'apprentissage ou encore ses difficultés en sport. Il a par ailleurs insisté sur le décalage de condition sociale entre les familles des patients et celle des médecins, qui s'est révélé au grand jour au cours des débats.
"C'est une famille de Haut-Saônois, un peu ploucs, tu vois, à qui on raconte que ça peut arriver, et ça passe"
Il a cité des écoutes de la famille Péchier, où la star des anesthésistes, alors déjà mis en examen pour plusieurs empoisonnements, disait avec mépris au sujet de la famille d'un patient : "C'est une famille de Haut-Saônois, un peu ploucs, tu vois, à qui on raconte que ça peut arriver, et ça passe". "Eh bien! vous êtes mal tombé M. Péchier", a asséné Me Celeyron. Les proches de Tedy "ne sont pas des beubeus à qui on peut faire croire n'importe quoi. Aujourd'hui, c'est la revanche des ploucs et des beubeus, des connards, des débiles", a-t-il insisté, reprenant les termes injurieux qui fleurissent dans les écoutes téléphoniques de la famille Péchier.
Le conseil a exposé devant la cour comment le père de l'enfant, Hervé Tarby, qui n'a pas manqué "un seul jour" du procès, est désormais salué au palais de justice par les magistrats et les médecins. "L'ironie de l'histoire, c'est de voir Hervé respecté par cette communauté de notables grâce à ses valeurs. Ces mêmes notables qui vous ont renié, M. Péchier", a lancé Me Celeyron.
Frédéric Péchier, qui comparaît libre, clame son innocence. Il encourt la réclusion à perpétuité. Le verdict est attendu d'ici au 19 décembre.
(AFP)
