Après être revenu jeudi sur 16 des 30 cas d’empoisonnement retenus dans cette affaire, le ministère public a poursuivi son réquisitoire concernant cette fois les 14 cas restants. Parmi les cas abordés ce vendredi, Christine de Curraize a ouvert son réquisitoire en évoquant les trois derniers cas du docteur Colette Arbez, "l’une des nombreuses victimes collatérales du Docteur Péchier" qui a été "à sept reprises la cible du docteur Péchier" et qui représente à elle seule "un quart des cas de cette affaire".
L’avocate générale est revenue sommairement sur le déroulé des empoisonnements de Monique croissant (2013), Anne Marie Gaugey (décès en 2013) et Jean Benoit (décès en 2014) afin de démontrer que "la malchance et le hasard n’ont pas leur place ici", que ces événements indésirables graves (EIG) ne sont explicables "que par la malveillance" et qu’ils ont en réalité un but "celui d’éliminer le docteur Arbez". Les patients n’étant alors "qu’un moyen de l’atteindre" puisque Frédéric Péchier "voulait la voir partir, estimant qu’elle n’avait plus sa place au sein de la clinique".
Un patient "qui fait les frais" d'un règlement de compte
Le but de l’accusé étant de "mettre le docteur Arbez à l’écart en ophtalmologie qui sera l’antichambre de la retraite du docteur Arbez". Les cas de Monique Croissant et Anne-Marie Gaugey auront précipité sa chute. La première survivra à une intoxication au potassium après 45 minutes de réanimation et grâce à l’acharnement du Docteur Arbez, la deuxième succombera d’une intoxication à la mépivacaïne, un anesthésique local, "pas utilisé par les chirurgiens" mais bien "dans le cadre d’une anesthésie".
Mais pour Christine de Curraize, il ne s’agit là que d’une "première étape de franchie" pour Frédéric Péchier qui souhaite lui faire "définitivement quitter la clinique"et c’est "Jean Benoît qui va en faire les frais" en "tombant dans les griffes de Frédéric Péchier". "Avec tout ce qu’on sait qu’il va se passer après : permettez-moi de vous le dire. Ça fait froid dans le dos !", a déclaré l’avocate générale.
Une mise à mort les yeux dans les yeux
L’empoisonnement de Jean Benoît ayant conduit à son décès est "un cas crucifiant pour monsieur Péchier, presque au même titre que monsieur Gandon" a poursuivi Christine de Curraize en détaillant le mode opératoire "machiavélique" d’un Frédéric Péchier "à l’affût" car "présent en salle de réveil". L’état de ce dernier s’aggravera "comme par hasard" en salle de réveil et succombera finalement à un second arrêt cardiaque alors que "Frédéric Péchier est à son chevet" .
Pour l’avocate générale il s’agit cette fois "d’une mise à mort les yeux dans les yeux" qu’elle met en parallèle de la tentative de suicide de Frédéric Péchier qui intervient quatre jours après l’empoisonnement de monsieur Benoît. "J’y vois un lien avec le mode opératoire" a poursuivi Christine de Curraize, cet empoisonnement réalisé "non pas par le biais d’une poche mais directement à la seringue sur un patient conscient", "psychologiquement c’est quand même autre chose à digérer". Du décès de monsieur Benoît, elle a rappelé que Frédéric Péchier avait déclaré que "ce n’est pas très grave de mourir à cet âge-là", une phrase lourde de sens selon elle "qui êtes-vous donc Fréderic Péchier pour vous ériger en maitre des horloges du temps ?", a-t-elle lancé en direction de l’accusé.
Un procédé "hautement pervers"
Thérèse Brunisso a ensuite abordé le cas d’Armand Dos Santos (2014), le "17e crime du docteur Péchier" et un "pur copier-coller du cas Simard" comprenant "les mêmes effets mais pas la même issue". Deux empoisonnements qui "au vu des similitudes du mode opératoire ne peuvent être que celui d’un même auteur, celui de Frédéric Péchier". Elle a évoqué le contenu téléphonique de l’accusé qui, après le cas Simard, avait "insisté auprès de ses proches sur l’impossibilité de survie après un tel taux de potassium", il était alors pour lui "impossible que Sandra Simard ait survécu en ayant reçu une telle dose. Pourquoi ? Eh bien parce que trois ans plus tôt, Armand Dos Santos est mort, lui".
Les avocates générales ont tour à tour abordé le reste des 30 cas d’empoisonnements retenus à l’encontre de Frédéric Péchier, en tentant de démontrer aux jurés que l’accusé "n’empoisonne pas pour réanimer mais empoisonne pour tuer". Un procédé "puissant et hautement pervers" qui a mené Thérèse Brunisso et Christine de Curraize à requérir, pour chacun des cas abordés ce vendredi, une condamnation de culpabilité à l’adresse de Fréderic Péchier.
La suspension d'audience du midi a eu lieu juste après que Thérèse Brunisso, émue aux larmes, ait évoqué "le 12e mort et la 30e victime de cette liste d'horreur".
Fréderic Péchier, spectateur impassible
Pendant tout ce temps, l’accusé est resté ce même spectateur impassible jambe croisé, main appuyée sur le menton à écouter le réquisitoire implacable des deux représentantes du ministère public.
Lundi, la parole sera cette fois donnée à la défense avec la plaidoirie de l’avocat de Frédéric Péchier, maître Schwerdorffer, elle aussi très attendue.


