Didier, l’homme aux plus de 4.500 concerts…

Publié le 25/05/2023 - 07:01
Mis à jour le 26/05/2023 - 16:52

PEOPLE • Sa silhouette est bien connue des cafés-concerts et autres salles de spectacles à Besançon et en Franche-Comté. On pourrait dire qu’à 77 ans, Didier Judéaux ne compte plus les concerts qu’il a vu dans sa vie… eh bien si. Passionné de musique depuis son plus jeune âge, il compte chaque artiste qu’il voit, classe tous ses concerts dans des tableaux statistiques, calcule son budget, etc. Fin 2023, il prévoit d’atteindre les 4.729 concerts depuis l’année 1998. Rencontre.

Didier Judéaux est né en 1946 à Renne, ”je suis un enfant du baby boom !”, s’amuse-t-il à dire. Après des études dans sa ville natale en mathématiques, il fait ses premières expériences chez Citroën à Rennes puis à Metz pour l’ouverture d’une nouvelle usine de la marque automobile pendant 9 ans. Il part ensuite en Normandie pour travailler à la SAMM - Société d'applications des machines motrices - ,  spécialisée dans l’armement et le spatial pendant 10 ans dont 5 années consacrées à la fusée Ariane. Cette dernière lui vaut une montée en grade puisqu’il devient responsable qualité des fournisseurs, ce qui le fera voyager à travers toute l’Europe. 

Comme à son habitude, Didier n’a pas besoin de faire des démarches pour trouver du travail… ce sont les employeurs qui viennent à lui. ”On est ensuite venu me chercher pour travailler à ITW qui avait des usines dans le monde entier, j’ai donc travaillé pendant 20 ans à l’usine-mère en France dans la transformation plastique de petites pièces qu’on trouve partout”, nous raconte-t-il. L’enseigne ITW devient Vevex et c’est en 1999 qu’il emménage à Ornans. Ce sera sa dernière expérience avant de prendre sa retraite à 61 ans.

Et la musique dans tout ça ? 

Quand Didier avait environ 3 ans, sa mère chantait sans être professionnelle pour quelques concerts, notamment chez les sapeurs-pompiers. Son père, lui, était sapeur-pompier et surveillait les théâtres. ”De 3 à 9 ans, j’allais voir les opérettes à Paris puisque grâce à la fonction de mon père, on pouvait aller au théâtre sans payer, alors dès qu’il y a avait une nouvelle opérette, on montait à Paris”, se remémore Didier. Il a eu l’occasion de voir, entre autres, Luis Mariano, Georges Brassens, Annie Cordie, Tino Rossi, Léo Ferré, José Todaro et tous les autres.

Bien plus tard, lorsque Didier vivait en région parisienne, ”au siècle dernier” comme il dit, il intègre une petite association qui s’appelait À l’abordage. Elle organisait 3 à 4 concerts par semaine. ”J’ai été le président, ce qui m’a permis de voir plein de concerts et il y avait un principe différent d’aujourd’hui : les boîtes qui nous prenaient se moquaient de ce qu’on passait du moment qu’on attirait du monde”, précise-t-il. C’est donc la porte ouverte à tous les styles dans tous les lieux. Didier se souvient avoir organisé des Fest Noz* toutes les six semaines à La Flèche d’Or ainsi que deux groupes par mois, un concert metal par mois au Gibus et deux concerts par semaine sur les péniches en bord de Seine. ”Toutes les associations se connaissaient bien, on avait libre entrée chez eux et chez nous c’était pareil, ce qui n’existe plus aujourd’hui”, déplore Didier.

Après ce chapitre intense, Didier lève le pied pour se consacrer entièrement à son travail, en particulier pendant le projet Ariane. ”Pendant toute cette période, je n’ai fait aucun concert parce que j’étais trop en déplacement”, nous dit-il.

”J’enregistre tout depuis 26 ans”

C’est à partir de 1998 que Didier décide de comptabiliser tous ses déplacements pour aller voir des concerts. Chez lui, il nous montre un classeur très épais réunissant toutes les dates, tous les lieux et tous les artistes qu’il a vus. À la fin de chaque année, Didier fait un classement des meilleurs artistes et groupes. ”J’enregistre tout depuis 26 ans : 4.479 artistes vus sur scène”, nous confirme Didier le jour de notre entretien le 11 mai dernier, et d’ajouter : ”Classements, tableaux, tri, dates, ça me vient du boulot”.

Didier Judéaux © Alexane Alfaro

Dans son ordinateur portable, cet amoureux des concerts et des chiffres entretient plusieurs tableaux Excel. Grâce à ces traces mathématiques, on sait par exemple le budget au centime près de Didier pour les concerts, on connaît le nombre de concerts vus par semaine, par mois et par an, le nombre d’artistes et groupes vus, le nombre d’artistes et groupes vus pour la première fois, mais aussi un tableau dédié aux origines des interprètes qu’il a vu en concert entre 1996 et 2023, etc. 

Ainsi, on apprend que pour comptabiliser un concert vu, il doit y rester au minimum 20 minutes. ”C’est mon critère personnel : il faut au moins regarder 20 minutes sinon ça ne compte pas et il y a des artistes devant lesquels je ne reste pas 20 minutes comme par exemple, je suis allé voir Pomme, je ne suis pas resté jusqu’à la fin, Vianney, je ne suis pas resté, Lorenzo, je suis resté jusqu’à la fin, mais parce que j’étais en covoiturage…”, nous raconte-t-il en riant.

