L'Assemblée approuve la ratification du Ceta, record de contestations chez LREM

Publié le 23/07/2019 - 18:08
Mis à jour le 23/07/2019 - 19:03

L’Assemblée nationale a approuvé mardi 23 juillet 2019  la ratification du controversé traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta), par 266 voix contre 213, et 74 abstentions, malgré un record de contestations au sein du groupe LREM.

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Négocié pendant plus de sept ans, le Ceta avait été approuvé par le Parlement européen en février 2017. Il doit être ratifié par les 38 assemblées nationales et régionales d’Europe, d’où son passage par l’Assemblée, puis au Sénat à une date qui reste à définir. Éric Alauzet a voté contre le traité. Le député du Doubs (LREM) Éric Alauzet a annoncé avoir voté contre le texte.

La majorité des députés LREM a voté pour, mais 52 "marcheurs" se sont abstenus et surtout 9 ont voté contre le texte. L'ensemble de la gauche s'est prononcée contre. LR et UDI-Indépendants se sont en majorité opposés au texte qui doit maintenant être soumis au Sénat à une date encore indéterminée.

Un texte n'avait jamais généré autant de contestations au sein de la majorité présidentielle. Le scrutin sur la proposition de loi "anticasseurs", début février, avait donné lieu certes à cinquante abstentions mais aucun élu LREM n'avait voté contre.

Le député du Doubs Éric Alauzet (LREM) a voté contre le Ceta estimant qu'il ne permettait "pas de répondre aux enjeux actuels, au premier rang desquels le climat et la biodiversité".

Du côté du MoDem, partenaire d'En Marche, 32 députés ont validé la ratification du Ceta mais 6 se sont abstenus et 2 ont voté contre.

Entré en vigueur pour partie et de manière provisoire il y a bientôt deux ans, l'"Accord économique et commercial global" (AECG) - en anglais Ceta - supprime notamment les droits de douanes sur 98 % des produits échangés entre les deux zones. Il est vivement critiqué par les agriculteurs et les ONG. Son examen au Palais Bourbon mercredi dernier avait donné lieu à environ 10 heures de vifs échanges, jusque tard dans la nuit.

Hasard du calendrier, ce vote s'est déroulé lors d'une journée chargée au Palais-Bourbon, marquée aussi par la visite de la figure suédoise de la lutte contre le changement climatique Greta Thunberg.

Mardi matin en réunion de groupe LREM, le Premier ministre Edouard Philippe avait tenté de lever les doutes, mettant en garde contre les "conséquences non nulles" d'un vote qui ne serait pas aligné, selon un participant.

Lundi, l'ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a appelé, dans une lettre ouverte, les parlementaires à avoir "le courage de dire non" à ce traité, qui risque à ses yeux d'ouvrir la porte à des substances dangereuses par un abaissement des normes sanitaires.

Une ratification irait "dans le bon sens", lui a répondu Emmanuel Macron, tout en réaffirmant la nécessité de s'assurer que le texte soit "bien mis en oeuvre". Le chef de l'Etat a souligné que l'ex-ministre s'était lui-même "battu pour (l') améliorer".

Ceta : le point sur les principales interrogations

Farines animales

Selon la Fondation Nicolas Hulot, "le Canada pourra exporter de la viande nourrie aux farines animales" dans le cadre de cet accord.

Interrogée par l'AFP, la Commission européenne rappelle que "l'utilisation de toute protéine animale de ruminants est strictement interdite" dans l'UE "pour l'alimentation des ruminants".

En revanche, au niveau international, ce sont les règles de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) qui prévalent, ce qui signifie que les bovins peuvent "effectivement être nourris, au Canada, avec des +sous-produits animaux+".

"Mais ces produits n'ont strictement rien à voir avec les +farines animales+" qui ont entraîné la maladie de la vache folle, précise Bruxelles, "c'est pour cela que l'OIE ne les interdit pas".

Antibiotiques

La Fondation Nicolas Hulot affirme également que le Canada pourra exporter dans l'UE du bœuf "dopé aux antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance".

