Portraits de Gaza - Le quotidien de Rawan, Ayman, Amro et Mohamed sous les bombes

Publié le 02/08/2025 - 07:30
Mis à jour le 02/08/2025 - 08:21

Le jeudi 24 juillet 2025, Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtrait l’État de Palestine lors de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies. Cette déclaration vise à souligner l’urgence de mettre fin à la guerre et d’apporter une aide humanitaire à la population civile. Dans ce contexte, nous avons pu recueillir les témoignages de quatre Palestiniens vivant dans la bande de Gaza, en visio-conférence de Besançon jeudi 31 juillet et vendredi 1er août 2025.

Ce vendredi 1er août 2025, le président de la République, accompagné du ministre des Affaires étrangères, a déclaré que la France avait effectué ses premières livraisons de vivres par voie aérienne dans la bande de Gaza. Les autorités françaises exhortent Israël à rouvrir les points d’accès terrestres afin de faciliter l’acheminement de biens essentiels et de lutter contre l’aggravation de la malnutrition dans cette enclave palestinienne.

Avec l'aide de l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS) de Besançon et à Mahmoud, activiste palestinien à Besançon, nous avons pu échanger avec Rawan, Ayman, Amro et Mohamed sur leur quotidien, leurs ressentis et leurs espoirs pour l’avenir. Des pays tels que la France, l’Angleterre et le Canada ont exprimé ces derniers jours leur intention de reconnaître l’État de Palestine, une initiative que certains considèrent comme “le seul espoir” en vue d’une potentielle résolution.

Les entretiens ont été réalisés dans des conditions difficiles, en raison de la rareté et de l’instabilité de la connexion Internet à Gaza, rendant les appels souvent entrecoupés sur plusieurs heures. Nous avons eu la chance de bénéficier d’un interprète pour traduire de l’arabe au français deux des entretiens, tandis que les autres se sont déroulés en anglais et en français.

Ayman : "J’ai besoin de nourriture, d’eau, de vêtements, de couches, de lait pour bébé, de pain pour mes enfants"

Ayman, 38 ans, a vu sa vie basculer depuis le début de la guerre. Lui et sa famille ont été déplacés neuf fois et résident actuellement dans une tente "sous le soleil brûlant", au milieu d’un camp de réfugiés à Gaza. Ayman vit avec sa femme et leurs cinq enfants, âgés de 11, 8, 6, 4 ans et 6 mois, le dernier dont l’état de santé "nécessite des soins intensifs". La situation est désespérée : "J’ai besoin de nourriture, d’eau, de vêtements, de couches, de lait pour bébé, de pain pour mes enfants…", déclare-t-il, exprimant la gravité de leur manque de ressources.

Ayman en tenue d'infirmier, sa profession. © Ayman

Depuis le début du conflit, Ayman travaille comme infirmier volontaire dans les équipes d’urgence à Gaza. Il souligne : "Il y a de l’entraide ici, dans la communauté, sur le camp." Pourtant, il pense à ses enfants et considère que partir est la seule solution. "Ici, il n’y a plus rien, plus de vie, plus d’école, plus de nourriture, plus de mosquées", confie-t-il, en espérant que les points de passage s’ouvriront pour fuir "dans n’importe quel pays qui respecte l’humanité et où l’on vit dans la dignité".

Amro : "Les médecins font des opérations d’amputation des membres sans anesthésie"

À Deir el-Balah, Amro, 38 ans, vit dans un appartement qui a échappé aux attaques. Sa femme a subi une fausse couche pendant un bombardement près de chez eux, et le couple espère toujours avoir un enfant. Dans leur appartement de 160 m², 21 personnes cohabitent. Amro se considère chanceux d’avoir un puits, qu’il utilise pour fournir de l’eau aux maisons voisines : "C’est comme ça qu’on continue tous ensemble."

Il raconte que sa famille ne mange qu’une fois par jour et qu’ils sont "chanceux d’avoir ce repas quotidien". Amro évoque les distributions de nourriture organisées par la Gaza Humanitarian Foundation, où il devait souvent faire la queue des heures durant. "Je devais m’y rendre à 7h du soir et attendre l’ouverture du point d’aide à 4h du matin, puisque les sacs de nourriture sont dix fois moins nombreux que le nombre de Palestiniens venus chercher à manger."

Un jour, alors qu’il faisait la queue avec son frère, la situation a tourné au drame. "D’un coup, les deux à côté de nous ont arrêté de parler", raconte-t-il. "Y’en a un qui a eu la balle dans l’œil, et puis il était mort, et l’autre c’était dans la tête." Amro se remémore une autre distribution où il a vu un groupe de huit personnes blessées, mais toujours en vie, être "enterré vifs", par un bulldozer D9 de l’armée israélienne. Cet événement l’a poussé à ne plus se rendre aux points d’aide.