On apprend également que l’année pendant laquelle Didier a vu le plus de concerts était 2019 après 3 ans sans sortie. ”Entre 2018 et 2020, j’ai enchaîné trois cancers”, nous confie-t-il, ”et j’en ai encore un en ce moment” qui ne l’empêche pas de vivre sa passion. 

Les documents de Didier nous informent aussi que son budget concerts à travers les années se situe entre 2.000 et 2.500€ par an, tickets et transports inclus. ”C’est mon troisième plus gros budget après le logement et la bouffe, et ça dépasse largement le budget vacances”, commente-t-il en déplorant toutefois qu’aujourd’hui, l’aspect transports-essence l’emporte sur les prix des billets d’entrée.

Habitant à Ornans, Didier circule beaucoup pour aller voir des concerts à Besançon, dans toute la Franche-Comté et ailleurs pour certaines dates. ”Je favorise le co-voiturage, mais s’il n’y a personne avec moi, j’y vais avec ma voiture”, nous précise-t-il, ”et je ne vais rien voir à Ornans… puisqu’il n’y a rien”.

Les groupes préférés de Didier

Avant de réaliser tous ces comptes, Didier se laisse porter par la musique et les univers des artistes qu’il regarde. Quand on lui demande son style musical préféré, il nous répond ”punk-rock-metal”. Quand on lui demande son groupe préféré, il nous précise que dans sa jeunesse, il était plutôt Rolling Stones que Beatles et plutôt Eddy Mitchell que Johnny Hallyday ”avec le regret aujourd’hui de ne jamais avoir vu Johnny sur scène”, déplore Didier. De nos jours, ses artistes préférés sont Laibach, un groupe de metal slovène ”qui ne passe malheureusement pas souvent en France” selon lui, et Rosa Crux, formation gothique de Rouen que Didier n’a encore jamais vu en concert.

Sur la scène franc-comtoise, Didier cite ses amis du Collectif Barouf, mais aussi Alta Rossa, Blend of stones, Horskh, Pan… ”il y en a plein !” s’esclaffe-t-il.

Malgré toute cette passion pour la musique et les concerts, Didier n’a jamais vraiment joué d’un instrument. ”Je chante faux et j’ai essayé la guitare à 16 ans, mais je n’ai pas assez travaillé pour savoir en jouer, alors dans les surboums, je l’avais dans le dos parce que ça faisait bien alors que je n’en jouais pas une note !” s’amuse-t-il à nous raconter.

”La Mascotte”

En ce qui concerne ses lieux préférés, Didier nous cite La Rodia, Les Passagers du Zinc et l’Atelier de l’étoile (fermé récemment). ”J’ai mes petites habitudes un peu partout, mais à La Rodia, c’est particulier, je ne fais plus la queue et j’ai un deal avec Lucie et Albine de la billetterie : ma place est réservée sur tous les concerts de la programmation et si je ne peux pas venir, je dois les prévenir 72 heures avant”. 

D’ailleurs, Didier a un surnom à La Rodia : ”La Mascotte”. Il nous explique que ”c’est Manou Comby, l’ancien directeur, et Philippe Angelot, responsable du pôle ressource, qui m’ont donné ce surnom parce je vais presque tout voir.” Mais Didier est finalement la mascotte de tous les lieux de concerts de Besançon, il dit bonjour à tout le monde, tout le monde lui dit bonjour. ”Il y a aussi plein de gens qui m’appellent Didier, dont je suis incapable de redire le prénom”, dit-il en riant. 

Pour lui, les publics des concerts qu’il voit et revoit sont comme une "grande famille”, nous confie-t-il. ”Je connais plein de gens, je fais la bise aux gens, j’ai l’impression d’avoir une grande famille, je ne sais pas si c’est le bon mot, mais quand je vais à un spectacle où il n’y personne que je connais, ça m’embête, j'adore discuter, parler musique.”

Didier Judéaux dans son couloir © Alexane Alfaro

Dernières volontés...

À 77 ans, ”l’âge de ne plus pouvoir lire Tintin puisque c’est de 7 à 77 ans”, nous dit-il en plaisantant, Didier nous annonce qu’il a réglé ses funérailles en nous précisant qu’il voulait être incinéré dans un cercueil en carton, mais que ce n’est pas possible… ”Il y a des choses qui me dépassent, alors j’ai choisi l’urne la moins chère !”, nous précise-t-il.

De plus, dans son appartement, dont une pièce est entièrement consacrée à des centaines de CD du sol au plafond, on y trouve aussi des bouteilles de bière de 33 cl au design rock n’ roll. ”Il y en a 150 et elles sont toutes différentes alors quand je mourrai, je voudrais que les gens que j’aime viennent boire une bière, mais une seule pour en laisser aux autres, et prennent un CD. En échange, et j’aimerais bien que ce soit validé par un notaire, ils laisseraient un peu d’argent pour mes petites-filles.”

À la fin de notre entretien, Didier a souhaité remercier ”tous les gens de La Rodia, les gars de la sécu, les pompiers que j’aime beaucoup, les gens du Bar de l’U, des PDZ, de l’Antonnoir et de l’Atelier de l’étoile.”

D’après ses calculs, Didier devrait atteindre son 5.000e concert fin 2024… À suivre.

Infos +

Didier Judéaux a participé au dernier clip du groupe bisontin Horskh sorti le 24 mai 2023. "Ça a été le premier cachet de ma vie de comédien !" se réjouit-il. À voir ici :

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