La tribune d'Alain Joyandet contre la loi Travail El Khomri

Publié le 29/04/2016 - 14:01
Mis à jour le 30/04/2016 - 08:23

Alors que l’Assemblée Nationale examinera à partir du mardi 3 mai 2016 le projet de loi Travil de la ministre El Khomri, le sénateur de Haute-Saône et conseiller régional de Bourgogne Franche-Comté a rédigé une longue tribune dans laquelle il explique, en détail, son opposition au texte.

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Dans cette Tribune, Alain Joyandet estime que le texte présenté par la ministre du Travail,  Myriam El Khomri est anxiogène pour les salariés et qu'il ne relancera ni l'économie, ni l'emploi. Il défend en revanche l'idée d'une TVA Compétitivité Emploi

Tribune  

Le projet de loi "El Khomri" est un rendez-vous manqué avec les entreprises, car il ne s'attaque pas aux principaux maux qui les handicapent lourdement en France. Durant la seule année 2015, environ 60 000 très petites ou petites et moyennes entreprises, souvent familiales, ont disparu. Un nombre similaire risque de connaître la même tragédie en 2016. Pourtant, pas une seule d’entre elles n’aurait survécu grâce au projet de loi "travail", car ce texte est largement inutile pour combattre le recul de compétitivité et de rentabilité qu'elles rencontrent. Toutes les dispositions qu'il contient, et qui portent sur de nombreux sujets (temps de travail, licenciement économique, dialogue social, compte personnel d'activité, garantie jeune, augmentation des moyens des syndicats et de la représentativité des organisations patronales, convictions religieuses des salariés, taxation des contrats à durée déterminée, etc.), sont inopérantes pour relancer l'activité et, in fine, l'emploi. 

Le chômage ne disparaitra pas avec la libéralisation du code du travail. Il ne disparaîtra pas davantage en stigmatisant la protection dont bénéficient les salariés, alors qu'ils participent de loin aux résultats, ainsi qu'au bon fonctionnement, des entreprises nationales. Il disparaîtra encore moins en faisant peur à ceux qui ont un emploi. En réalité, nos entreprises ont besoin de collaborateurs sereins, qui soient en mesure d'avoir un avenir lisible et en capacité de construire des projets personnels. Plus que jamais, le travail doit être un élément de "fraternité nationale", et pas un vecteur d’affrontements de divisions et de tensions.

Penser qu'une réforme du code du travail va entraîner - par son seul effet - la création d'emplois supplémentaires est le signe d'une totale méconnaissance de la vie des entreprises. J'ai dirigé une entreprise familiale, que j'ai créée, pendant une quarantaine d'années. Durant toute ma carrière d'entrepreneur, nous avons toujours pu recruter du personnel lorsque notre entreprise se développait. Réciproquement, nous avons toujours pu licencier - à contre-cœur - des collaborateurs quand la situation était plus difficile. En tout état de cause, la législation - malgré les contraintes qu'elle peut imposer - nous a toujours permis, en fonction de la conjoncture, de mettre en adéquation les effectifs de l’entreprise avec ses besoins réels. 

En revanche, pour que les entreprises soient à nouveau en mesure de créer des emplois, elles doivent renouer avec l'activité. C'est une évidence. Aussi, il est indispensable de les délester du poids des impositions obligatoires de toutes sortes qu'elles doivent payer, pour améliorer sensiblement leur compétitivité et leur rentabilité.

C'est la raison pour laquelle, une mesure simple et efficace doit être prise rapidement : remplacer le "CICE" par la "TVA compétitivité - emploi". Pour les deux dernières années, le "CICE" a permis aux entreprises de récupérer sous forme de crédit d'impôt plus de 27 milliards d'euros. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le "CICE" a préservé ou créé environ 120 000 emplois en France depuis 2014. Il a freiné la baisse du taux de marge des entreprises et favorisé une augmentation des salaires. De la même manière, il a limité la hausse du coût du travail. Toutefois, il n'a pas produit les effets escomptés s'agissant de la compétitivité des entreprises et de leur capacité à investir. Or, c'est justement à travers ces deux leviers que l'on peut significativement et durablement créer du développement et, ensuite seulement, de l'emploi. Il faut donc simplifier, poursuivre, et surtout amplifier la logique qui anime le "CICE" en le transformant en "TVA compétitivité - emploi". Cette dernière mesure avait d'ailleurs été votée par le Parlement en 2012 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, alors qu'il était Président de la République. Elle a ensuite été supprimée par François Hollande, lors de son arrivée à l'Elysée, qui - finalement - a regretté sa suppression en septembre dernier.

