La commission d’enquête, composée de trois membres et présidée par Cécile Mataillet, a jugé la procédure régulière, le dossier complet et les modalités de participation satisfaisantes. Elle a rendu un avis "favorable", sans réserve, mais avec cinq recommandations, dont l’une demandant d’envisager une étude sur les impacts économiques du RLPi sur les sociétés d’affichage, les commerces et les entreprises sous-traitantes.
Dans sa réponse, Grand Besançon Métropole estime que ce point ”renvoie à des modalités d’évaluation à prévoir dans la mise en œuvre”, une formulation jugée tardive par les professionnels, qui y voient un manque d’anticipation : ”donc, une fois le projet arrêté, quel intérêt !”, commentent-ils dans leurs observations.
Un cadre plus restrictif que la réglementation nationale
Le rapport souligne que le futur RLPi est plus restrictif que le règlement national, notamment sur :
- la publicité numérique : interdite en zones 1 à 4, autorisée uniquement en zone 5 ;
- les surfaces : limitation à 4,70 m² sur les axes structurants (ZP4) contre 10,5 m² aujourd’hui à Besançon ;
- l’extinction lumineuse : de 22 h à 7 h, plus stricte que la règle nationale (1 h – 6 h).
La commission note également que si certaines demandes d’acteurs économiques ont été intégrées, les ajustements restent limités, principalement la conservation de la hauteur maximale des panneaux muraux (7,5 m) et la réduction de la distance de visibilité de 20 m à 10 m.
Une inquiétude forte du secteur : 31 emplois menacés et des frais jusqu'à fermeture
Pour Médiavenue, Mediatik Led et AFCM, les conséquences économiques seraient lourdes. Jean-Pierre Lejong, co-gérant de Médiavenue, affirme que ”le rapport de la commission est objectif, il fait part de nos inquiétudes”. Selon lui, l’application du RLPi entraînerait une contraction drastique de l’activité : ”31 emplois seront supprimés de l’affichage publicitaire, de la profession à Besançon”.
Il dénonce particulièrement le maintien en zone 4 (axes structurants) de la surface maximale de 4,4 m² et l’interdiction des publicités numériques, un point jugé critique : ”c’est par rapport à cette zone-là que découle la mise de la clé sous la porte des sociétés”.
Le règlement imposerait le retrait des panneaux numériques déjà installés : sept dispositifs sont aujourd’hui encore autorisés à Besançon. Pour Jean-Pierre Lejong, l’impact financier est considérable : ”on devra les démonter pour janvier 2028. (…) Il faut dissocier, trier tous les composants, une étape qui coûte 7 à 8000 € par panneau, tout ça pour mettre la clé sous la porte à la fin ”…) Nous n’aurons pas les moyens de payer cette prestation… et nous n’aurons plus de recette, donc on ferme.”
Une dédensification déjà massive selon les afficheurs
Les entreprises rappellent que la ville de Besançon a déjà largement réduit l’affichage suite au RLP communal adopté en 2022. Sur les 220 panneaux recensés par GBM à Besançon en 2023, aujourd’hui il en reste 49 légaux (14 boulevard Kennedy, 11 boulevard Blum, 7 boulevard Churchill, 5 dans la ZA Trépillot, 4 rue de Vesoul, 3 rue de Dole, 2 rue de Belfort, 2 rue de Charigney, 1 avenue Léo Lagrange).
Elles affirment avoir transmis à GBM ”50 fiches de tous les quartiers de Besançon” démontrant leurs efforts de mise en conformité, estimant que leur contribution n’a pas été prise en compte.
Un désaccord profond sur les objectifs du règlement
Les afficheurs dénoncent ce qu’ils interprètent comme une orientation idéologique. ”On considère que c’est une interdiction déguisée”, avance Jean-Pierre Lejong. Il va plus loin : ”Je vais être cru, mais c’est pour se satisfaire d’un égo parce qu’on est écologiste et qu’on ne veut plus de panneau sur la ville.”
Toutefois, il nous confie ne pas être animé par la colère, ”c’est de l’incompréhension. (…) On souhaitait un consensus. On a été entendus mais pas écoutés.”
Un vote attendu le 11 décembre : un texte “qui sera adopté”
Pour les entreprises, l’issue du vote ne fait plus de doute. ”Le 11 décembre, GBM va voter sur l’approbation ou non du RLPi, qui sera adopté, il ne faut pas qu’on se le cache”, assure Jean-Pierre Lejong.
La mise en application sera immédiate pour les nouvelles implantations. Les dispositifs existants bénéficieront d’un délai de deux ans.
Vers un probable recours
Médiavenue et AFCM ont adressé un courrier aux élus et se donnent le droit de faire un recours, indiquent-elles.
Deux points sont en ligne de mire :
- le maintien des 10,5 m² en zone 4,
- le maintien des dispositifs lumineux de 8 m².
”On a deux mois pour faire un recours sur deux articles devant le tribunal administratif”, affirme Médiavenue, tout en espérant encore un infléchissement politique.