Il évoque également la récente décision d’Emmanuel Macron de reconnaître l’État de Palestine, qu’il considère comme "le seul espoir" dans son quotidien. "J’espère que ces décisions feront bouger les choses, pour faire pression sur Israël et faire passer les aides alimentaires." Amro dénonce la détresse qu’il ressent, affirmant : "On est en train de crever de faim."

En plus de la famine, il souligne le manque de ressources médicales : "Les médecins font des opérations d’amputation des membres sans anesthésie. (...) Le produit pour les hémodialyses est interdit, ça ne rentre plus à Gaza. (...) Les malades de cancer ne reçoivent plus leurs soins et sont empêchés de partir."

Ancien propriétaire d’un magasin de mobilier, Amro a perdu tout espoir de reconstruire sa vie à Gaza et envisage de partir pour "se sauver de ce génocide". "Ce n’est pas que je déteste Gaza, c’est un coin qu’on adore, mais il n’y a pas d’autre solution."

Mohamed : "Netanyahou ne veut pas que la vérité sorte de Gaza"

Mohamed, 25 ans, était étudiant lorsque la guerre a commencé, à quelques heures de valider son diplôme. Après avoir obtenu son bac, il a poursuivi des études d’ingénierie mécanique grâce à l’UNRWA, puis s’est orienté vers une formation en droit international. Il vit actuellement dans un appartement avec sa famille, leur maison ayant été rasée par des bulldozers, tout comme le terrain cultivé par son père et le puits de leur propriété.

Mohamed s’informe activement sur l’actualité internationale et formule une hypothèse quant à la reconnaissance par plusieurs pays de l’État de Palestine : "La France et l’Angleterre faisaient partie du système de colonisation et ont facilité l’installation d’Israël. Pour moi, c’est une manière pour eux de revenir en arrière." Il espère que cette reconnaissance pourra mener à la poursuite de l’État israélien devant les tribunaux internationaux.

Il dénonce également le manque de couverture médiatique dans la bande de Gaza, dû à l’interdiction par Israël des journalistes internationaux dans la zone de guerre : "Parce que les journalistes pourraient mettre Netanyahou en difficulté devant le monde… il ne veut pas que la vérité sorte de Gaza."

En parlant de l’avenir, il se sent "tenu par le désespoir en tant que Palestinien". Bien qu’il ne soit pas croyant, il affirme avoir une mission ici, à Gaza : "Je dois rester actif et jouer mon rôle dans ce qui se passe. Je suis fier d’être arabe et d’être Palestinien."

Ces derniers mois, Mohamed a lancé un projet de soutien psychologique aux familles déplacées dans son quartier de Deir el-Balah, une ville détruite mais encore non occupée. Il participe également à des actions humanitaires, comme le jour même de notre entretien, où il participe à la distribution de 50 repas pour les jeunes dans un camp déplacé par l’armée israélienne.

Rawan : "La guerre m’a volé mes rêves et ma jeunesse"

Rawan, 30 ans, vit à Gaza avec sept autres familles dans un appartement. "On essaie ensemble de survivre avec dignité au milieu de cette douleur", dit-elle. Ancienne coordinatrice de projet dans un centre culturel, enseignante et journaliste amateur, elle a dû cesser de travailler lorsque sa zone a été classée comme dangereuse.

Déplacée plusieurs fois, Rawan dénonce le manque de nourriture. Pendant un siège à Gaza, sa famille a été confinée pendant 21 jours sans pouvoir manger : "Nous ne pouvions rien acheter, nous pouvions juste boire de l’eau salée pour survivre… nos proches pensaient que nous étions morts." Aujourd’hui, ce traumatisme la hante : "Chaque fois que les bombes tombaient autour de nous, que des éclats entraient dans la maison, c’était une peur constante, un cauchemar réel."

Elle évoque aussi ses trois neveux, âgés de 8, 6 et 3 ans, dont le dernier devait recevoir un implant cochléaire avant la guerre : "Ils ont détruit son rêve et le nôtre, d’entendre un jour sa voix. Aujourd’hui, il vit dans le silence, imposé par la violence et l’injustice."

Avant le conflit, Rawan avait des ambitions : "Je voulais finir mon master, être brillante dans mon travail. Mais la guerre a tout pris, et aujourd’hui je rêve seulement d’une vie tranquille, en paix, en sécurité. Mes rêves ont changé." Elle aspire à obtenir un master à l’étranger et reconstruire sa vie, tout en continuant à porter la voix de son peuple : "La guerre m’a volé mes rêves et ma jeunesse."

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