PFG Besançon : agression, cercueil vide, transport sans scellés… un ancien salarié témoigne

Publié le 16/11/2022 - 16:30
Mis à jour le 17/11/2022 - 17:03

ENQUÊTE • Agression physique et verbale dans un cimetière, cercueil présenté sans défunt, un autre transporté sans scellés, employés qui s'endormiraient, joueraient sur leurs téléphones, prendraient des photos de personnes décédées et mèneraient des cérémonies sans être habilités… un ancien salarié de PFG Besançon, témoin de plusieurs faits jugés préoccupants, partage son expérience au sein de l'agence. La direction de l'entreprise, que nous avons rencontrée, a accepté de s'exprimer sur le sujet.

Le 30 octobre 2022, maCommune.info a publié un article sur l'organisation d'obsèques chez PFG Besançon. Par la suite, de nombreux retours négatifs sur la société nous sont parvenus, dont le témoignage d'un ancien salarié. Dans le même temps, plusieurs documents ont été portés à notre connaissance. Jeudi 10 novembre, Laurent Blanchard, directeur de secteur et Audrey Garnier-Chapuis, responsable d'agence, ont accepté de nous rencontrer.

Martin* a travaillé pendant un an et demi pour les Pompes funèbres générales (PFG) de Besançon, 15 rue de Vesoul, avant d'être licencié courant 2021. Après 15 années passées dans le milieu funéraire, il s'est aujourd'hui reconverti "non sans mal" : "J'ai dû suivre une psychothérapie avant de débuter un nouveau projet", nous confie-t-il. L'ex-employé, marqué par cette expérience professionnelle, se dit victime de "mobbing" ; soit par définition de "l'acharnement psychologique de l'ensemble de l'organisation sur un collaborateur".

D'emblée, nous avons demandé à Martin s'il avait constaté ou eu écho de problèmes similaires dans d'autres entreprises de pompes funèbres, ce à quoi l'intéressé a répondu par la négative : "Pour moi, c'est cette direction, spécifiquement, qui est en cause. Il y a un manque cruel d'effectifs chez PFG Besançon, le turn-over y est régulier. Ce n'est pas sans raison."

Une information confirmée par Audrey Garnier-Chapuis, responsable de l'agence locale, mais justifiée autrement : "Nous recevons beaucoup de candidatures. Je pense pouvoir dire, sans mentir, par centaines. Seulement, nous sommes très sélectifs. Je préfère travailler plus de week-ends que de recruter le premier ou la première venu(e)."

Une donnée immédiatement corrigée par Laurent Blanchard, directeur de secteur : "Je me permets de te reprendre. En réalité, on peut diviser ce nombre par dix. C'est un corps de métier qui est difficile et qui touche à l'émotionnel. La mort, ça fait peur. On a donc très peu de candidats."

Selon la direction, si le turn-over a bel et bien existé, "l'équipe actuellement en place est la même depuis quelques mois". La raison du roulement des effectifs n'a toutefois pas été précisée.

Une agression dans un cimetière et des "comportements inacceptables"

Lors de ses 17 mois de présence au sein de l'agence PFG Besançon, Martin explique avoir été témoin à plusieurs reprises de "comportements inappropriés, inacceptables et parfois illégaux". À commencer par une agression physique et verbale au cimetière des Chaprais, le 18 septembre 2020 : "Le problème, c'est que l'on surfacturait des prestations que nous ne pouvions pas réaliser convenablement. À savoir, dans ce cas précis, 200 € de plus pour le démontage complet d'un monument. On en revient à la problématique des effectifs", souligne-t-il. "Je l'ai fait savoir au marbrier qui, dans un excès de colère, s'est emporté et m'a frappé. Au final, j'ai reçu un avertissement."

Du côté de PFG Besançon, l'agression a bien été reconnue :"Les deux collaborateurs ont été sanctionnés", précise Laurent Blanchard. Quant à ladite surfacturation, le directeur a nié en bloc : "Soyez sérieux, nous sommes une entreprise nationale. Il est inconcevable que nous puissions avoir une démarche généralisée en ce sens."

Parmi les autres faits troublants qui nous sont revenus : "la prise de photos de défunts à l'insu des familles par certains employés et des attitudes déplacées lors de cérémonies". Selon Martin, certains s'endormiraient au travail, d'autres joueraient sur leurs téléphones pendant que d'autres encore tiendraient le rôle de maître de cérémonie sans y être habilités.

Une nouvelle fois, Laurent Blanchard a joué la carte de l'honnêteté : "C'est arrivé qu'un employé s'endorme dans un corbillard, par exemple." Interrogé sur la problématique des photos, le directeur est resté vague : "Il a pu y avoir des comportements inacceptables. Chaque fois, nous avons fait le nécessaire. Et parfois, nous nous sommes séparés. Mais ce sont des problèmes internes, ça ne regarde personne."

Enfin, concernant "l'usurpation" du rôle de maître de cérémonie, il y a, d'après lui, une explication : "Certaines familles font le choix de ne pas souscrire à ce service. Cependant, il est arrivé qu'un collaborateur, un porteur par exemple, souhaite aider en prenant tout de même la parole publiquement. Bien sûr, nous n'avons pas facturé la prestation."

