Encadrement du retour aux 90 km/h sur certaines routes...

Publié le 26/01/2020 - 16:44
Mis à jour le 26/01/2020 - 16:44

Pour relever la vitesse maximale à 90 km/h sur certaines routes avec l’approbation de l’État, les élus locaux devront motiver leur décision et respecter certaines conditions, souligne une circulaire envoyée par le gouvernement aux préfets. En Haute-Saône, Yves Krattinger se laisse le temps de la réflexion prendra une décision d’ici juin 2020.

Illustration © HL  ©
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Cette circulaire, en date du 15 janvier 2020, intervient après la promulgation fin décembre de la Loi d'orientation des mobilités (LOM) qui permet, à la demande de présidents de conseils départementaux, de déroger localement à la limitation de 80 km/h sur les routes secondaires à deux sens sans séparateur central, adoptée en 2018.

La Haute-Marne donnait il y a quelques jours  le feu vert de « l'opération retour aux 90 km/h ». Les départements de l'Aube, la Charente, l'Hérault, l'Essonne ont entre autres suivi. Le Cantal a  pour sa part annoncé son intention d'abroger la réglementation des 80 km/h sur l'intégralité du département.

Avant même l'adoption de la LOM, au moins 25 départements avaient annoncé leur intention de repasser à 90 km/h une partie des routes qu'ils gèrent. À chaque fois qu'ils envisagent un retour aux 90 km/h, les départements doivent solliciter un avis consultatif de la Commission départementale de sécurité routière (CDSR, composée de représentants de l'État, des élus locaux et d'associations) présidée par le préfet.

Des conditions pour les dérogations

La circulaire précise les conditions dans lesquelles les représentants de l'État au sein de la CDSR pourront approuver les dérogations sur "chaque section de voie" proposée.

Estimant que les tronçons de route concernés doivent faire "au moins 10 km", elle demande aux préfets de "donner un avis systématiquement défavorable" sur les tronçons où il y a "des arrêts de transports en commun", de la circulation d'engins agricoles et de riverains, ou "traversés de chemins de grande randonnée ou de véloroutes" (pistes cyclables de moyenne ou longue distance).

Ces conditions faisaient partie des recommandations publiées en juin dernier par le comité des experts du Conseil national de sécurité routière (CNSR). Bien que purement indicatifs, ces "éléments" cristallisent les craintes.

Certains présidents de conseils départementaux (Alpes-Maritimes, Yvelines, Territoire de Belfort...) qui envisageaient des dérogations disent avoir renoncé en les voyant.

Décision d'ici fin juin 2020 en Haute-Saône

En mars 2018, le département de la Haute-Saône avait réalisé une analyse pour chaque route et proposé une modulation de la vitesse allant de 70 à 90 km/h, en fonction des caractéristiques des voies de circulation et de leur environnement, "pour une meilleure circulation sur le réseau départemental tout en veillant à la sécurité des automobilistes".

Yves Krattinger veut se laisser "le temps de la réflexion" et annonce une décision d'ici fin juin 2020. "Nous entrons dans une nouvelle phase de réflexion et d’analyse prenant en compte les nombreuses recommandations établies par le gouvernement" indique le président du département en précisant que "les  questions de sécurité routière et de lutte contre la mortalité sont au cœur des priorités départementales".

"Les nombreux chantiers que nous menons visent à faciliter, fluidifier et sécuriser les déplacements des Haut-Saônois, et plus largement des usagers de la route" conclut-il .

Étude sur l'accidentalité

Les élus qui souhaitent revenir aux 90 km/h devront transmettre au préfet un "projet d'arrêté motivé" et "basé sur une étude d'accidentalité" (fréquence des accidents) du tronçon concerné, est-il précisé dans la circulaire.

"Ce n'est pas une contrainte juridique. Ce sont des recommandations pour expliquer dans quelles conditions repasser à 90 km/h ne présente pas un risque majeur", avait relativisé en décembre le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe.

"Les départements peuvent passer outre. Mais c'est aussi une décision politique vis-à-vis du gouvernement", note de son côté une source proche du dossier.

Repasser à 90 km/h, "ce sont des décisions qui sont lourdes et qu'il faut assumer en conscience", avait prévenu Édouard Philippe en janvier 2019, en annonçant des chiffres "historiques" à la baisse pour la mortalité routière (3.488 tués en 2018) après six mois de 80 km/h.

Le texte rappelle également que les gestionnaires des voiries concernées (conseils départementaux, mairies parfois) devront financer et installer eux-mêmes les nouveaux panneaux signalant le relèvement à 90 km/h au début de chaque section et après chaque intersection, ainsi que, à la fin du tronçon, ceux qui indiquent la nouvelle vitesse maximale. Sans cette signalisation, la vitesse maximale ne sera pas relevée, est-il souligné dans la circulaire.

L'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h en juillet 2018 avait déclenché une fronde d'automobilistes, de motards et d'élus contre l'État. Et a été l'un des détonateurs de la crise des "gilets jaunes" qui a éclaté quelques mois plus tard.

"Pression morale sur les départements" pour 40 millions d'automobilistes

"Depuis 2013 (...) la mortalité routière ne baisse pas. Nous avons connu en 2018 et sans doute en 2019 les mêmes tendances d'accidentalité que lors de l'année 2013. Factuellement, aucun bénéfice ne peut donc être décemment accordé à la mesure inique des 80 km/h" estime Pierre Chasseray, délégué général de l'association « 40 millions d'automobilistes ».

"Imaginez que le Cantal repasse à 90 km/h et que l'on y constate la même tendance d'accidentalité que dans les départements fidèles au Gouvernement et aux 80 km/h, ce serait la fin objective de la mesure. Elle deviendrait encore plus indéfendable" estime Daniel Quéro, président de l'association pour qui cette circulaire est assimilable à une tentative de pression morale exercée sur les départements afin d'empêcher un retour pourtant inévitable aux 90 km/h. "Près de deux ans après l'instauration de la mesure des 80 km/h, premier détonateur du mouvement « Gilets jaunes », l'association « 40 millions d'automobilistes » demande au Président de la République de mettre fin totalement à cette mesure."

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