-90°C, isolement, aurores australes... Un Bisontin au pôle Sud pour un an avec l'Institut polaire français

Publié le 10/11/2022 - 11:26
Mis à jour le 11/11/2022 - 08:28

Damien Pessieau, 35 ans, marié et père de trois enfants, plombier-chauffagiste bisontin, est parti pour le pôle Sud, l'un des endroits les plus froids sur Terre, dans le cadre de son travail. Après une semaine de voyage, il est arrivé sur la base de Concordia le 4 novembre 2022, son lieu de travail pour ces 12 prochains mois dans des conditions extrêmes, tant climatiques que psychologiques. Interview.

Damien Pessieau © Institut polaire français/PNRA
Damien Pessieau © Institut polaire français/PNRA

Contremaître chez Engie depuis 2017, Damien Pessieau a fait le choix de prendre un congé sabbatique pendant un an pour tenter l’expérience unique de travailler avec l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) au pôle Sud.

Concrètement, qu’allez-vous faire au Pôle Sud pendant une année ?

Damien Pessieau : "Je pars un an au pôle Sud en tant que plombier/chauffagiste, en charge du chauffage de la base, de la distribution des fluides et de la gestion de la station de traitement des eaux."

Sans doute dans des conditions très particulières…

Damien Pessieau : "Oui, je travaillerai pendant un an dont neuf mois en autarcie totale sans possibilité aucune de rapatriement, trois mois sans lumière du jour par des températures pouvant flirter avec les -90°C en hiver. Avec 12 autres personnes seulement pendant neuf mois : cinq Français, six Italiens et un Allemand. L’altitude est aussi une condition particulière, car nous sommes à 3.200m, équivalent 3.800m du fait de la porosité de l’atmosphère aux pôles."

Comment cette opportunité s'est-elle ouverte à vous ?

Damien Pessieau : "À Concordia, base franco-italienne, nous sommes sur un plateau de 3 km de glace qui s’appelle « Dôme C ». Ce site est destiné à la recherche en glaciologie, climatologie et astronomie avec un partenariat avec l’ESA (Agence spatiale européenne) car le site présente énormément de similitudes avec la vie en milieu extraterrestre (comme l’ISS et pour les possibles futures colonisations de planètes comme Mars ). Nous sommes cobayes pour l’ESA tout au long du séjour, un chercheur est avec nous pour mener à bien les expériences."

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par Pessio (@damiendomec)

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ça ?

Damien Pessieau : "Vivre quelque chose de grand ! Enfant et ado, j’étais toujours passionné de ces ouvrages, bd, films qui parlaient de bonshommes partant à l’aventure (Tintin, Jules Vernes et la saga Aliens aussi !) Le concept m’a toujours plu : un groupe mélangeant plusieurs corps de métiers, de spécialités, de personnalités. Tout ce petit monde partait pour une aventure autour d’un sujet partagé.

Plus tard, j’ai eu le premier « plan concret » à la fac : ceux qui arriveraient en master 2 partiraient avec un prof au Spitzberg (cercle polaire arctique) faire des recherches dans une base isolée. Cette perspective me plaisait beaucoup à l’époque. Malheureusement mes études n’ont pas abouti et ce projet non plus.

Et pour finir, en 2020, pendant le Covid, je suis tombé sur une vidéo d’un bonhomme parti à l’aventure sur la station Concordia en Antarctique où il détaillait son voyage en trois vidéos très bien faites. Là-dessus j’ai commencé à fantasmer le fait de me voir là-bas, quelle aventure ! Un des derniers possibles depuis que la terre entière est colonisée. J’en parlais à mon épouse… beaucoup. 

Et un jour je lui ai posé la question : « Et si j’avais l’opportunité de le faire un jour, tu me laisserais y aller ? » C’est quand même un projet hyper égoïste où je mets ma femme et ma famille de côté pour une année entière !

La réponse favorable a fait passer cette aventure de fantasme à possible. La balle était dans mon camp. J’ai tout de suite pris les choses en mains avec envoi de CV et lettre de motivation à l’Institut polaire français qui m’a reçu en avril 2022… Novembre 2022, je pose le pied là-bas." 

