L’hospitalisation à domicile (HAD) est une hospitalisation à part entière, qui ne peut être exercée que par un établissement habilité par l’Agence Régionale de Santé (ARS) de sa région d’implantation. Elle prend en charge les soins complexes tels que les soins palliatifs, pansements complexes, fin de vie à domicile, surveillance de chimiothérapie etc. qui nécessiteraient une prise en charge à l’hôpital s’ils ne pouvaient pas être réalisés à domicile. L’HAD permet ainsi d’éviter ou de raccourcir une hospitalisation.
Après 23 ans d’activité, la Mutualité française comtoise (MFC) a appris qu’elle allait, à compter du 30 décembre 2024, être dépossédée de ses autorisations d’hospitalisation à domicile par "une simple lettre" de l’ARS reçue le 20 novembre 2024. Soit un délai "de cinq semaines à peine" appris par le biais d’un procédé qui dérange et qui marque une réelle "rupture de confiance" pour Marie-Jo Tardivat, déléguée syndicale CFDT Santé-sociaux du Doubs.
Les élus et organisations syndicales ont alors tenu, lundi 25 novembre 2024, une conférence de presse pour alerter "la population, les élus et l’ensemble du monde sanitaire" sur la situation critique provoquée par la décision de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté (ARS BFC).
Des objectifs nationaux respectés
Les raisons d’une telle décision ? "Factuellement il n’y en a pas" rétorque Romuald Colomb, secrétaire général adjoint CFDT santé sociaux du Doubs. Du côté de la MFC on assure que "tous les feux étaient au vert" et que l’organisation respectait les objectifs nationaux de 33 patients pour 100.000 habitants. En 23 ans, aucun avertissement n’aurait d’ailleurs été émis par l’ARS, "ni une note négative ou encore un retour de nos tutelles" assure Delphine Messelet, directrice des soins HAD. La décision serait d’après eux "uniquement politique et incompréhensible" résume Marie-Jo Tardivat.
Dans un communiqué de presse émis par l’ARS, celle-ci confirme avoir prévenu l’association Santexcel et la Mutualité française Comtoise le 20 novembre dernier de la nouvelle attribution mais rappelle que "pour l’ensemble des opérateurs concernés, cette orientation est connue et partagée depuis l’élaboration du projet régional de santé (PRS) et la loi de juin 2023".
L’ARS justifie son choix par "la solidité des partenariats" proposés par le nouvel opérateur et "la cohérence des garanties apportées en termes d’organisation, de ressources humaines et de couverture des besoins de la population". Elle ajoute que "de très nombreuses réunions" ont eu lieu "depuis plus de deux" notamment "avec les structures concernées pour leur expliquer la réforme, leur rappeler ses nouvelles exigences, les inviter à anticiper et à travailler toute forme de coopération et de partenariats". La MFC aurait-elle donc été invitée à revoir sa copie ?
"On aurait merdé ok… mais là, ce n’est pas le cas"
Précisant que l’HAD est soumise à des critères, Thierry Gonthier, délégué syndical CGT l’assure, "on est dans les clous. Pas tout le temps, mais aucune HAD ne l’est tout le temps, on gère de l’humain, on ne gère pas des palettes de poireaux". Le délégué syndical précise même que "l'on est novateur au niveau national" après avoir répondu à une demande de l’ARS d’être "plus efficace et de faire encore plus d’efforts pour être présent au niveau des urgences hospitalières et prendre en charge directement les patients". En sept mois, "on est devenu la première HAD de France au niveau des admissions des patients directement aux urgences". L’incompréhension est donc encore plus grande. "On aurait merdé… mais là, ce n’est pas le cas" résume l’élu syndical.
Dans la feuille de route stratégique (2021-2026) pour le développement de la HAD, on peut d’ailleurs lire que la Bourgogne-Franche-Comté fait partie des cinq régions ayant eu le plus fort taux d'évolution en 2020 par rapport à 2019 avec (+27,1%).
180 salariés sur la touche ?
Les organisations syndicales soulignent également l’avenir incertain des 180 salariés actuellement mobilisés sur le secteur de l’HAD et à qui "il va falloir donner des explications que nous n’avons pas" insiste Marie Jo Tardivat. Par ricochet, il y a aussi des postes en lien avec l’HAD qui n’auront selon elle plus de raison d’être : "des informaticiens, comptables, ressources humaines etc". "Tout le monde sera au tapis" conclut-elle.
Pas d’après le CHU de Besançon qui indique dans son communiqué que ces nouvelles structures "s’appuieront sur les professionnels de santé de ville afin que les patients puissent être pris en charge par les intervenants qu’ils connaissent déjà". En clair, les professionnels qui le souhaitent pourront continuer d’exercer avec le nouvel opérateur. L’objectif étant "que la passation soit la plus douce possible et sans plan social" a précisé le directeur de la communication du CHU. L’ARS a de son côté également "invité l’ensemble des collaborateurs concernés à rejoindre le nouvel opérateur".
Déshabillée, la Mutualité Française Comtoise en péril ?
Un coup dur pour la MFC qui, après 23 années à développer et gérer l’HAD "sur l’ensemble du territoire franc-comtois en investissant de manière continue et déterminée" devra désormais faire une croix sur "une équipe de 18O collaborateurs engagés" et un environnement qui garantissait "sécurité et qualité de soins, certifiés par la Haute Autorité de Santé".
Par le biais d’un communiqué de presse, le directeur général de la MFC a également fait savoir que "cette décision incompréhensible et irresponsable va, si elle devait être mise en oeuvre, déstabiliser un acteur majeur de l’économie sociale franc-comtoise et mettrait en péril l’offre de santé".
L’entreprise mutualiste dont la gestion de l’HAD permettait, par le biais des vases communicants, d’équilibrer les comptes, craint effectivement pour son avenir. Avec à sa charge 14 EHPAD mutualistes, qui proposent les tarifs les plus bas du marché, le MFC doit son équilibre financier en partie à son activité d’HAD. Pour son directeur général, c’est donc "l’avenir d’une entreprise mutualiste non lucrative implantée depuis 70 ans en Franche-Comté" qui est menacé.
L'ARS appelle à une "transition responsable"
Parallèlement, ce ne seront alors plus 180 salariés dont il sera question mais bien d’un millier d’après les organisations syndicales. La décision s'apparente pour eux à "une mise à mort de l’entreprise" et elles souhaitent que le directeur général de l’ARS "revoit sa position", ne serait-ce qu’en proposant un partage du territoire plus équitable. À compter du 1er janvier, seul le secteur de Vesoul restera sous la supervision de la MFC.
La MFC réfléchira aux suites à donner sur une éventuelle mobilisation ou non lors d'un comité social économique extraordinaire réuni ce mardi 26 novembre. De son côté, l’ARS a appelé à "une transition responsable" entre la Mutualité française comtoise et Santexcel, afin d’assurer "une prise en charge homogène et stable dès le 1er janvier 2025".
Infos +
Mutualité Française Comtoise accompagne les personnes tout au long de leur vie en leur proposant une offre de santé de qualité accessible à tous. Elle emploie 1.000 salariés répartis sur une quarantaine de sites et gère des services de soins et d’accompagnement mutualistes :
- 1 établissement d’Hospitalisation A Domicile (HAD) sur 5 sites en Franche-Comté
- 5 centres de santé dentaires
- 10 magasins Ecouter Voir optique mutualiste
- 10 magasins Ecouter Voir audition mutualiste
- 14 résidences pour personnes âgées dépendantes