Tribune de Joseph Pinard : "Réflexion sur l'islamogauchisme"

Publié le 17/03/2021 - 16:09
Mis à jour le 17/03/2021 - 11:39

Tribune • La présente note part d’un fait divers douloureux évoqué dans un article de la presse locale du Doubs de mars 1965 : un incendie dans les combles d’un vieil immeuble où vivaient des familles de travailleurs immigrés provoque trois morts : deux femmes espagnoles et une petite gamine algérienne. Comment organiser les obsèques ?

Joseph Pinard © DR
Joseph Pinard © DR

L’église de Velotte pour les espagnoles, puis, tout le monde, musulmans compris, se rend ensemble au cimetière ; et là c’est l’abbé Chays qui fait respecter les rites prévus par l’Islam. Pourquoi cette manière de faire insolite ? Parce que, à l’époque, il n’existe aucune organisation du culte musulman pour les centaines de travailleurs algériens de Besançon. Pourquoi l’intervention de l’abbé Chays ? Parce que le prêtre, volontaire dans la Première Armée Française, avait été scandalisé par la façon dont les troupes coloniales avaient été « licenciés » à la fin de la guerre. Revenu à Besançon, il se préoccupait – sans le moindre prosélytisme – du sort des travailleurs algériens qui vivaient dans des conditions ignobles, dans des casemates, dans des abris sous roches. Certains de ces sous-prolétaires lui montraient les cicatrices des blessures subies lors des combats de la Libération. Il y avait donc bien des motifs de révolte, mais il n’y avait aucune tentation de recourir au terrorisme. Il n’y avait pas de racisme : la population ignorait ces malheureux « invisibles ». Et l’abbé Chays faisait en quelque sorte fonction d’imam de substitution.

Pourquoi évoquer cette situation ? Parce que les choses ont bien changé depuis avec la construction des mosquées, fréquentées par les fidèles qui, dans la très grande majorité, ne mélangent pas religion et politique. Mais au sein de l’Islam des courants sectaires ont pris place aux mains d’intégristes qui veulent imposer la primauté des lois religieuses par rapport aux lois de notre République ; et c’est à ce propos qu’il faut bien parler d’islamogauchisme.

A ce sujet je voudrais parler d’un autre fait relaté par Le Canard Enchainé du 21 octobre 2020, fait très significatif qui aurait mérité d’être repris par d’autres médias. Voici le document :

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Ce texte de pétition attribuait aux musulmans de France une spécificité économique et sociale. Or, cette vision ne correspond pas à la réalité : il n’y a plus un ensemble homogène relégué dans « une vie sans avenir ». Il ne s’agit pas de nier l’existence des ghettos, mais grâce à l’école, des enfants de sous-prolétaires ont pu accéder à des professions libérales (avocats, médecins, etc.) ou à des responsabilités dans la vie économique (techniciens supérieurs, ingénieurs, etc.). On pourrait aussi faire l’inventaire de ceux qui sont devenus élus locaux, responsables syndicaux, etc.

Qu’on nous permette de faire part d’hypothèses quant au contenu du texte de la Ligue des Droits de l’Homme. J’ai connu le temps où les marxistes de diverses obédiences (staliniens, maoïstes, trotskistes, etc.) se voulaient les grands défenseurs des damnés de la terre s’incarnant dans la classe ouvrière. Mais celle-ci leur a pour une grande part échappé. D’où la recherche de substitut afin de poursuivre la lutte des classes sur d’autres bases, celles qui sont formées par les anciens colonisés, notamment musulmanes. Et de l’héritage marxiste subsiste une autre donnée : le mépris du fait religieux toujours considéré comme relevant de « l’opium du peuple ».

C’est pourquoi le texte de la pétition ne mentionne pas les responsabilités des courants intégristes qui se sont développés au sein de l’Islam. D’où le sort pitoyable de la pétition lancée le 16 octobre en début d’après-midi, elle disparait sans explication lorsque, en fin de journée, on apprend la décapitation de Samuel Paty. Les initiateurs du texte auraient-ils compris que l’assassin n’exprimait pas « le cri de celles et ceux qui n’ont rien à perdre », mais que cet individu s’était nourri de thèses colportées par des fanatiques, idéologues appartenant parfois au mode des nantis ? Quoiqu’il en soit la dérobade aurait du faire l’objet de demandes d’explications.

QUELQUES REFLEXIONS EN GUISE DE CONCLUSION

J’ai fait allusion au rôle de l’école dans la promotion sociale d’un nombre non négligeable de descendants d’immigrés. L’institution scolaire a certes de gros efforts à faire pour ne pas être un outil de reproduction sociale. Mais quand Bourdieu dans « Contre-feux » a affirmé qu’il fallait « soumettre l’école à la critique la plus impitoyable », a-t-il rendu service à celles et ceux qui, à la base, multiplient les efforts pour être au service des enfants issus des milieux les plus marginalisés ?