À noter que le métier de maître de cérémonie est une profession réglementée, qui s'inscrit dans le cadre de l'exercice des prestations du service extérieur des pompes funèbres, soumis à habilitation préfectorale. Depuis 2012, il existe un diplôme national placé sous le contrôle du ministère de l'Intérieur.

Un cercueil présenté sans défunt, un autre transporté sans scellés

Lors de notre échange, Martin a mentionné deux situations avec lesquelles il était en total désaccord. La première concerne une réception dans un salon funéraire de PFG Besançon, où un cercueil avait été présenté fermé, mais sans défunt : "Seule la famille était au courant. Les autres proches sont venus se recueillir sans savoir qu'il était vide. Tous les employés savaient, mais personne n'a rien dit. Humainement, je trouve ça difficile."

Pour Audrey Garnier-Chapuis, ce cas de figure est effectivement arrivé, mais n'a rien d'inapproprié : "C'était une volonté de la famille proche ; les enfants, en l'occurrence. Nous ne pouvions pas présenter le défunt, y compris en cercueil fermé, car le corps était en état de décomposition avancé. Mais elle avait tout de même besoin d'un lieu pour se recueillir. Nous avons respecté ses volontés."

La seconde situation est en revanche plus problématique puisque, selon Martin, un cercueil a été transporté par un collaborateur de la société sans avoir été scellé, une étape pourtant obligatoire : "Il n'a pas attendu la police, alors que la législation est très stricte à ce sujet. De plus, le corps a transité dans une autre ville et est donc sorti de sa zone de juridiction, ce qui est encore plus grave. Pour une petite entreprise, ça aurait été la fermeture administrative."

"Ce genre de choses a pu arriver, des erreurs ont pu être commises", confesse Laurent Blanchard. "Faut-il encore que la police soit présente, ce qui n'est pas toujours le cas" ajoute le directeur, qui assume ses erreurs : "Nous ne sommes pas parfaits. Les choses ont peut-être été faites dans la précipitation. Il ne s'agit pas de malveillance, mais d'une envie de vouloir bien faire, parfois dans l'urgence."

Selon la loi, les scellés permettent de garantir que les cercueils n'ont pas été ouverts après le déroulement des funérailles. Lors du transport d'un défunt, il ne faut pas que les gaz de décomposition puissent s'échapper du contenant, qui doit être totalement hermétique en toute circonstance. Le cachet est appliqué par un représentant légal ; soit par le maire de la commune, soit par un agent de police. Dans de rares cas, par dérogation exceptionnelle, l'entreprise de pompes funèbres peut s'en charger. Il s'agit d'une opération très réglementée qui doit se faire dans des conditions respectées à la lettre.

Dans le cas cité plus haut, et selon nos informations, la police aurait appelé après le départ du chauffeur. Par la suite, les scellés auraient eu lieu sur un parking.

PFG et Dignité, même groupe mais tarifs différents

Si l'on en revient aux problématiques économiques, Martin a souhaité pointer du doigt la différence de prix entre les sociétés PFG Besançon et Dignité Avanne-Aveney, appartenant pourtant au même groupe, OGF : "Ce sont les mêmes prestations, les mêmes collaborateurs, les mêmes voitures, on change simplement les stickers magnétiques. Pourtant la facturation diffère. On se battait là-dessus."

Nous avons partagé cette interrogation à Laurent Blanchard, qui a lui-même répondu par une question : "Les différents hôtels Ibis ont-ils les mêmes tarifs ? On appelle ça de la segmentation. Ce sont des entités différentes avec des démarches commerciales différentes."

Il précise ensuite : "Sur Besançon, un convoi dit "classique" comprend un chauffeur, trois porteurs et un maître de cérémonie. Sur Avanne-Aveney, on appelle ça un convoi "initial", avec trois porteurs et un maître de cérémonie. Les prestations ne sont pas forcément les mêmes. La notoriété de PFG est aussi plus élevée. La différence de coûts peut être explicable."

"C'est assumé surtout, ce n'est caché de personne" ajoute Audrey Garnier-Chapuis.

"On me mettait la pression, on ne voulait pas que je parle"

Lorsqu'il était encore salarié de PFG Besançon, Martin indique avoir plusieurs fois informé le siège de l'entreprise des problèmes qu'il rencontrait : "Personne ne m'a jamais répondu", déplore-t-il. "On me mettait la pression. Lorsque le PDG venait à Besançon, on m'imposait une récupération pour que je ne puisse pas parler. J'avais pourtant les meilleurs résultats."

"PFG, c'est une entreprise qui peut faire énormément de choses. Seulement, il y a la théorie et la réalité. Il y a vraiment de la marge. C'est malheureux car c'est pourtant un beau métier. Aujourd'hui, j'en suis dégoûté." – Martin, ancien salarié de PFG Besançon

Nous avons demandé à Laurent Blanchard s'il comprenait que tous ces faits, vus de l'extérieur, puissent choquer. Si l'intéressé confirme, il souligne toutefois que "l'erreur est humaine. Nous ne sommes pas des machines".

Pour lui, le but n'est pas de "balayer tous [nos] arguments" : "Nous sommes vraiment dans une démarche d'écoute et de transparence. On a une volonté de tout bien faire. Malheureusement, il peut y avoir quelques fois des dérapages. Mais on essaie toujours de les reprendre pour que cela ne se reproduise pas."

* Le prénom a été changé.

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