Qu’appréhendez-vous le plus pour ces 12 prochains mois ?

Damien Pessieau : "On n’a pas le recul pour anticiper les choses les plus problématiques, c’est propre à chacun de nous. Le froid, la nuit, la promiscuité, l’éloignement de la famille… Il y a un moment où tout ça risque de peser lourd c’est certain, nous devons l’accepter et essayer de le gérer de la meilleure manière possible. 

Mais tout cela est contrebalancé par le côté grisant de l’aventure. Sentir que l’on accomplit quelque chose pour la planète, pour la science et pour soi-même, il y a un peu une notion de retraite spirituelle, car on va se retrouver souvent seul. C’est clairement un rêve de gosse et c’est une chance inestimable qui m’est accordée. Je ferais tout pour en être digne. Étant donné que je suis marié et papa, je le ne ferai qu’une seule fois dans ma vie."

Quand on pense au Pôle Sud et à des expériences professionnelles, on imagine que vous serez enfermé pendant 12 mois dans un Algeco surchauffé avec des scientifiques... En réalité c’est comment ?

Damien Pessieau : "C’est un peu ça (des Algecos surchauffés), mais à la différence de l’autre station française sur les côtes du continent (Dumont d’Urville), la station Concordia a la forme de deux tours de trois étages sur pilotis, reliées par un couloir. On y trouve les chambres, le réfectoire, des laboratoires, des ateliers techniques, un hôpital et même une salle de sport !

On trouve également des Algécos où sont installés les laboratoires d’été et les dortoirs d’été, qui gravitent autour de la station jusqu’à 1km de distance.

L’été, la station peut accueillir jusqu’à une soixantaine de personnes (scientifiques, techniciens et logisticiens). Cette saison dure de novembre à février. Fin février, le dernier avion décolle avec les derniers campagnards d’été, tous les Algécos autour de la station sont mis en hivernage et les 13 personnes restantes se confinent dans la station pendant 9 mois. Les rares sorties indispensables en hiver consistent à charger de la neige dans un grand fondoir pour notre approvisionnement en eau potable. 

On peut aussi sortir pour le plaisir d’admirer le ciel étoilé d’une pureté inégalée ou admirer des aurores australes quand elles se présentent, mais à petite dose, car les températures extérieures oscillent entre -60 et -80°C !"

Comment vous êtes-vous préparé à cette aventure ?

Damien Pessieau : "Pour la préparation, outre le check-up médical et psychologique complet nécessaire à l’obtention du poste, nous avons passé 10 jours au mois de septembre avec les hivernants encadrés par des psychologues et médecins sur une station de haute montagne avec randonnées et différentes sortes d’activités de groupes, histoire de donner un avant-goût des neuf mois en autarcie."

Infos +

1 Commentaire

Cela fait très exactement 25 ans que je terminais mon hivernage à Dumont d'Urville. Concordia était en construction. Il faut profiter de chaque jour passé là-bas, c'est une véritable chance de passer un an en hivernage sur ce continent. La vie y est extra-ordinaire et merveilleuse. On en prend plein les yeux. N'oublie pas Damien que les plus beaux souvenirs ne seront pas les photos, mais ceux qui sont gravés à jamais dans la mémoire. Le retour peut être une étape difficile à ne pas négliger.
Publié le 13 novembre 2022 à 12h43 par Frédéric PICQ • Membre

Un commentaire

Laisser un commentaire

Société

Qui est le colonel Elodie Montet, commandant le groupement de gendarmerie du Doubs ?

Le lundi 15 septembre, à 16h30 au château de Vaire, le colonel Élodie Montet prendra officiellement le commandement du groupement de gendarmerie départementale du Doubs. Elle dirigera 600 gendarmes et pourra compter sur l’appui de 400 réservistes pour couvrir 567 communes du département. Rencontre.

Besançon déploie un accueil renforcé pour ses 25.000 étudiants à la rentrée 2025

Élue deuxième meilleure ville étudiante de France en 2025 comme le rappelle la Ville de Besançon, un dispositif inédit pour est mis en place dès cette rentrée pour accompagner les 25.000 étudiants qui ont choisi la capitale comtoise pour leurs études. Ce jeudi 11 septembre est la journée Bienvenue aux étudiants avec une programmation culturelle dans plusieurs bisontins.