La "TVA compétitivité - emploi" est un dispositif qui consiste à augmenter le taux normal de TVA pour compenser l'allègement des charges sociales acquittées par les entreprises. Ainsi, en transformant le CICE en "TVA compétitivité - emploi", on transformera les milliards d'euros de crédit d'impôt qui y sont consacrés actuellement en baisse structurelle, mécanique et généralisée des charges sociales pour toutes les entreprises françaises. Dans ce cas de figure, la fiscalité française reposera davantage sur la consommation que sur le travail ou la production. Cette solution permettra ainsi aux biens et services "made in France" de gagner en compétitivité et, par là, en débouchés. En conséquence, les entreprises pourront enfin recréer des emplois pour répondre à l'augmentation de leur activité.

Cependant, la compétitivité n'est pas le seul mal dont souffrent les entreprises en France. Elles ont également besoin que les pouvoirs publics cessent de les brimer pour - au contraire - leur faire confiance et les accompagner. A cet égard, il est nécessaire d'alléger - au même titre que les charges sociales - les contraintes normatives et les contrôles administratifs qui pèsent sur elles. Par exemple, les données disponibles montrent qu'il existe une accumulation d'entreprises dont les effectifs sont situés juste en dessous des seuils sociaux prévus par la législation française pour les entreprises (le dépassement d'un seuil entraîne l'application d'obligations et de coûts supplémentaires pour ces dernières). 

Plus précisément, il y a globalement 2,5 fois plus d'entreprises comptant 49 salariés que d'entreprises en comptant 50. Or, la simple majoration des seuils sociaux, de 50 ou 100 %, permettrait de créer de nombreux emplois supplémentaires. Dans le même ordre d'idées, il serait nécessaire de réduire, ainsi que de simplifier, le nombre de déclarations ou de dossiers que les entreprises doivent rédiger et remettre à l’administration. Enfin et de la même manière, l'Etat devrait garantir à tous les acteurs de l'économie française la stabilité fiscale et administrative. Les entrepreneurs, plus que quiconque, ont besoin de visibilité à moyen terme. C'est capital pour eux.

Autant de vrais "sujets" qui ne sont pas abordés - ni de près, ni de loin - par le projet de loi "travail". Or, dans un contexte de très faible croissance économique, le projet de loi "travail" pourrait bien devenir la loi "licenciement" dans les faits, si les difficultés structurelles que rencontrent les entreprises ne sont pas résolues préalablement. De plus, lorsqu'un pays connaît un chômage de masse depuis plusieurs décennies, la priorité n'est certainement pas de faciliter les licenciements, mais bien au contraire de faciliter les recrutements ou les embauches par les entreprises, tout en sécurisant la carrière professionnelle des salariés avec - notamment - une formation professionnelle continue digne de ce nom. De façon générale, la formation professionnelle devrait être profondément réformée en France, afin que les compétences des demandeurs d'emploi soient davantage en adéquation avec les besoins des entreprises en recherche de personnels.

En tout état de cause, le projet de loi "El Khomri", qui a déjà été vidé d’une grande partie de son contenu initial, finira comme la plupart des projets gouvernementaux, c'est-à-dire totalement édulcoré, afin de satisfaire toutes les revendications corporatistes. Malheureusement, une fois de plus avec ce projet gouvernemental qui n'aboutira à rien, la crédibilité et le volontarisme de la classe politique en sortiront affectés et mis à mal, sans que nos entreprises en soient pour autant renforcées et que des emplois supplémentaires soient créés. Qui plus est, l'introduction dans le texte "El Khomri" d'une garantie jeune, pour calmer une "partie" de la jeunesse mobilisée contre lui, est révélatrice de l'impuissance et de l'inefficacité du dialogue social dans notre pays. Plus encore, elle témoigne de la culture économique et sociale résolument archaïque d'une grande partie de la gauche française, exclusivement tournée sur les dépenses sociales et l'assistanat. Or, les Français dans leur ensemble, et l'immense majorité des jeunes de surcroît, veulent pouvoir travailler et vivre dignement du fruit de leur labeur. Ils refusent que le "rêve français" soit synonyme d'allocations et de oisiveté. Ils aspirent au contraire à une justice sociale fondée sur le travail et le mérite. Ils rêvent d'une France où le travail participe à l'émancipation individuelle et à la cohésion sociale. 

Alain Joyandet

Vesoul, le  29 avril 2016  

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