Me Schwerdorffer a d’abord remis en cause la solidité du dossier d’accusation, estimant que les éléments avancés relèvent davantage de l’indice que de la preuve. "Ce ne sont pas des preuves, ce sont des indices", affirme-t-il, contestant l’image d’un accusé présenté comme un homme "de sang-froid" qui aurait agi avec jubilation. Il souligne que "personne n’a jamais remis en cause des diagnostics de Péchier".
Les intoxications au potassium : aucune trace retrouvée
Sur les sept cas d’intoxication au potassium, l’avocat insiste sur l’absence de découverte matérielle lors des perquisitions.
"On n’a jamais trouvé de potassium chez Frédéric Péchier. On a fait la liste des choses retrouvées, mais nulle part il n’y a eu de potassium, ni la moindre trace, même pas un anesthésiant, même pas un flacon vide, rien !"
Accès aux produits et compétence médicale
Me Schwerdorffer réfute l’argument selon lequel seul un anesthésiste aurait pu commettre de tels actes. "Pour tuer, je ne pense pas qu’il faille savoir faire grand chose. Mettre 10 fois la dose de potassium dans une poche pour donner la mort, pas besoin d’être grand clerc pour savoir qu’il va se passer quelque chose." Il rappelle également que "c’est très facile d’avoir accès aux anesthésiques locaux, on en trouve sur internet".
"Après Péchier, il n’y a plus rien" : une affirmation contestée
Concernant l’idée selon laquelle les incidents auraient cessé après le départ de Frédéric Péchier, l’avocat avance des données contraires. Il cite notamment l’année 2017 : "Il y en a 9, mais Péchier n’est plus là. Il s’agit bien d’arrêts cardiaque aux blocs."
"En 10 ans, il y a eu 2,70 cas par an", un chiffre qu’il qualifie de normal.
Le CHU de Besançon et des dossiers introuvables
Me Schwerdorffer est revenu sur les années où Frédéric Péchier exerçait au CHU de Besançon. "Les témoignages sont quasi unanimes, pour dire qu’il est compétent." La défense affirme avoir recherché des dossiers médicaux cités à la barre sans les retrouver : "si on a pas trouvé de dossier, c’est peut-être pas vrai, c’est surement pas vrai !"
Les cas particuliers examinés un à un
- Cas d'Éric Gendronneau
Pour le cas d'Eric Gendronneau, le 8 septembre 2009 à la clinique Saint-Vincent, Me Schwerdorffer résume l’accusation : "Péchier est dans le bloc contigu donc il a pu polluer la poche […] mais on accuse pas les gens quand ils ont pu !"
Il conclut : "Voilà sur quoi repose l’accusation dans le cas Gendronneau."
- Cas de Denise Mainy
L’avocat souligne que Frédéric Péchier n’était pas présent lors de l’empoisonnement à l’héparine présumé. Il insiste sur le fait que la patiente n’a jamais été interrogée : "On a jamais demandé à Mme Mainy si quelqu’un lui avait injecté quelque chose en chambre."
- Cas de Rudy Gobert
"On est dans le néant total", affirme Me Schwerdorffer, résumant ainsi le dossier : "Frédéric Péchier est dans la clinique, il y a un EIG, un empoisonnement, donc c’est lui !"
- Cas d'Odile Lacheray
Concernant le témoignage de Mme Lacherey, apparu plus de deux ans après les faits et qui affirme avoir vu le Dr Péchier apporter une caisse grise au pied de son lit, l’avocat rappelle la fragilité de ce type de preuve : "Un témoin occulaire, il n’y a rien de plus fragile, c’est ce qu’on apprend à l’école des avocats."
- Cas de Laurence Nicod
Me Schwerdorffer conteste le caractère "accablant" du diagnostic posé pour cette patiente : "Comment un élément peut être à charge quand il s'agit de Frédéric Péchier, et qu'il est un élément anodin quand c’est Dr Serri qui fait le diagnostic ?"
Des expertises médicales divergentes
La défense met en avant également les désaccords entre experts.
Me Schwerdorffer parle d’"un doute sérieux sur la notion même d’empoisonnement" et estime que certaines expertises sont "indigentes".
Les événements postérieurs au départ de Péchier
L’avocat insiste sur plusieurs incidents survenus après le départ de son client, notamment des poches perforées et un acte de vandalisme en février et mars 2017. "Dire qu’il n’y a plus rien après Péchier, ce n’est pas vrai !" martèle Me Schwerdorffer.
Il affirme : "Ces éléments démontrent qu’après Péchier, il y a eu des poches percées anormalement, remises aux policiers, mais ça n’intéresse personne parce que ce n’est pas Péchier, il n'était pas là !"
La personnalité de l’accusé
Me Schwerdorffer dresse une liste de faits reprochés à son client, qu’il juge mineurs : une triche au golf, un tentative de suicide en 2014, une blague de mauvais goût sur Mme Nardez, une rupture amicale avec le Dr Serri, une prise de sang demandée à une secrétaire pour une escroquerie à l'assurance... "C’est tout ce qu’on peut reprocher à Frédéric Péchier", assure son avocat.
Sur le plan psychiatrique, il rappelle les conclusions des experts : "Pas de pathologie, pas de trouble narcissique, pas de perversion. […] Un syndrome dépressif oui, c'est tout."
Il cite enfin un expert psychologue qui est passé la barre lors du procès : "Si c’est lui, alors ce serait une première parce qu'il dit ne pas avoir les éléments habituels d’un serial killer."
Une demande d’acquittement "purement et simplement"
En conclusion, Me Schwerdorffer reprend les mots de l’avocat de Patrick Dils : "Ce n’est pas cet homme."
Il affirme que "la réalité de ce dossier c'est que Péchier a pu empoisonner des patients mais on ne sait pas s’il a empoisonné."
Et conclut : "Je vous demande naturellement d’acquitter purement et simplement Frédéric Péchier."
Derniers mots pour l'accusé
Frédéric Péchier a brièvement pris la parole à la proposition de la présidente de la cour d'assises : "Ça fait 8 ans que je me bats contre le fait qu’on me présente comme l’empoisonneur."
Il ajoute : "Je le dis, je le redis et je ne cesserai de le dire : non je n’ai jamais empoisonner quelqu’un et contrairement à ce qu’on a pu dire, le serment que j’ai prêté en 1999, je l’ai toujours respecté."
Désormais, les juré(e)s sont isolés pour délibérer sur cette question que tout le monde se pose depuis 15 semaines dans ce procès : Frédéric Péchier est-il coupable ou non des 30 chefs d’accusation ?
Le verdict est attendu d’ici le 19 décembre.