Pendant des semaines, des collectifs (comprenant EELV) ont défilé chaque semaine contre la loi relative à la Sécurité globale. Des pancartes dénonçaient une marche vers la dictature, curieuse dictature dans un pays où la presse d’opposition est subventionnée : ainsi, au titre des journaux ne bénéficiant que de faibles recettes publicitaires, l’Humanité a perçu en 2020 3.305.258 € sans lesquels le quotidien placé en règlement judiciaire n’aurait pas survécu. Le 2ème titre le plus aidé, Libération, a bénéficié de 5.906.258 €.

Les campagnes contre le projet de loi confortant le respect des principes de la République (loi « séparatisme ») a bénéficié d’une large couverture médiatique ; en revanche, grande discrétion quant au résultat du vote final à l’Assemblée Nationale : au groupe PC 1 pour 7 contre 8 abstentions – au groupe PS 1 contre 28 abstentions - 17 contre sur 17 au groupe LFI.

Celles et ceux qui ne supportaient pas les injustices, les inégalités se sont engagés de diverses manières empruntant la voie du réformisme plutôt que le militantisme révolutionnaire qui permettrait d’en finir avec le capitalisme. La révolution soviétique a suscité un formidable enchantement qui les a aveuglés face aux dérives du nouveau pouvoir. On a espéré que les contestations multiples finiront par balayer le pouvoir en place en comptant en particulier sur la jeunesse, voir par exemple les dossiers ParcourSup et réforme du bac, en attendant beaucoup de « la convergence des luttes ».

On a voulu croire que la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme déboucherait sur une société idéale. C’était oublier les ravages de la passion du pouvoir inhérente à la condition humaine et le maintien des inégalités liées tant aux différences des conditions physiques qu’aux aptitudes individuelles. C’était oublier aussi que les accidents de santé, les handicaps n’étaient pas dépendants du statut économique et social (que l’on songe à la fille du Général De Gaulle). De même, le virus n’épargne pas les grands de ce monde (par exemple Devedjian) : l’appartenance à une classe ne rend pas compte de tout. Ainsi on ne peut expliquer par la lutte des classes les performances de tel ou tel champion du foot ou du cyclisme.

Les militants les plus investis ont droit à notre admiration ; songeons entre autres aux syndicalistes engagés dans la défense des sans-papiers exploités dans l’hôtellerie-restauration. Mais il y a aussi la tentation de la pureté qui fait croire que le Parti Communiste avait toujours eu raison alors que, à titre d’exemple, il a contribué à cette catastrophe que fut en 1955 la chute de Mendès-France. C’est la tentation de la pureté au service des ex-colonisés qui explique pour une part l’aveuglement face aux dérives islamistes.

Sur l’Islam et plus particulièrement sur les musulmans en France, j’ai consacré plusieurs développement dans mon livre Laïcité et Fraternité, éditions Cêtre, Besançon. Pour une approche éclairée, on peut se référer aux ouvrages de Marc Ferro, notamment L’aveuglement et L’entrée dans la vie. Face à tant d’idéologies hors sol, l’auteur s’appuie sur son expérience de terrain : ainsi dans L’entrée dans la vie , lire le chapitre « et le nationaliste devient islamiste » tiré du vécu sur le terrain de celui qui fut professeur en Algérie.

Sortons des débats parisiens, travaillons à la base. A Besançon, comme dans bien d’autres villes de France, la main d’œuvre d’origine algérienne a été surexploité sur le plan économique et marginalisée au point de vue de la vie sociale. Restituer leur histoire à ceux qui étaient des invisibles, c’est une forme de reconnaissance, c’est rendre leur dignité à ces déracinés. A Besançon et à mon initiative, une brochure éditée par la ville a retracé l’histoire de ces anonymes. Lorsque nous avons présenté le fruit des recherches de toute une équipe, j’ai vu des « vieux de le vieille », retraités vivant dans un foyer de la Sonacotra, pleurer parce qu’ils étaient pris en considération. Je pense que notre initiative mériterait d’être reprise ailleurs (à Montbéliard par exemple).

Cette note était rédigée quand j’ai pris connaissance du texte ci-dessous de mon camarade et ami Jacques Julliard. Son analyse est particulièrement pertinente. Elle nous fait d’autant plus regretter que celui qui est un de nos meilleurs connaisseurs de la gauche ait pu faire l’objet du jugement qui suit : « il étale la confiture de sa pensée » en « héraut d’un fabuleux mépris de classe de toujours et de la connerie en roue libre ». C’est dans l’Humanité du 4 décembre 2018 sous la plume de Maurice Ulrich qui en est souvent le porte-parole sur nos ondes. On peut déplorer que le journal ait accepté d’insérer cette prose, on peut aussi déplorer le silence de la gauche de la gauche face à une telle dérive.

Jacques Julliard : « Qu'est-ce que l'islamo-gauchisme ? »

FIGAROVOX/ARCHIVES - La gauche se divise sur le Burkini. L'historien Jacques Julliard dans ses carnets du Figaro avait livré une puissante réflexion sur l'islam et la gauche. Elle peut être éclairante dans le débat actuel.

