"On a voulu les faire taire, il est de notre devoir de parler à leur place", explique Viviane Theiller. La mère d’Ariane nous a accordé, avec une grande douceur et beaucoup de bienveillance, une interview à quelques jours des commémorations du 13 novembre et du dixième anniversaire des attentats des terrasses et du Bataclan.
L’importance de continuer à vivre
Plus que les cérémonies où il faut parfois attendre les officiels dans le froid, Viviane souhaite avant tout que ce soit la vie qui soit célébrée même si elle pense que le devoir de mémoire est indispensable, elle le qualifie de "trop", car "pas dosé" : "Pendant 10 ans, il y a eu la cérémonie devant les sites. Une cérémonie expédiée de plus en plus vite, les années passant".
La maman d’Ariane explique aussi qu’il faut voir les choses dans la globalité. "Le 11 mars, une cérémonie annuelle est organisée pour les victimes du terrorisme. Cette date n’évoque rien de viscérale pour ceux qui ont perdu quelqu’un en dehors de ce jour. C’est une attitude intellectuelle. Le 13 novembre n’a pas le même impact que le 14 juillet 2016 pour les gens de Nice", tient-elle à préciser.
C’est pourquoi, la soirée organisée à la Rodia est importante pour Viviane. "Il y aura un très bref rappel des faits, mais l’idée n’est pas de plomber l’esprit (…) Les jeunes doivent continuer à aller voir des concerts, à s’asseoir en terrasse, rire avec des amis", affirme-t-elle avec force, qui rappelle la disparition de deux autres personnes en Bourgogne-Franche-Comté : Cédric Gomet de Foucherans et Yannick Minvielle, originaire d’Épervans.
Et d’ajouter : "On parle des morts, mais il ne faut pas oublier les blessés. Ceux qui doivent prouver qu’ils étaient en terrasse ou ailleurs pour être indemnisés alors qu’ils ont été gravement blessés. Ils ont été meurtris dans leur chair et dans leur esprit".
Plus qu’un message, c’est un art de vivre que Viviane veut véhiculer à travers sa prise de parole
Comme les autres familles qui ont perdu un être cher, Viviane a vécu des moments d’angoisse innommables dans l’attente des nouvelles de sa fille cette fameuse nuit du 13 novembre. Si son fils, également présent à Paris avait pu lui dire qu’il ne courrait aucun danger et était en sécurité, il a rapidement été question d’Ariane. Ce n’est que le lendemain après-midi que la famille a appris que la jeune femme de 24 ans faisait partie des victimes décédées lors de l’attaque du Bataclan. "Une chose a secoué les secours, en plus des blessures des victimes, se sont les téléphones qui sonnaient sans cesse alors que les victimes étaient à terre. C’était nous", souffle Viviane qui rappelle qu’il ne "faut pas oublier les blessés qui sont meurtris dans leur chair et dans leur esprit".
De sa fille, Viviane en fait un exemple, une référence, un modèle : "Normalement, ce sont les parents qui doivent être un modèle, là, c’est elle mon modèle", souligne Viviane qui poursuit : "Elle était lumineuse, avec la joie et l’appétit de vivre, elle avait les qualités de cœur. Elle faisait de la clarinette, avait appris le russe, l’arabe, peignait, dessinait et avait cet intérêt pour les bandes dessinées. Son mémoire de Master portait sur les comics américains".
Plus qu’un message, c’est un art de vivre que Viviane veut véhiculer à travers sa prise de parole dans les médias. "Il est important de se donner la mission de continuer d’aller aux concerts, d’aller dans les bars, s’asseoir pour vivre. Si on ne le fait pas, les terroristes auront gagné. Il est vital que les jeunes continuent à vivre".