La vélorution revient ce samedi dans les rues de Besançon

Les deux associations Vélo de Besançon et les Manivelles organisent ce samedi 13 septembre à 17h une vélorution au départ du pont Battant à Besançon. Les organisateurs entendent ainsi "célébrer le vélo comme moyen de déplacement urbain et péri-urbain multi-avantageux, pour soi et pour la collectivité".

Autisme et parcours scolaire : un père de famille veut éveiller les consciences dans le Doubs

Julien Lopez, père de deux enfants atteints d’autisme, prend la parole ce mois de septembre 2025 pour alerter l’opinion publique sur la prise en charge des enfants atteints de ce handicap en France. Il appelle l’Etat, et notamment l’ARS, agence régionale de la Santé, à agir pour ouvrir plus de places en IME, instituts médico-éducatifs.

Le sénateur Longeot met en garde sur les conséquences de l’extinction programmée de la 2G

Prévue dès 2026, l’extinction programmée de la 2G, puis de la 3G tracasse le Sénateur du Doubs Jean-François Longeot, président de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat. Dans un communiqué du 4 septembre 2025, le sénateur se dit inquiet de "l’absence d’étude d’impact permettant d'anticiper les risques potentiels à très court terme de cette fermeture pour les citoyens et les territoires les plus vulnérables".

Frédéric Péchier devant les assises : un procès hors norme pour 30 empoisonnements présumés à Besançon

Le palais de justice de Besançon accueille, à partir de ce lundi devant la cour d’assises du Doubs, un procès hors norme par son ampleur et sa durée. Celui de Frédéric Péchier, médecin anesthésiste de 53 ans, poursuivi pour 30 faits d’empoisonnement présumés, dont 12 mortels, commis entre 2008 et 2017 dans deux cliniques de Besançon. L’audience devrait durer jusqu’au 19 décembre.

Procès de Frédéric Péchier : rues fermées, entrées limitées… un dispositif exceptionnel mis en place à Besançon

Le procès de Frédéric Péchier, anesthésiste-réanimateur poursuivi pour 30 empoisonnements aggravés, s’ouvrira le 8 septembre 2025 devant la cour d’assises du Doubs. Il se tiendra jusqu’au 19 décembre 2025 au palais de justice de Besançon. Une très forte affluence est attendue pour ce procès, c'est pourquoi un dispositif exceptionnel sera mis en places dans les rues situées autour du palais de justice ainsi que pour y entrer.

Argent de poche : les ados français touchent en moyenne 26 € par mois, un chiffre en baisse

Le Teenage Lb de Pixpay a publié mardi 2 eptembre 2025 la 6e édition de son baromètre annuel "Les ados et l'argent de poche". Réalisée par l'institut de sondage Discurv en juillet dernier auprès de 1.000 personnes, l'étude met en lumière des évolutions notablmes dans la gestion de l'argent par les jeunes et leurs familles.

Enchères exceptionnelles à Besançon : les bibliothèques de deux érudits francs-comtois en vente

Une vente exceptionnelle aura lieu le vendredi 12 septembre à l’Hôtel des Ventes de Besançon. Elle sera dirigée par Me Jean-Paul Renoud-Grappin et portera sur une importante bibliothèque de voyages  constituée par un collectionneur franc-comtois, enrichie de 30 lots de la bibliothèque de voyages d’un ancien député franc-comtois et 20 lots à divers, apprend-on dans un communiqué.

Plus de 150 entreprises attendues au salon Cap vers l’emploi le 18 septembre à Besançon

Le salon Cap vers l’emploi se tiendra jeudi 18 septembre 2025 à Micropolis, Besançon. L’événement vise à mettre en relation des personnes en recherche d’un emploi et des entreprises qui recrutent sur le territoire grand bisontin.

Offre d'emploi

Devenez membre de macommune.info

Publiez gratuitement vos actualités et événements

Offre d'emploi

Sondage

 10.19
couvert
le 13/09 à 06h00
Vent
1.51 m/s
Pression
1020 hPa
Humidité
90 %