La Commission répond que "l'utilisation d'antibiotiques sans ordonnance", pour accélérer la croissance des bœufs, "n'est pas autorisée par la législation de l'UE et les mêmes normes s'appliquent aux exportations du Canada vers l'UE".

"Une ordonnance est requise" si un antibiotique doit être utilisé chez un animal destiné à l'alimentation, insiste Bruxelles. Et un règlement sur les médicaments vétérinaires doit "renforcer encore cette approche" à partir de 2022.

Perturbateur endocrinien

Dans une tribune publiée lundi, Nicolas Hulot affirme que l'UE "se prépare à relever les limites maximales de résidus (LMR) pour le 2,4-D, un herbicide entrant dans la composition de l'agent orange, considéré en France comme perturbateur endocrinien".

"Faux", répond une source européenne, selon laquelle l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) recommande de maintenir le seuil actuel pour cette substance.

Cette même source souligne que le 2,4-D est approuvé dans l'UE jusqu'en 2030 et que des autorisations de produits le contenant ont été accordées dans tous les Etats membres, y compris en France pour près de 30 produits.

"Les limites maximales de résidus de pesticides sont fixées par la législation communautaire", rappelle pour sa part la Commission. "Elles ne sont pas négociables et, par conséquent, ne sont pas assouplies en vertu des accords commerciaux."

Néonicotinoïde

La Commission européenne a tenté de multiplier la teneur maximale en résidus de "clothianidine, un pesticide néonicotinoïde interdit en Europe, utilisé au Canada sur les pommes de terre", mais le Parlement européen s'y est opposé ( AFP / PHILIPPE HUGUEN )

La Commission européenne a tenté de multiplier la teneur maximale en résidus de "clothianidine, un pesticide néonicotinoïde interdit en Europe, utilisé au Canada sur les pommes de terre", mais le Parlement européen s'y est opposé ( AFP / PHILIPPE HUGUEN )

Nicolas Hulot a en revanche raison quand il affirme que la Commission a tenté de multiplier la teneur maximale en résidus de "clothianidine, un pesticide néonicotinoïde interdit en Europe, utilisé au Canada sur les pommes de terre".

Selon la source européenne, la proposition de la Commission faisait suite à une "demande de tolérance" du Canada, "fondée sur des données scientifiques prouvant son innocuité pour la santé publique". Mais le Parlement européen s'est de toute façon opposé à cette demande.

Quotas

La Fédération nationale bovine (FNB) en France s'inquiète que la Commission et le Canada puissent "augmenter le volume du contingent de viandes bovines canadiennes importées... sans aucune consultation du Parlement français".

Le cas échéant, une telle demande devrait passer par le Comité mixte du Ceta, présidé par la commissaire européenne au Commerce et le ministre canadien du Commerce, explique une source à la Commission. Mais "toute action de la Commission nécessite une autorisation du Conseil", c'est-à-dire des Etats membres, ajoute cette même source.

A charge pour chaque État membre "d'informer, de consulter, ou d'impliquer" son parlement, conformément à ses règles nationales.

Mais il n'y a de toute façon "ni demande, ni discussion, ni intention de réviser les contingents tarifaires" du Ceta, ajoute cette source.

Véto climatique

Pour faciliter la ratification du texte, le gouvernement français met en avant l'existence d'un "véto climatique", une disposition qui doit permettre à l'UE et au Canada de bénéficier d'une marge de manœuvre lorsqu'une entreprise privée contestera, au nom de l'accord, une norme environnementale de l'un des deux blocs.

Selon la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, une "discussion" a bien eu lieu sur le sujet avec les autorités canadiennes et "il n'y a pas de différence politique" entre les deux parties sur ce véto climatique.

"Il faut juste trouver une manière légalement adaptable", a-t-elle expliqué lors d'un entretien avec l'AFP, sans donner la moindre précision.

"Ce sera comme une annexe qui aura la même valeur que l'accord. Pour les détails, il faudra voir après le vote" français, a-t-elle dit.

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