Publié le 26/08/2016

Il y a un problème de l'islamo-gauchisme. Pourquoi et comment une poignée d'intellectuels d'extrême gauche, peu nombreux mais très influents dans les médias et dans la mouvance des droits de l'homme, ont-ils imposé une véritable sanctuarisation de l'islam dans l'espace politique français? Oui, pourquoi ces intellectuels, pour la plupart agnostiques et libertaires, se sont-ils brusquement pris de passion pour la religion la plus fermée, la plus identitaire, et, dans sa version islamiste, la plus guerrière et la plus violente à la surface du globe? Pourquoi cette étrange intimidation, parée des plumes de la morale? Pourquoi ne peut-on plus parler de l'islam qu'en présence de son avocat?

Le résultat est stupéfiant, aberrant. On vient en effet d'assister, en l'espace de deux ou trois ans, à la plus incroyable inversion de presque tous les signes distinctifs de la gauche, ceux dans lesquels traditionnellement elle se reconnaît et on la reconnaît.

Au premier rang d'entre eux, la laïcité. Longtemps, elle fut pour elle le marqueur par excellence pour s'opposer à la droite.

Or voici que brusquement, elle est devenue suspecte à une partie de l'extrême gauche intellectuelle, qui a repris sans vergogne à son compte les errances de Nicolas Sarkozy sur la prétendue «laïcité ouverte». Car la laïcité de papa, dès lors qu'elle s'applique à l'islam, et non plus au seul catholicisme, apparaît soudain intolérante, voire réactionnaire. Pis que cela, elle charrierait avec elle de vagues relents de revanche catholique! Depuis que l'Église s'y est ralliée, elle serait devenue infréquentable!

Or la République à son tour est devenue suspecte. N'a-t-elle pas une connotation presque identitaire, «souchienne» disent les plus exaltés, pour ne pas dire raciste? N'est-elle pas le dernier rempart de l'universalisme occidental contre l'affirmation bruyante de toutes les minorités? N'est-elle pas fondée sur ce qui rapproche les hommes plutôt que sur ce qui les distingue? Un crime majeur aux yeux des communautaristes.

Il ne reste plus qu'à faire entrer le dernier suspect: c'est le peuple lui-même! N'est-ce pas Frédéric Lordon, un des porte-parole des Nuits debout (2 000 participants) qui attribue à son mouvement le mérite d'avoir «lavé» la place de la République de ses passions tristes, la commémoration officielle, la panique (un million de personnes)? Tout est dit, tout est enfin avoué.La récusation du peuple par les bobos, qu'ils soient modérés, façon Terra Nova, ou extrémistes, façon islamo-gauchiste, est un fait politique de grande importance, propre à transformer, selon le mot lumineux de Léon Blum, un parti de classe en parti de déclassés.

Il y a quelque chose d'insolite dans le néocléricalisme musulman qui s'est emparé d'une frange de l'intelligentsia. Parce que l'islam est le parti des pauvres, comme ils le prétendent? Je ne crois pas un instant à ce changement de prolétariat. Du reste, allez donc voir en Arabie saoudite si l'islam est la religion des pauvres. Je constate plutôt que l'islamo-gauchisme est né du jour où l'islamisme est devenu le vecteur du terrorisme aveugle et de l'égorgement.

Pourquoi cette conversion? Parce que l'intelligentsia est devenue, depuis le début du XXe siècle, le vrai parti de la violence. Si elle préfère la Révolution à la réforme, ce n'est pas en dépit mais à cause de la violence. Sartre déplorait que la Révolution française n'ait pas assez guillotiné. Et si je devais établir la liste des intellectuels français qui ont adhéré au XXe siècle, les uns à la violence fasciste, les autres à la violence communiste, cette page n'y suffirait pas. Je préfère citer les noms des quelques-uns qui ont toujours témoigné pour la démocratie et sauvé l'honneur de la profession: Camus, Mauriac, Aron. Il doit y en avoir quelques autres. Je laisse le soin aux psychologues et aux psychanalystes de rechercher, dans je ne sais quel réflexe de compensation, une explication de cette attirance des hommes de plume et de parole pour le sang, en un mot de leur préférence pour la violence.

L'autre explication, je l'ai déjà suggéré, c'est ce qu'il faut bien appeler la haine du christianisme. Il est singulier de voir ces âmes sensibles s'angoisser des progrès de la prétendue «islamophobie», qui n'a jamais fait un mort, hormis les guerres que se font les musulmans entre eux, quand les persécutions dont sont victimes par milliers les chrétiens à travers le monde ne leur arrachent pas un soupir. Singulier que le geste prophétique du pape François, ramenant symboliquement de Lesbos trois familles de migrants musulmans, ne leur ait pas tiré un seul applaudissement. Ils ont abandonné la laïcité, mais ils ont conservé l'anticléricalisme. Pis, l'antichristianisme.

Quant à moi, qui continue de croire plus que jamais à la République, au peuple, à la laïcité, au Sermon sur la montagne, je ne laisserai jamais dire que cette gauche-là représente la gauche.

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