Les communes majoritairement favorables ?
Sur les 68 communes de GBM, seules 9 ont donné un avis explicite, toutes favorables.
Les 57 autres sont réputées favorables faute de réponse. Cette adhésion formelle surprend les afficheurs, qui y voient une validation automatique plus qu’un soutien : ”Je considère qu’elles ne se sont pas prononcées”, estime Jean-Pierre Lejong.
Un secteur local fragilisé et un sentiment d’épuisement
Les dirigeants expliquent avoir consacré des mois au dossier : ”Je bosse là-dessus depuis 6 mois, alors que ma fonction c’est le développement de ma société, pas ça. Je suis au bout”, nous confie Jean-Pierre Lejong. La perspective est sombre pour Médiavenue : ”Ce n’est pas du chantage, c’est une réalité. Dans deux ans, on arrête Besançon.”
Un débat qui reste ouvert
Entre volonté affichée de sobriété visuelle, protection du cadre de vie et crainte d’un effondrement du tissu économique local, le futur RLPi continue de susciter des positions irréconciliables. La commission d’enquête, tout en donnant un avis favorable, a appelé à la prudence :
- meilleure cohérence avec le futur PLUi,
- vigilance sur la mesure de la luminance,
- adaptation progressive des mises en conformité,
- et surtout étude d’impact économique, encore absente.
Un courrier d’alerte adressé aux élus : “préserver l’équilibre local et l’économie de proximité”
En amont du vote du 11 décembre, les afficheurs locaux ont adressé un courrier aux 200 élus de Grand Besançon Métropole, intitulé “Projet de RLPi – Préservons ensemble l’équilibre local et l’économie de proximité” rappelant et réunissant toutes les inquiétudes et propositions. Ils y affirment alerter depuis plusieurs mois sur “les conséquences du futur Règlement Local de Publicité intercommunal (RLPi)” et regrettent qu’“aucune de nos recommandations ou propositions d’aménagement n’a été entendue”.
Selon eux, “le projet de RLPI ne règlemente pas, il interdit”, et “aboutit dans de nombreux secteurs à une interdiction quasi totale de la publicité sur le domaine privé”. Les entreprises demandent ainsi “la réintégration du RLP de Besançon applicable depuis 2022”, estimant avoir déjà consenti de lourds investissements pour s’y conformer.
Le courrier détaille un impact économique majeur, évaluant une baisse des loyers versés aux propriétaires de “plus de 2 200 000 € par an avant RLP” à “moins de 300 000 € après RLPi”. Le nombre de panneaux sur le domaine privé passerait, selon leurs calculs, de 280 avant RLP (…) à moins de 30 sur Besançon et une dizaine sur le reste du territoire après RLPi, soit une diminution de 85 %. Ils évoquent également “plus de 250 000 € de perte de TLPE pour la Métropole” et la “suppression de plusieurs dizaines d’emplois directs et indirects”, avec la “disparition complète de 3 sociétés locales”.
Les afficheurs soulignent en outre les risques pour la communication culturelle, touristique, éducative et économique, citant l’audit de la société AFCM : “Quasi-disparition de la publicité extérieure privée : 8 supports restants sur Besançon”. Cela représenterait, selon leurs données, “4 250 publicités par an pour la culture et le tourisme” et “1 235 pour les établissements d’enseignement”, cumulant plus de “180 millions de vues annuelles”.
Le courrier dénonce également une “inégalité de traitement manifeste”, estimant que “le mobilier urbain métropolitain conserverait l’autorisation d’afficher partout sur le territoire, y compris en secteur résidentiel et en secteur protégé”, créant selon eux une forme de quasi-monopole.
Trois propositions d’aménagement sont formulées :
- autoriser à nouveau le format 10,5 m² en ZP4 dans l’unité urbaine ;
- étendre le recul d’implantation des panneaux “de 10 à 20 mètres” ;
- créer une “ZP4 dans chaque commune” pour refléter la réalité des axes routiers structurants.
Les signataires concluent en avertissant que “la version actuelle du RLPi risquerait de marginaliser, voire de supprimer, un outil essentiel de communication”, rappelant que d’autres RLPi ont partiellement été annulés par la justice, notamment à Rennes, Mulhouse et Lyon. En l’absence de nouvelles discussions, ils annoncent qu’“AFCM, avec l’appui du SNPE et d’autres sociétés locales dont Mediavenue, lancera un recours auprès du tribunal administratif”, tout en affirmant privilégier “un dialogue constructif à une procédure devant les tribunaux”.
Aurélien Laroppe : "On restera dans tous les cas, Ville de Besançon et GBM, les clients principaux"
Lors de la conférence de presse mensuelle à la veille du conseil communautaire ce mercredi 10 décembre, Aurélien Laroppe, vice-président de GBM, en charge notamment du PLUI, de l'urbanisme opérationnel, et du Règlement local de publicité fait le point sur le RLPI et répond :
Le conseil communautaire devra trancher le 11 décembre 2025.
